Les 14 et 15 juillet, l’Espace Magnan de Nice (Alpes-Maritimes) vivra au rythme soutenu des spectacles du festival Souroupa 2017. Au programme du 14 juillet, la compagnie d’enfants sourds russes du Piano Theatre de Russie dans « Wings for clowns », spectacle sans paroles dans la tradition de la pantomime, puis « Histoires de signes », par Les Singuliers Associés (Limoges), et en soirée « Attifa de Yambolé », par la Soi-disante Cie (Toulouse) avec Delphine Saint Raymond et Valérie Véril. Le lendemain, outre des ateliers d’initiation à la Langue des Signes Française ou russe et « d’autres propositions encore secrètes », « Goupil » sera proposé par les Compagnons de Pierre Ménard (Bordeaux), puis « Après vous » par le Collectif Gonzo (Poitiers), pour finir en soirée « Surprise ! » (c’est le titre), « spectacle composite et original créé de toutes pièces spécialement pour le festival Souroupa 2017! » ! Pour clore ce festival le 16 juillet, toutes et tous sont invité/es à participer à une visite en LSF des lieux emblématiques de Nice.

Comédienne Sourde toulousaine, Delphine Saint-Raymond revient à Souroupa et nous raconte son parcours artistique ainsi que le spectacle auquel elle participe cette année : « Après un cursus scolaire normal en intégration ‘sauvage’ (seule Sourde dans une classe d’entendants, toujours placée devant la maîtresse pour mieux lire sur ses lèvres, mais complètement handicapée par la communication de groupe) jusqu’en Licence en Sciences de l’Éducation et dans l’attente d’un poste d’institutrice auprès d’enfants sourds, j’ai travaillé en tant que secrétaire-chargée de mission dans une association de Sourds, Les Iris, à Toulouse. C’est là que j’ai pris conscience de mon potentiel artistique et clownesque… »

« J’ai donc refusé un renouvellement de contrat de secrétaire (et refusé un poste de remplacement d’une enseignante LSF partie en congés maternité) pour réfléchir sur mon avenir professionnel. D’abord dans le domaine de l’art plastique, je me suis forgée une petite place parmi les grands artistes de Mix’Art Myrys, un squat d’artistes plasticiens réputé à Toulouse. Puis, avec la création à Toulouse d’ACT’S (Association Théâtrale et Culturelle des Sourds) en tant que secrétaire du Conseil d’Administration, j’ai ouvert mon horizon vers le théâtre. En allant voir des spectacles visuels puis en participant à des pièces amateur faites par et pour les Sourds, j’ai compris que ma place et mon avenir étaient là. Par pur hasard, lors d’une performance organisée par Mix’Art Myrys, j’ai été mise en contact avec un metteur en scène qui cherchait une comédienne pour reprendre un rôle et que ça intéressait de travailler avec des Sourds. Il s’agissait de « Phéraille », mis en scène par le Phun, une importante compagnie de théâtre de rue actuellement basée à l’Usine, à Tournefeuille (Haute-Garonne). Ma première représentation fut Les Gûmes, au In du Festival d’Avignon 2002. Je suis donc directement entrée dans la cour des grands, avec aucun bagage théâtral de formation ! »

« J’ai déja participé au festival Souroupa en 2015 pour y jouer un spectacle bilingue « Les Amours Inutiles ». J’ai immédiatement été séduite par l’esprit du festival, sa chaleureuse équipe, tous bénévoles mais ô combien présents, et par ses programmations visant non seulement à développer les spectacles professionnels mais aussi à sensibiliser le plus de monde possible dans la région, sourd, entendant, signant ou pas. Et cette année, je reviens à Souroupa pour y jouer un autre spectacle bilingue « Attifa de Yambolé » : sous prétexte de présenter un conte africain écrit au retour d’un voyage au Sénégal et traduit en langue des signes, deux collègues bibliothécaires, l’une sourde, l’autre entendante, vous livrent leurs visions de l’Afrique, truffées de préjugés et de racisme inconscient. Un ethnocentrisme renforcé par les décalages qui existent bien souvent dans les rapports entre sourds et entendants. Bref, un « conte africain » (pour jeunes à partir de 12 ans et adultes) plein d’humour… noir pour le plaisir d’en rire, mais pas seulement ! »


Propos recueillis par Laurent Lejard, juin 2017.

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