En France, c’est encore de la science-fiction mais au Royaume-Uni, les sourds qui apprécient l’opéra disposent d’un choix de spectacles avec interprétation en langue des signes britannique (B.S.L). A Londres, l’Opéra Royal de Covent Garden (R.O.H) et l’English National Opera (E.N.O) proposent plusieurs spectacles durant leur saison lyrique. En Province, Manchester, Nottingham, Leeds, Newcastle et Edimbourg, proposent également au moins une oeuvre par an. Une organisation assure l’interprétation, Signed Performances In Theatre (SPIT). Basée à Manchester, Spit a été formée en 1994 pour encourager et faciliter les interprétations en B.S.L pour les spectateurs sourds et malentendants. Son objectif premier est de faire en sorte que tous les sourds aient accès à un grand nombre de théâtres par la fourniture de traductions des spectacles en B.S.L. L’organisation a évolué en s’intéressant non seulement au public sourd mais également aux compagnies et aux administrateurs de salles de spectacles afin de les sensibiliser aux pratiques de ces interprétations en B.S.L. Spit, constituée à la fois en association et en société, compte plus de 60 membres dans tout le pays, représentant un panel allant de grandes compagnies à de petites salles. On trouvait dans sa base de données, en cette fin novembre, 320 spectacles adaptés, dont 16 représentations lyriques en B.S.L jusqu’en juillet 2005 ! Wendy Ebsworth, interprète chez Spit, explique comment ces adaptations ont vu le jour.
Question : Comment la traduction des opéras en B.S.L a-t-elle commencé ? Etait- ce une demande du public sourd, l’initiative particulière d’une salle, ou une obligation légale ?
Réponse : L’English Touring Opera (compagnie itinérante basée à Londres) a commencé à traduire ses représentations en B.S.L au début des années 1990, en partie à la demande de personnes sourdes. L’English National Opera à suivi peu après, et le Royal Opera House a commencé en 2000 après sa réouverture. Bien que ce ne soit pas actuellement une obligation légale, ça pourrait le devenir…
Question : Combien de spectateurs sourds assistent à ces représentations ? Où sont- ils placés dans la salle, et où se tient le traducteur ?
Réponse : Le nombre varie et il nous est difficile de donner un chiffre exact dans la mesure où les spectateurs handicapés n’ont pas nécessairement recours à notre « access list » à tarif réduit. Les représentations en B.S.L sont données quel que soit le nombre de spectateurs. L’interprète se tient sur l’un des côtés de la scène. Nous faisons en sorte que les spectateurs sourds soient placés assez près, et du bon côté !
Question : Quels sont les critères pour choisir quel opéra sera traduit ?
Réponse : La décision est prise entre le directeur de l’opéra et l’interprète. La direction de l’Education est parfois consultée.
Question : Quel est l’exact objectif de ces interprétations : traduire les dialogues, expliquer l’action ? Comment faites- vous pour traduire plusieurs artistes chantant simultanément ?
Réponse : Ce n’est pas une traduction directe, raison pour laquelle nous insistons sur le terme « interprétation ». La tâche la plus importante de l’interprète est de transmettre la signification, le sens et l’émotion contenus dans le chant. Quand les personnages chantent ensemble, l’interprète doit décider de ce qu’il est le plus important pour le public sourd de comprendre. L’avantage de l’opéra réside dans le fait que les mots sont souvent répétés, ce qui permet à l’interprète de rendre compte de ce que chaque personnage dit, en indiquant clairement qui chante quoi.
Question : Quand un opéra est sur-titré, les airs répétés ne sont souvent traduits qu’une fois. Cela se produit- il en traduction ?
Réponse : Non, l’interprétation en B.S.L est plus continue, donc les reprises sont également traduites et répétées.
Question : D’autres opéras, en Grande- Bretagne, proposent- ils ces traductions ?
Réponse : Oui. En plus de l’English Touring Opera, du R.O.H et de l’E.N.O, on compte l’Opera North (Leeds). Le Welsh National Opera (Cardiff) devrait bientôt les proposer.
Et en France ? Selon le service des relations avec le public du Théâtre National de l’Opéra de Paris, qui gère les salles Garnier et Bastille, il n’y a pas de demande de la part des sourds en matière de spectacle lyrique adapté en langue des signes. Dont acte ?
Laurent Lejard, novembre 2004.