L’inaccessibilité du téléphone reste le principal obstacle à l’employabilité des personnes sourdes, mais il existe désormais une solution proposée aux entreprises par Tadéo (interprétation et transcription à distance via webcam). Websourd et Viable proposent les même services à titre privé. Dans leur vie privée, les sourds ont depuis longtemps contourné l’obstacle avec des boîtes aux lettres sur Minitel et des télécopieurs au début des années 1980, puis des courriels et chats via Internet et enfin, le seul système qui permette une certaine rapidité, les SMS ou Textos.

Reste le cas des appels d’urgence. Les pompiers ne peuvent être joints par SMS. L’équipement en Minitel des centres de secours aura été un échec. Quelques centres, comme celui du Val d’Oise, permettent un appel par télécopie (avec une télécopie pré-imprimée à remplir d’avance pour les coordonnées). Toutefois, il faut connaître le numéro de télécopie du centre de secours, et ce service n’existe pas partout. Il semble même qu’il n’existe pas de recensement national des services de secours accessibles par télécopieurs. En attendant une solution, donc, les calamités naturelles et les accidents de la vie voudront bien avoir l’obligeance d’épargner les personnes sourdes…

C’est pourquoi, depuis au moins 1996, nous préconisons d’appliquer en France la méthode retenue dans de nombreux pays (Suisse, Grande-Bretagne, USA, etc.) : le centre-relais où un opérateur entendant fait office de traducteur. Techniquement, c’est simple, c’est le même principe qu’un centre d’appel et il est sans doute possible de tirer parti des expériences étrangères.

La loi 2005-102, dans son article 78, prescrit l’accès aux services téléphoniques d’urgence dans des conditions à définir par décret. Cinq ans après, ce centre relais n’existe toujours pas. Ce n’est que le 1er février 2010 que le gouvernement a enfin pris trois arrêtés : le premier fixe la composition du Comité national de pilotage du centre national de relais (CNR). Le second confie au Centre Hospitalier Universitaire de Grenoble les missions du CNR. Le troisième et dernier précise le financement du CNR.

Ces arrêtés provoquent une certaine perplexité; parmi les représentants associatifs figurent l’Unisda, mais aussi l’Afideo, le Bucodes et le Mouvement Des Sourds de France (MDSF). Or, ces trois associations sont déjà membres de l’Unisda et donc doublement représentées. De plus, et c’est curieux, ce comité ne comporte aucun représentant des opérateurs téléphoniques. En revanche, il comporte sept représentants des hôpitaux, dont trois représentants d’Unités d’accueil et de soins en langue des signes. Les représentants des adultes sourds seraient donc si peu compétents qu’il faille leur ajouter des médecins (tous entendants) ? Aux yeux des rédacteurs de ces arrêtés, la surdité est toujours une maladie ! En quoi un centre hospitalier universitaire est-il compétent en matière d’accessibilité des services téléphoniques ? Jusqu’à présent, au contraire, les hôpitaux sont plutôt réputés pour leur inaccessibilité aux personnes sourdes.

Enfin, le troisième arrêté, relatif au financement, est le plus surprenant : ce sont l’Etat et l’Assurance maladie qui financeront la totalité du CNR ! Ainsi, alors qu’ils ont fait des milliards de bénéfices, distribué de généreux dividendes et que, de l’avis général, leurs tarifs sont trop élevés, les opérateurs en télécommunications sont dispensés de la solidarité nationale ! Pour que leurs services soient accessibles, ils ne paieront pas le moindre centime et sont dispensés de participer au comité national du CNR ! Martin Bouygues qui ne cesse de se plaindre d’un soi-disant excès de réglementation a donc été entendu : il ne sera pas embêté par tous ces « sourdingues » qui veulent téléphoner aux pompiers en cas d’incendie !

Mais enfin, l’important est que le CNR se fasse, sans les opérateurs et dans un hôpital : souhaitons-lui d’être bien soigné.


Marc Renard, président de l’Association 2A.S, mars 2010.

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