Le Sénat a une nouvelle fois voulu légiférer en faveur des personnes handicapées en adoptant à l’unanimité le 5 novembre dernier une proposition de loi améliorant la Prestation de Compensation du Handicap (PCH). Ce texte supprime la barrière d’âge de 75 ans opposée à une personne handicapée pour faire une première demande de PCH, permet de l’octroyer à vie en cas d’absence d’évolution du handicap, limite à 10% de leurs ressources les frais de compensation à la charge des demandeurs, modifie le contrôle des dépenses par le Conseil Départemental qui paie la PCH et crée un comité stratégique chargé d’adapter le droit à la compensation du handicap aux spécificités des besoins des enfants et aux évolutions des modes de transport des personnes handicapées.
Ce texte a reçu l’appui du Gouvernement qui, en engageant la procédure accélérée réduisant celle-ci à un seul examen du texte par chaque assemblée parlementaire, soutient ce texte. Comme il avait soutenu, et même inspiré, la proposition de loi assez similaire du député de sa majorité parlementaire Philippe Berta, adoptée par l’Assemblée Nationale en mai 2018. Transmise au Sénat, elle n’a jamais été mise à l’ordre du jour de la Haute Assemblée. Cela semblait d’ailleurs logique puisque la secrétaire d’État aux personnes handicapées, Sophie Cluzel, avait annoncé une réforme globale de la PCH puis une concertation dans le cadre de la Conférence Nationale du Handicap qui devait se dérouler cette même année, puis repoussée à plusieurs reprises (lire l’actualité du 25 juin 2019) et qui pourrait avoir lieu début 2020. Deux groupes de travail ont planché sur l’amélioration de l’accès à la PCH et l’articulation entre l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé (AEEH) et la PCH. Comment comprendre alors la volonté gouvernementale de soutenir une réforme qui n’a pas été concertée avec les associations représentant les personnes handicapées ?
La réforme sénatoriale comporte en effet de sérieuses lacunes. D’abord, elle réserve le bénéfice de la PCH aux seules personnes dont le handicap a été reconnu par la Maison Départementale des Personnes Handicapées avant l’âge de 60 ans; après cet âge, elles ne pourront prétendre qu’à l’Allocation Personnalisée d’Autonomie (APA), plus restreinte et soumise à récupération sur le patrimoine du bénéficiaire. Ensuite, elle laisse à la charge du bénéficiaire une part variable des dépenses de compensation de son handicap. De plus, la couverture du reste à charge (différence entre le prix d’une aide technique, le remboursement Sécurité Sociale et la PCH) risque de n’être que formel puisqu’il s’inscrit « dans la limite des financements du fonds départemental de compensation ». Quand son budget sera épuisé, le reste à charge ne sera plus couvert, tant pis pour les demandes examinées en fin d’année !
Malgré ces insuffisances, la réforme sénatoriale devrait se retrouver assez rapidement en débat à l’Assemblée Nationale, le Gouvernement en ayant la maitrise de l’ordre du jour. Il pourra aisément faire voter ce texte laissant volontairement des trous béants dans ce dispositif élaboré sans concertation ni étude d’impact de ses conséquences. Des trous qui pour la plupart ne relèvent pas de la loi mais de son application, et par conséquent des ministères concernés : longueur des procédures, plafonds inchangés depuis 13 ans et maintenus trop bas des dépenses prises en charge, réduction de la liste des matériels finançables, taux horaires trop faibles des aides humaines, disparités territoriales, etc. Mais en soutenant la réforme sénatoriale de la PCH, le Gouvernement cherche à faire un coup politique pour affirmer qu’il prend en compte les difficultés des 280.000 bénéficiaires : lors de l’hypothétique CNH 2020, il pourra montrer qu’il a engagé la réforme de la PCH qui contribue à cette « société inclusive que nous voulons tous », ça fera bien dans les journaux…
Laurent Lejard, novembre 2019.