Le Théâtre National de Chaillot (Paris) est l’un des rares qui, en France, conduisent une véritable politique d’accès aux déficients auditifs. C’est en son sein que s’est créée l’association Accès Culture qui réalise sur-titrages et adaptations en langue des signes française. Sa dernière réalisation en date, c’est On danƒe (ce ƒ n’est pas une erreur mais une coutume typographique empruntée au XVIIe siècle), créé à Chaillot en janvier 2005 et repris en février 2006 avec trois représentations en L.S.F (2,3 et 5 février).

« Le spectacle est extrêmement visuel, explique Anne Lambolez, interprète en langue des signes française. Il utilise la projection vidéo, la danse, le hip-hop, sur des musiques du compositeur baroque Jean-Philippe Rameau. Il y a une interaction entre les personnages physiques et la vidéo ». Cet univers visuel très ludique a déjà été exploité par le duo Montalvo-Hervieu dans leur mise en scène de l’opéra « Les Paladins », du même compositeur, créé à Paris en mai 2004.

Le travail d’Anne Lambolez a consisté à adapter les passages parlés des trois comédiens qui viennent s’exprimer sur la danse, et de quelques danseurs. « Ils parlent au public de la danse, des émotions qu’elle génère. J’apparais sur scène lors de leurs interventions tout en restant statique pour être bien visible par les spectateurs sourds qui sont placés à proximité ». Des places sont réservées pour les spectateurs sourds dans une zone leur assurant de voir à la fois le spectacle et l’interprète. « J’ai d’abord travaillé à l’adaptation des textes, que j’ai ensuite soumise à José Montalvo. Puis j’ai participé à des répétitions avec les danseurs et comédiens, pour bien synchroniser mes apparitions. L’adaptation prend du temps; il faut lire et digérer le texte, pour parvenir à en ressortir le sens en L.S.F. Le plus difficile, ce sont les références historiques. Par exemple, Rameau n’a pas de nom en signe. Alors je suis resté dans le contexte en signant ‘le compositeur de la musique qui accompagne le spectacle’. Je tiens compte de la culture sourde : un compositeur de musique est abstrait pour les sourds ».

Anne Lambolez a déjà participé à l’adaptation de spectacles, notamment pour la comédie musicale Roméo et Juliette (chorégraphie de Réda, musique de Gérard Presgurvic), mais elle n’était pas sur scène : « L’un des personnages, joué par une danseuse, était sourd-muet. J’ai réalisé l’adaptation en langue des signes de ses interventions, et je l’ai formé à s’exprimer en signes ».

Même si On danƒe est un spectacle très visuel, Anne Lambolez estime qu’avoir inclus un interprète en langue des signes est un atout supplémentaire : « Les comédiens et les danseurs m’ont accueilli chaleureusement. Ils m’ont aidée, je n’ai eu que du positif ». Une première parisienne à laquelle Accès Culture souhaite donner une suite : elle prépare l’adaptation L.S.F et L.P.C des Contes de Grimm mis en scène par Olivier Py au théâtre du Rond-Point (Paris), pour le mois de mai 2006. Accès Culture espère que les jeunes sourds seront plus réceptifs à cette initiative que leurs aînés, encore peu présents lors de l’adaptation en L.S.F de spectacles tous publics.

Laurent Lejard, janvier 2006.

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