Les associations de défense des migrants ne cessent de le proclamer : la politique d’immigration de la France est devenue une machine à fabriquer des clandestins. Et Bertrand Pouna, Sourd gabonais, en est un nouvel exemple. Avec un visa étudiant comme seul titre d’entrée sur le territoire français, il est maintenant dans l’illégalité puisque les autorités préfectorales refusent de lui délivrer un titre de séjour. Pourtant, Bertrand Pouna ne souhaite pas travailler et vivre en France, il veut agir à l’amélioration de la vie des Sourds du Gabon en créant et animant une association franco-gabonaise d’entraide : « En Afrique, la situation des personnes handicapées n’est pas évoluée, explique-t-il. J’ai décidé de tenter ma chance pour avoir un avenir comme tout le monde, je suis venu en France pour apprendre ici, où les choses bougent. Dans mon pays, le Gabon, les Sourds sont abandonnés à leur triste sort ».

Bertrand Pouna est devenu sourd à l’âge de 6 ans, pour une raison mal définie, peut-être à cause de la maladresse d’un proche. Bien qu’ayant quitté l’école alors qu’il était en 5e (en collège ordinaire) il pratique un bon français écrit, d’un vocabulaire et d’une syntaxe supérieurs à la plupart des Français nés sourds s’exprimant en langue des signes. « Après avoir abandonné mes études à cause des difficultés de communication avec les enseignants entendants, précise-t-il, j’ai travaillé comme aide-menuisier et peintre. Mais la plus importante de mes formations c’est l’informatique ». Pour communiquer, il emploie la langue des signes américaine (ASL), « à 100% » souligne-t-il : l’ASL est enseignée et pratiquée dans les pays d’Afrique francophone parce que sa documentation complète est disponible, alors que celle de la Langue des Signes Française ne l’est pas. Comprenne qui pourra ! »

En France, Bertrand Pouna est soutenu par un réseau d’amis : « Je ne travaille pas, martelle-t-il. Je respecte les lois françaises qui m’interdisent de travailler. Pour la santé, j’ai déposé une demande de Couverture Maladie Universelle ». Mais cette honnêteté n’est pas un critère pour obtenir une autorisation de séjour de la préfecture du Val d’Oise : elle lui a récemment adressé une « invitation » à quitter le territoire national. Face à cette administration qui broie de l’humain, Bertrand Pouna est démuni, faute d’association qui lui permettrait d’engager le dialogue dans sa langue, celle des signes : la permanence juridique des Sourds de la ville de Paris lui a répondu qu’elle ne pouvait rien faire. Mais Bertrand Pouna conserve l’espoir de mettre en oeuvre l’objectif qu’il s’est assigné : « Je veux apporter un essor durable de la francophonie auprès des Sourds africains les plus démunis, avec le soutien de la France ». Cette francophonie-là saura-t-elle l’entendre ?

Laurent Lejard, octobre 2009.

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