Pénélope plonge à nouveau ses lecteurs dans un monde de douceur et de tendresse avec son nouvel ouvrage, Parle avec les mains, les premiers mots de bébé en langue des signes. Plus qu’un livre, puisque les mots-signes qu’il contient ont été filmés par la maman qui a collaboré à ce charmant travail en studio et également en famille, Aurore Schneider : on la voit en compagnie de Lenzo, bientôt 3 ans, et son ainée Luyäna, 4 ans. « Ce qui m’a donné envie de participer à ce livre, raconte Aurore, c’est ma sensibilité par rapport à ma langue. Je suis dans une famille composée de 3 entendants, mes deux enfants et mon compagnon, et faire de ma langue une langue du quotidien familial est un ‘combat perpétuel’ : les réflexes de parler en premier, la progression du langage oral à l’entrée à l’école (avec un vocabulaire plus technique et pas forcément utilisé à la maison) qui entraîne un écart de maîtrise de la langue des signes et du français oral sont des facteurs qui influent sur la communication familiale et sont parfois difficiles à vivre pour moi. C’est drôle, car avant je n’avais pas conscience que je pourrais vivre ça avec mes propres enfants. » Le charme d’un livre pour enfants est l’occasion de mettre en évidence une question fondamentale : dans une famille majoritairement entendante, quelle est la place du parent sourd ?
« Participer à ce livre, poursuit Aurore, c’est une façon pour moi de continuer ce petit combat. Tout comme d’avoir à la maison des références de la langue des signes à la même hauteur que le français. J’ai beaucoup aimé l’idée de prendre le signe de l’enfant, et le signe ‘officiel’, je trouve ça très intéressant et je pense que ça peut apporter de la souplesse dans les exigences envers les enfants, parfois un peu trop formelles. Il est prouvé scientifiquement qu’avant 6 ans un enfant aura du mal à reproduire le signe exact visualisé. Etant sourde et ayant fait le choix néotomalalien [énonciation de pensées par gestes NDLR], mes enfants ont tous deux baigné dès la naissance dans la langue des signes qui est leur langue maternelle. Mon compagnon, lui, est entendant et s’exprime en langue des signes (niveau courant), donc à la maison, il y a du français oral et de la langue des signes. Je travaille en tant qu’intervenante en langue des signes et je devrais normalement entrer en formation pour être professeur de langue des signes auprès d’enfants. Dans mon travail, la langue des signes est mon quotidien et au coeur de mes actions. Cependant, je ne travaille pas avec des enfants entendants, et la majorité des parents sont entendants. Je suis particulièrement intéressée par le vécu des CODAS (enfants entendants de parents sourds) et je m’interroge beaucoup sur le bilinguisme, l’apprentissage des deux langues, du choix de l’enfant dans la proposition des deux langues, etc. »
« Parle avec les mains » est le second livre illustré de Pénélope sur la langue des signes, après Des mains pour dire je t’aime en 2016. Dédié à sa soeur trop tôt disparue et à sa mère de coeur, il est ancré dans l’histoire familiale de Pénélope : « Mon père est devenu sourd et aveugle il y a 15 ans. Il avait fait les arts décoratifs, ça a été dramatique pour lui. » Mais comment en est-elle venue à s’intéresser aux signes des bébés ? « C’est une énigme. J’ai constaté que beaucoup de gens se demandent comment des enfants apprennent la langue des signes, en fait ça se produit naturellement, comme le babil. Par exemple, le signe ‘biberon’ est assez proche de l’objet porté à la bouche. Alors que ‘bain’ est très schématique. »
Pénélope a travaillé à distance avec Aurore qui n’habite pas à proximité et lui envoyait les vidéos de Lenzo, notamment de son premier signe, « doudou », que sa maman a compris dans le contexte. C’est là l’intérêt particulier de la version vidéo : comparer le signe enfantin, naturel voire instinctif, avec le signe « normatif » de l’adulte. « Un enfant a du mal à prononcer les consonnes, précise Pénélope, c’est pareil avec les signes. J’aime beaucoup les petits, jusqu’à 2 ans c’est magique. Je remercie Aurore de m’avoir fait partager son intimité et la découverte des premiers signes par son fils. » Si un livre en résulte, un autre se prépare, toujours sur la langue des signes mais sur le thème des couleurs, avec le comédien Levent Beskardes qui met de la poésie dans ses signes. On a hâte de le découvrir !
Laurent Lejard, février 2018.
Parle avec les mains, par Pénélope, éditions Les Grandes Personnes, en librairie le 22 février, 13,50€. Une vidéo complète le livre, actuellement consultable sur le site de l’INJS et prochainement sur celui de l’éditeur. Elle présente la genèse de l’ouvrage suivie de l’ensemble de ses mots-signes, tels que Lenzo et sa soeur Luyäna les font, plus « bisou » qui ne figure pas dans le livre…