Une jeune compagnie théâtrale, Signes en scène, a joué durant le Festival Off d’Avignon 2006 une pièce initiée par Julie Meyrand et écrite par ses interprètes, Signe d’amour. L’argument est ancré dans les relations entre sourds signeurs et entendants, deux mondes qui s’ignorent et se rencontrent parfois.

Julie Meyrand, qui réside à La Réunion et séjourne fréquemment en Métropole, qui est à l’origine de la troupe et de la pièce, a appris la Langue des Signes Française pour faire du théâtre et combler une lacune : « Je n’avais pas pu communiquer avec une jeune femme sourde, cela m’avait choqué et j’ai voulu que cela ne produise plus. Depuis, j’ai travaillé en bénévole dans un établissement pour sourds et aveugles ». Sa rencontre avec le dramaturge Frédéric Ladauge l’a conduite à rassembler quelques sourds et entendants dans un travail d’apprentissage et de création théâtrale. « Il n’existe pas d’autre troupe mêlant sourds et entendants à La Réunion, explique Julie Meyrand, il y a seulement eu des entendants jouant les sourds. Nous avons beaucoup travaillé pour parvenir à jouer à Avignon. Et le Festival est encore une occasion d’apprendre, les autres comédiens sont impressionnés d’être ici, certains ont un peur de la foule quand il faut aller distribuer les tracts du spectacle ».

Isabelle Ladauge a assuré la formation des comédiens : « Ils sont tous amateurs, deux seulement avaient pris des cours de théâtre. On a travaillé et monté la pièce au printemps 2005, et après les représentations de juin 2005, c’était terminé. Mais j’ai trouvé dommage que tout s’arrête, et j’ai proposé de venir jouer au Festival Off d’Avignon ». Julie Meyrand poursuit : « J’ai séjourné à Avignon lors du Festival 2005, et rencontré des professionnels. Au Théâtre Golovine, ils ont trouvé le projet intéressant et nous ont invité pour 2006. Alors on a repris la pièce à La Réunion, nous l’avons joué une douzaine de fois, dans les toutes les salles de l’île, devant 2.000 spectateurs au total ». La compagnie a dû trouver le financement des presque 20.000€ nécessaires pour payer le transport aérien et le séjour à Avignon. « Le budget a été bouclé une semaine avant le départ, commente André Morin, comédien entendant et trésorier. Le Conseil Général nous a soutenu, la Région a financé le transport. Nous avons trouvé des sponsors, dont la source d’eau minérale Cilaos ».

Frédéric Ladauge complète : « Seuls les professionnels sont aidés pour jouer en France, au titre de l’action culturelle, et l’Alliance Française finance les tournées dans les îles voisines (Maurice, Madagascar, etc.). Il est difficile dans ces conditions d’émerger de l’amateurisme ». Pourtant, selon André Morin, La Réunion est une référence dans la région de l’Océan Indien en matière de pratique et de niveau culturel.

« Il y a environ 2.000 sourds à La Réunion, estime André Minguy, sourd et conseiller en L.S.F de la troupe; plus nombreux dans le sud de l’île. La plupart sont signeurs, et on commence à pratiquer l’intégration. La première école pour sourds fut créée en 1946, par les Soeurs de Marseille; à l’époque, elles pratiquaient l’oralisation. Actuellement, la L.S.F me semble plus évoluée à La Réunion qu’en Métropole, la façon de signer est plus harmonieuse; le principal obstacle c’est l’activité culturelle. Il y a une timide ouverture avec la pièce de Julie Meyrand, c’est une bonne opportunité ». Si le créole a peu d’impact sur les signes, certains sont très locaux et désignent des plantes et produits « pays », des fruits particuliers, etc. « Par exemple, poursuit André Minguy, il y a trois signes pour ‘banane’. Certains signes créés par l’échange entre sourds peuvent devenir conventionnels « . Mais s’il n’y a pas de langue des signes créole, bien des sourds oralisent en créole, telle Aude Virin, l’une des comédiennes.

« La pièce montre la réalité de la communication entre sourds et entendants, explique André Minguy. Certains signent du français, d’autres de la L.S.F ». De fait, la syntaxe est différente et il faut atteindre un certain niveau de pratique pour s’exprimer en respectant celle de la L.S.F. « Nous voulons que les spectateurs sortent du spectacle avec l’envie d’apprendre la langue des signes, complète Julie Meyrand. Certains d’entre eux se sentent handicapés en voyant les comédiens »…

Laurent Lejard, août 2006.

Signes en scène, Julie Meyrand, 39 village de la Vierge 97400 Saint-Denis Montgaillard. Tél. 02 62 30 12 98.

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