Le festival Souroupa en est à sa troisième année d’existence, et il a déjà trouvé son public. Pourtant, se rendre sur place à Saorge ou à Tende, dans la vallée de la Roya, n’est pas si simple : Nice est à plus d’une heure de route et les services (hôtels, restaurants, transports collectifs) sont presque inexistants. Malgré cela, Souroupa a reçu en 2006 environ 200 spectateurs, dont une cinquantaine de sourds, pour ses quatre spectacles. On pourrait penser que c’est peu, mais en pratique les salles étaient pleines ou presque.

« J’ai une belle fille sourde, explique Marie-José Chabbey, fondatrice du festival et présidente de l’association Signes. La rencontrer m’a donné envie de faire des choses. Notre association fait beaucoup de théâtre dans la vallée de la Roya, pour établir des ponts entre sourds et entendants ». Signes réalise des actions de sensibilisation dans les établissements scolaires avec un duo sourd et entendant : « On propose aux enfants une initiation à la communication non verbale : mime, recherche de biais qui introduisent à la langue des signes. Ces sessions durent une demi-journée, on les réalise aussi durant le festival ». Un festival qui a bien marché l’an dernier. « Les habitants ont été très surpris par la qualité des spectacles. Les contes en L.S.F, ça les a bluffé ! »

« Les gens se déplacent peu d’un bourg à l’autre, c’est pour cela qu’on joue sur l’itinérance. Et on espère que les initiations suivies par les enfants ont un retentissement sur leurs parents. Les sourds, leur handicap, ils ne le voyaient pas. Depuis, ils se sont posés des questions. Au début, le festival a semblé ‘hurluberlu’ aux élus. Certains sont venus voir, à Tende la municipalité s’aperçoit de la qualité du contenu cette année, les élus viendront au spectacle, assisteront à des initiations scolaires. On est maintenant une association reconnue dans la vallée, et avec un soutien constant du Conseil Régional depuis le début. D’emblée, on voulait une accessibilité aux deux publics. On nous parle de culture sourde, mais on trouvait dommage que la mixité ne se fasse pas, pour que chacun ressente ses propres émotions face à un même spectacle ».

Trouver des spectacles bilingues de qualité n’est pas si simple et Signes va assister au préalable à ceux qu’elle a envie de programmer : « Ceux qui critiquent, ce sont les malentendants parce qu’il n’y a pas de boucle magnétique et de sous-titrage. Alors que tout est bilingue ! Et on ne veut pas de sous-titrage, ni d’interprète dans un coin de la scène. Il est difficile de monter une programmation dans la vallée, du fait de l’absence de véritable salle de spectacle ce qui nous contraint à utiliser des salles polyvalentes mal équipées. Les troupes et artistes viennent avec leur matériel, mais on est limité par cet aspect technique. Il n’y aura pas d’édition l’an prochain, pour que nous puissions réfléchir à l’orientation du festival, faire le point sur les moyens nécessaires : locaux, technique, hébergement. Actuellement, les artistes, et même des spectateurs, sont logés chez l’habitant. C’est pour cela que cette année on a privilégié le samedi en proposant trois spectacles contre un seul le lendemain dimanche ». Les spectateurs sourds viennent des Alpes-Maritimes et des départements proches, le Var, les Bouches-du-Rhône. « On a reçu des méls provenant d’autres régions, mais on sent le découragement quand on répond que l’hébergement est difficile ou lointain. Parmi les idées que nous voulons étudier, il pourrait y avoir un spectacle le vendredi soir à Nice, avec des moyens techniques adaptés, pour donner envie aux niçois de monter dans la vallée pour les autres spectacles. Mais on veut d’abord tirer les enseignements des trois éditions de Souroupa. Et durant l’année, on réalisera des manifestations publiques ».

En 2006, Souroupa avait accueilli la création de la dernière pièce interprétée par Bruno Netter et Monica Companys, « Terre parmi les courants », suite apportée par Dominique Paquet à « Clore » et « Froissements de nuit ». Cette année, pas de création mais des conteurs sourds et entendant en résidence d’artistes durant une semaine, qui sera conclue par un spectacle restituant leur travail. Auparavant, les enfants des écoles auront vu deux spectacles pour eux seulement, le week-end des 27 et 28 octobre accueillant tous les publics, sourds et entendants.

Laurent Lejard, octobre 2007.


Festival Souroupa, du 16 au 28 octobre 2007. Association Signes, 33 rue du Président Doumergue, 06540 Saorge. Tél./fax : 04 89 91 04 74.

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