On le sait, il existe une multitude de langues des signes, plus de 120 recensées par des experts sur les centaines existantes. Elles sont nationales, mais aussi régionales : catalane ou galicienne en Espagne, flamande, francophone ou allemande en Belgique, francophone, allemande ou italienne en Suisse, finnoise et finno-suédoise en Finlande. Certains signes sont issus d’établissements spécialisés et ne sont pas spontanément compris dans une autre région. Les convergences de vocabulaire entre langues des signes sont indépendantes de celles des langues parlées. Par exemple, un sourd des U.S.A sera mieux compris par un Français que par un Anglais ! Cela s’explique aisément, la langue des signes américaine (A.S.L) et la L.S.F ayant la même origine, importée aux Etats-Unis par Laurent Clerc en 1817. Interdites d’usage en Europe durant un siècle à la suite du Congrès de Milan en 1880, quel est actuellement le statut des langues des signes sur le continent ? Dans le rapport « Le statut des langues des signes en Europe », le Conseil de l’Europe apporte des informations utiles et comparatives.

En Allemagne, la loi d’égalité des chances des personnes handicapées du 1er mai 2002 a reconnu la langue des signes comme langue à part entière, et permet aux sourds d’employer le mode de communication de leur choix dans leurs relations avec l’administration, les frais de traduction étant à la charge des pouvoirs publics. Selon les régions (Lander), des dispositions plus favorables existent.

En Autriche, la langue des signes est reconnue depuis le 1er septembre 2005 comme langue indépendante, inscrite en tant que telle dans la Constitution de la République. Le recours à un interprète lors d’une formalité importante (administration, emploi, santé) est financé.

En Belgique, la langue des signes francophone est reconnue depuis le 21 octobre 2003 comme langue officielle de la Wallonie au même titre que le français, le flamand-néerlandais et l’allemand; les sourds peuvent être éduqués en L.S.F.B. Le Parlement de la région Flandre a reconnu officiellement la langue des signes flamande le 26 avril 2006.

A Chypre, l’éducation oraliste est de rigueur dans les établissements scolaires (l’intégration à l’école ordinaire est privilégiée) ou dans l’unique école spécialisée de l’île. La langue des signes chypriote, encore sous influence grecque et américaine, est enseignée depuis peu; le recours à un interprète est autorisé dans les relations avec la justice.

Au Danemark, la langue des signes est reconnue « à part entière » depuis 1991. Elle est recommandée « à titre principal » dans l’éducation des enfants. Le service de l’interprète est gratuit dans les activités liées à la santé, la formation professionnelle, la culture, etc.

En Espagne, le ministère du travail et des affaires sociales a élaboré un rapport sur l’impact de l’usage de la langue des signes, en terme d’interprétariat et de promotion du bilinguisme dans les relations avec l’administration. Les provinces autonomes de Catalogne, Andalousie et Valence reconnaissent la langue des signes régionale.

En Estonie, la langue des signes est enseignée dans le cadre d’une éducation bilingue, avec quota annuel d’heures d’interprète.

En Finlande, la langue des signes finnoise est reconnue dans la Constitution depuis août 1995, l’éducation des sourds peut être réalisée dans cette langue, du primaire au supérieur. La loi fixe le nombre minimal d’heures gratuites d’interprétariat dont peut bénéficier une personne sourde.

En France, la langue des signes française est reconnue comme langue à part entière par la loi du 11 février 2005. Les jeunes sourds ont le choix entre une éducation bilingue langue des signes et langue française, ou en langue française. L’interprète est pris en charge par les pouvoirs publics dans les relations avec la justice, et avec l’administration sous certaines conditions.

En Hongrie, en dehors de l’affirmation du respect du droit à employer la langue des signes hongroise, en cours de normalisation, il n’existe pas de reconnaissance officielle. Quelques actions de soutien à son usage existent, dans l’éducation ou les rapports avec l’administration.

En Irlande, la langue des signes irlandaise, qui diffère de celle qui est pratiquée au Royaume-Uni, peut être la langue d’éducation des jeunes sourds.

En Islande, la langue des signes est la première langue d’éducation des sourds âgés d’au moins 6 ans, depuis 1999, l’islandais la seconde.

En Italie, la langue des signes italienne peut être choisie pour l’éducation des jeunes sourds dans un cadre bilingue.

En Lettonie, aucune reconnaissance, le service d’interprétation est gratuit uniquement pour des « situations d’importance ».

En Lituanie, la loi de 1991 sur l’intégration sociale des personnes handicapées a reconnu la langue des signes comme langue maternelle des sourds; depuis 1996, la langue des signes est devenue langue officielle des sourds.

Au Luxembourg, la langue « gestuelle » luxembourgeoise n’est ni codifiée ni reconnue. L’éducation oraliste des enfants sourds est remplacée depuis 4 ans par la langue des signes allemande.

En Norvège, la langue des signes norvégienne est reconnue en tant que première langue des sourds.

Aux Pays-Bas, les pouvoirs publics subordonnent la reconnaissance de la langue des signes néerlandaise à son unification, sans variante linguistique.

En Pologne, la langue des signes est reconnue officiellement et constitue la première langue dans l’éducation des jeunes sourds.

Au Portugal, la langue des signes portugaise est reconnue comme langue d’éducation et moyen d’expression culturelle par la Constitution qui en protège l’usage.

En Roumanie, la langue des signes est reconnue en tant que moyen de communication.

Au Royaume-Uni, plusieurs lois comportent des dispositions relatives à l’emploi de la langue des signes (justice, administration, santé, communication audiovisuelle, etc.). La langue des signes britannique est reconnue officiellement depuis le 18 mars 2003. En Irlande du Nord, cette reconnaissance officielle est accordée à la fois aux langues des signes britannique et irlandaise.

En Slovaquie, la langue des signes slovaque est protégée par la loi 149 du 26 juin 1995; les sourds peuvent l’employer et être éduqués dans cette langue qui n’a toutefois pas le statut de langue minoritaire.

En Slovénie, la langue des signes slovène est reconnue depuis 2002; les sourds peuvent être éduqués dans cette langue avec un quota annuel financé d’heures d’interprète.

En Suède, le pays a opté pour la reconnaissance du bilinguisme en 1981. Les sourds communiquent à la fois en langue des signes et en suédois (écrit ou parlé).

En Suisse, les langues des signes ne sont pas formellement reconnues mais leur usage est pris en considération lors de l’élaboration de lois et règlements afin qu’ils soient compatibles avec l’exercice d’une langue signée.

En Tchéquie, depuis le 11 juin 1998, l’égalité est proclamée entre langues parlée et signée; les sourds peuvent choisir de recevoir un enseignement en langue des signes. Le recours à un interprète dans les relations avec la justice ou un professionnel de santé est gratuit, de même que pour les études en 3e cycle.

Rappelons enfin que le Parlement Européen a approuvé une résolution concernant les langues des signes le 17 juin 1988. La résolution demande à tous les états-membres la reconnaissance de sa langue des signes comme langue officielle des sourds.

Jacques Vernes, décembre 2006.


« Le statut des langues des signes en Europe » est disponible auprès des Editions du Conseil de l’Europe, 17€

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