La loi du 11 février 2005 d’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, a institué une obligation pour les chaînes de télévision de rendre leurs émissions accessibles aux publics sourds ou malentendants. Elle établit deux niveaux d’adaptation : les chaînes qui dépassent 2,5% d’audience doivent théoriquement tout adapter mais elles peuvent demander des « dérogations justifiées par les caractéristiques de certains programmes », les autres négocient un volume d’heures de programmes à traiter. Mais la loi ne privilégie pas le média sur lequel repose cette accessibilité, sous-titrage et langue des signes. Les chaînes ont choisi : ce sera le sous-titrage, et rien que le sous-titrage. C’est donc uniquement dans ce domaine que les sociétés de télévision travaillent actuellement, en liaison avec le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA); en effet, les obligations des chaînes de télévision sont inscrites dans la Convention légale qu’elles négocient et signent avec cet organisme de contrôle et de régulation.

La chaîne leader, TF1, se limite au seul sous-titrage télétexte : 21% des émissions en 2004, 26% en 2005, perspective de 40% en 2006. « On adapte tous les genres de programme, précise Patricia Vergnerie, en charge du secteur, sauf les journaux télévisés. Ils nécessitent un équipement et des moyens humains que nous n’avons pas déployé ». Pourtant, les textes de ces journaux sont écrits et lus à l’antenne, pour la plupart, par le présentateur ou les journalistes. TF1 s’intéresse à des logiciels de reconnaissance vocale performants, opérationnels pour l’anglais ou l’espagnol mais encore très perfectible pour le français selon la chaîne. TF1 vise 100% d’émissions sous-titrées en 2010, si la question technique des émissions en direct, dont les journaux de 13 et de 20 heures peut être réglée. Autre chaîne privée, M6 sous-titre, sans réelle stratégie, un peu tous les genres d’émissions. On trouve notamment des programmes enfant, des séries américaines, etc. Côté service public, silence radio à France Télévisions, où tout passe par une seule et même personne qui refuse de répondre aux questions ! Impossible, donc, de savoir si, au-delà de l’obligation d’atteindre 100% de sous-titrage, France 2, France 3 ou France 5 développeront des interprétations en L.S.F, actuellement limitées à un journal quotidien abrégé, aux questions orales des parlementaires et au magazine L’Oeil et la main.

« Il y a un réel accroissement du volume de programmes sous-titrés », constate Corinne Samyn, Chargée de mission au CSA. Elle estime que l’objectif d’adapter la totalité des émissions est réalisable à la date butoir du 11 février 2010. Tout en reconnaissant que les demandes de dérogations s’accumulent. En 2005, France 3 était la première, avec 44,7% d’émissions à sous-titrage télétexte, puis venaient France 2 (43,7%), France 5 (37,4%), TF1 (28,9%) et M6 (14,1%). Pour sa part, Canal Plus a diffusé 77 films avec sous-titrage spécifique « sourds et malentendants », en plus de ceux qu’elle propose en version originale sous-titrée. Actuellement, seules les chaînes hertziennes à diffusion analogique sont concernées par l’obligation d’adapter leurs émissions, aucune des chaînes de la nouvelle Télévision Numérique Terrestre ni du câble ou du satellite n’atteignant encore 2,5% de part d’audience.

Arte constitue un cas à part. La chaîne diffuse ses programmes en bilingue français-allemand, ses obligations d’accessibilité ne sont pas les mêmes en Allemagne et en France. « C’est un combat difficile, constate André Lhostis en charge du sous-titrage télétexte français. Arte atteint actuellement 20% de programmes sous-titrés, nous l’avons multiplié par 2 entre 2005 et 2006 pour un budget de 580.000€. L’obstacle réside dans le coût de réalisation ». La chaîne culturelle franco-allemande pense atteindre 90% de sous-titrage en 2010, compte-tenu des émissions en direct pour lesquelles Arte attend la mise au point de la reconnaissance vocale, estimant qu’il y a des limites à la vélotypie; ce procédé qui consiste à transcrire des propos au fur et à mesure est employé pour les conférences mais génère de nombreuses erreurs et incompréhensions, sur les noms et mots techniques, par exemple, ou en cas de débit verbal trop rapide. Enfin, Arte n’envisage pas d’interprétation en LSF pour des raisons techniques, précise André Lhostis; si les canaux sonores sont séparés, le canal vidéo est identique.

Les sourds et malentendants maitrisant la lecture du français vont disposer dans les années qui viennent d’une télévision globalement bien adaptée, garantie d’une information diversifiée et pluraliste. Mais les sourds signeurs resteront dépendants des quelques modules existants qui leur sont destinés, et qui sont loin de garantir leur égalité d’accès à l’information et à la citoyenneté.

Laurent Lejard, décembre 2006.

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