Depuis juin dernier, le Musée d’Orsay, à Paris, présente une exposition de photographies anciennes sur le thème de la main. Pour ses derniers jours avant clôture le 30 septembre, un cycle de spectacles et de conférences est organisé du 18 au 29 septembre 2007 dans l’Auditorium du musée. La plupart sera accessible aux malentendants et aux sourds. Les deux conférences seront interprétées en langue des signes française, la première sur l’histoire de cette langue exposée par un conférencier sourd signeur, Rachid Benelhocine, la seconde sur « La chiromancie, divination ou lecture? » (en français traduit en L.S.F).
Côté spectacles, la Compagnie Les Rémouleurs présente Lubie, théâtre d’objet et de main. « Lubie est un hommage aux mains comme outil de tous les jours, commente l’auteure et marionnettiste Anne Bitran. On les oublie alors que l’on s’en sert tout le temps ». Anne Bitran fait de ses mains des objets, des personnages, joue également sur l’abstraction, chorégraphie le geste, utilise la main comme un pinceau. Ses mains apparaissent grossies par un dispositif optique, créant avec le spectateur un rapport intime. Pendant qu’elle élaborait ce spectacle, Anne Bitran suivait des cours d’apprentissage de la langue des signes française : « J’ai découvert un univers extraordinaire, cela m’a apporté beaucoup dans ma façon de parler avec les mains. Ce langage est universel, et d’ailleurs on présente souvent Lubie à l’étranger ». Elle espère des spectateurs sourds qu’ils lui communiquent leur ressenti, leurs réflexions.
La Compagnie Non de Nom / Pascale Houbin présentera, en présence de l’auteure, un film chorégraphique sur les gestes des métiers, « Aujourd’hui à deux mains », créé en 2002 : « C’est une collection des gestes dans les métiers, explique Pascale Houbin dans sa note d’intention. Les petits et les grands gestes sont des creusets d’humanité, des creusets d’histoire autant individuelle que collective. Ils sont des signes de vie et portent en creux l’expérience de chacun, passée et présente. Le geste du métier est une connaissance « mise en forme », en forme de mains, un acte qui est en lui-même le récipient d’une pensée. La réciprocité entre geste et pensée se peaufine peu à peu par l’expérience ». Pascale Houbin a appris la L.S.F il y a une vingtaine d’années : « Au fil du temps et des créations, un processus d’écriture chorégraphique s’est mis en place, un alphabet gestuel est apparu peu à peu, faisant parler les gestes et donnant du sens aux mouvements ».
Cinéma toujours, avec Les mains d’Orlac, film muet réalisé en 1925 par Robert Wiene, dans lequel un pianiste se fait greffer, à la suite d’un accident, les mains d’un assassin. Parce qu’au fil des siècles, on a prêté bien des intentions aux mains, instrument de l’art oratoire. En ce 30e anniversaire de la mort de Maria Callas, on se rappelle comment la cantatrice jouait de ses longues mains pour dramatiser, mettre en exergue une action ou un protagoniste, et en faire l’expression visuelle de son chant. Après le cycle d’Orsay, la main image, symbole, langage n’aura plus guère de secret pour vous…
Jacques Vernes, septembre 2007.