C’est un café restaurant installé près de la Porte de Châtillon (Paris 14e), comme il en existe bien d’autres dans les quartiers de la Capitale. Moderne, propre, design, un cadre simple et soigné. Sur les murs, des photos montrent le café d’avant et les travaux qui ont été effectués. Des clients sont attablés : deux vieilles dames dignes papotent, des étudiants discourent en français- anglais, quelques ouvriers ou employés reprennent des forces en engloutissant le plat du jour. C’est l’heure du déjeuner, le personnel s’affaire au comptoir, dans la salle et en terrasse. En étant plus attentif, on remarque le nom de l’établissement, Café Signes. Le set de table présente l’alphabet des signes. Un serveur passe, il porte un Tee- shirt qui vous souhaite la bienvenue en français et en signes. Le garçon est sourd, vous êtes dans un Centre d’Aide par le Travail qui est également le premier à exploiter un café. On se parle par signes ou oralement, la convivialité règne, on entre tout doucement dans l’univers des sourds.
Les habitants du quartier se sont rapidement appropriés le Café Signes. Visiblement, la fermeture en 1998 de l’ancien café avait laissé un vide: « On a voulu tout de suite le reprendre, confie Martine Lejeau Perry, directrice du C.A.T Communication Jean Moulin, pour en faire un lieu de rencontre entre sourds et entendants ». L’association support l’Entraide Universitaire, aura mis cinq années bien remplies pour aboutir: montage du projet, présentation à la DDASS pour qu’elle accorde les places de C.A.T correspondant à la nouvelle activité, recherche des financements complémentaires, etc.
Par chance, il n’y avait pas de bail commercial à reprendre ce qui réduisait notablement la facture. La G.M.F, assurance mutuelle propriétaire des lieux, a pris à sa charge une grande partie de la réfection du café. Plusieurs sponsors ont fourni du matériel, la Ville de Paris a voté une subvention conséquente. « Ces soutiens ont permis d’ouvrir, précise Michel Mauthé, directeur de l’Entraide Universitaire; notre objectif est maintenant d’équilibrer la gestion et de faire travailler une dizaine de sourds au contact des entendants ». Les personnes employées par le C.A.T ne sont pas simplement sourdes, elles ont également des troubles associés, essentiellement d’ordre psychique. « Quand ils arrivent au C.A.T, explique Martine Lejeau Perry, ils sont en échec de communication avec l’autre, que ce soit en oralisant ou par langue des signes. A l’ouverture du café, les sourds avaient peur des entendants, et vice- versa ».
Des moniteurs d’ateliers sont chargés d’encadrer les ouvriers du C.A.T et d’assurer une partie du service des consommateurs. Ils interviennent pour aider ou soulager un serveur dont le mal- vivre remonte, ou prennent la commande lorsque la communication n’arrive pas à s’établir avec le client. Tous sont volontaires.
Depuis son ouverture, l’équipe de Café Signes est stable : un seul départ parmi les ouvriers C.A.T. « Ils ont trouvé que le travail était très dur, la contrainte du service dû aux clients est forte. Aujourd’hui, ils sont épanouis », estime Martine Lejeau Perry. Le Café Signes est un succès et plusieurs organisations voudraient s’en inspirer. « Nous avons la clientèle pour ouvrir le soir et le week-end, mais le cadre des 35 heures ne le permet pas. Nous avons aussi été sollicités par Poitiers, qui prépare l’ouverture d’une Maison des Sourds, et Montpellier ».
Alors, en passant sur ce boulevard de dégagement automobile qui conduit vers le Périphérique, arrêtez- vous donc prendre un Café Signes !
Laurent Lejard, octobre 2003
Café Signes, 33 avenue Jean Moulin 75014 Paris. Le café propose au déjeuner un menu quotidien et des plats à la carte. De nombreuses places de stationnement réservé aux véhicules des personnes handicapées parsèment le boulevard. Une brochure est placée sur les tables pour aider à communiquer par signes avec les serveurs.