Question : Depuis combien d’années le musée du quai Branly-Jacques Chirac organise-t-il des actions en direction des publics sourds ou malentendants ?

Clémence Gros : L’accessibilité, de manière générale, a été prise en compte dès la création du musée. Il y a eu de nombreuses réalisations depuis son ouverture en juin 2006, et notamment la création de nouvelles activités. Assez tôt ont été organisées des visites en Langue des Signes Française avec des conférenciers sourds, toujours. Ensuite, à partir de 2012, on a lancé des visites en Langage Parlé Complété pour les personnes sourdes ou malentendantes qui s’appuient sur le français; je crois que l’on était le premier musée à faire cela, en tous cas à Paris. Là, dans le cadre de la semaine de l’accessibilité on propose des activités pour les adultes et les enfants en langue des signes et codées en LPC. Depuis dix ans, le musée dispose d’équipements d’aide à l’audition telles des boucles à induction magnétique pour suivre les visites guidées de son choix, les spectacles, les projections, les conférences, etc., qui se déroulent dans les différents espaces du musée.

Question : Il est important que les visites en LSF soient assurées par des conférenciers sourds et non pas des guides-conférenciers entendants avec un interprète ?

Clémence Gros : Oui, il nous semble que c’est important, pour plusieurs raisons. La première est que cela correspond très souvent à une demande du public sourd. J’imagine que c’est aussi parce que des personnes dont la langue maternelle est la langue des signes auront une langue plus fluide, plus agréable à « écouter », comme si elles n’avaient pas d’accent à l’oral. Et puis aussi parce que les conférenciers sourds sont souvent connus dans la communauté sourde, cela permet aux visiteurs de savoir qui va mener la visite et d’être avec un visage connu. C’est aussi quand on parle d’accessibilité essayer d’embaucher et de travailler autant que possible avec des personnes directement concernées. On garde toujours cela en tête. On a d’ailleurs proposé des visites ouvertes à tous les visiteurs, entendants et sourds, animée par un conférencier sourd avec un interprète qui, lui, parlait. Donc, l’inverse de ce que l’on voit souvent !

Question : Sinon, cela réserve les visites en langue des signes uniquement au public sourd ?

Clémence Gros : 
Dans les visites que l’on propose au fil de l’année, elles sont uniquement en langue des signes. Mais dans le cadre d’événement comme la semaine de l’accessibilité on trouve des activités bilingues. Par exemple, « l’exploration ludique dans les collections » est une visite que l’on a pensée avec la compagnie Rayon d’écrits, animée par une conteuse sourde et une autre entendante, un conférencier sourd et un interprète. Elle se déroulera cette année les 3 et 4 décembre, ouverte à tout le monde, et va même jouer sur l’interaction entre la langue des signes et le français, faire appel à l’expression corporelle, avec l’objectif de faire découvrir la langue des signes au grand public. On aura aussi des contes pour les enfants, en français et langue des signes, dans la soirée du 10 décembre, proposés par International Visual Theatre (IVT).

Question : En français, les termes techniques sont connus, mais en LSF des mots n’ont pas de mot-signes équivalent ou en tous cas ne sont pas ou peu diffusés. Comment les guides-conférenciers gèrent-ils cette difficulté de vocabulaire ?

Clémence Gros : Ils emploient différentes techniques. Pour certains termes peu connus, ils expliquent, donnent une définition, comme en français. Au musée du quai Branly il y a beaucoup de termes qui peuvent ne pas être connus du grand public et les conférenciers, que ce soit en français ou en langue des signes, vont le dire, éventuellement l’épeler, puis en donner une définition simple. Mais il est vrai que ces visites demandent un important travail aux conférenciers sourds, à la fois pour évidemment assimiler toutes les connaissances à retransmettre au public mais aussi pour préparer la visite, le vocabulaire à utiliser, les signes en ayant parfois recours au mime.

Question : Quels sont les projets du musée en matière d’amélioration de l’accessibilité pour les publics sourds et malentendants ?

Clémence Gros : Il y a toujours des choses à améliorer, d’autant que c’est un domaine où les technologies évoluent vite, on essaye de se tenir informés des innovations. Par exemple pour améliorer le système des boucles magnétiques, le rendre plus simple d’utilisation. Aussi pour améliorer l’accessibilité à nos expositions, avec davantage de supports de médiation pour tous les types de handicap, et développer nos offres. L’année dernière, on a pour la première fois adapté une visite contée en LPC pour les adultes, et ça a très bien fonctionné. Alors cette année on a adapté en LPC une visite contée pour les enfants. Ce sont des tests que l’on fait progressivement, et nos nouvelles activités pourront également, à l’avenir, être adaptées en LPC. Des ateliers par exemple, alors que ce n’est pas encore le cas. Que ce soit dans des travaux, des équipements techniques, il y aura des actualisations en fonction des évolutions technologiques, et aussi dans la création des activités de médiation. On a toujours une marge de manoeuvre dans ce domaine pour augmenter notre visibilité sur les bons canaux d’information. On a l’intention de produire davantage de vidéos en LSF pour communiquer avec le public sourd, on le fait déjà pour annoncer nos futures visites, expliquer la procédure des réservations, et de communiquer davantage sur les réseaux sociaux, des plateformes dédiées.


Propos recueillis par Laurent Lejard, décembre 2016.

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