Dans le courant du mois de mars, les protestations de résidents handicapés de Perpignan (Pyrénées-Orientales) et Metz (Moselle) ont résonné dans la presse locale. Dans ces deux villes très éloignées l’une de l’autre, les municipalités ont demandé aux employés d’une société privée chargée de contrôler le stationnement payant dans les rues de redresser les véhicules affichant une carte de stationnement pour personne handicapée s’ils ont un doute sur la validité de ce document : ils établissent un Forfait Post-Stationnement (FPS), à charge pour l’usager de le contester dans les formes. Ces élus pensent être dans leur bon droit en invoquant la vérification d’un titre donnant droit à gratuité. « Indigo [société chargée du contrôle] a souligné l’utilisation de fausses cartes, ce n’est pas le cas particulier de Perpignan, justifie son maire, Jean-Marc Pujol. Ils dressent un procès-verbal, j’ai convenu de traiter directement en mairie les réclamations des usagers handicapés. »
Or cette pratique est abusive : la vérification est de la compétence exclusive des policiers et gendarmes, telle est la loi de la République. Si un contrôleur du stationnement payant a un doute sur la validité d’une carte, il lui appartient d’alerter les services de police ou de gendarmerie, non de faire justice lui-même. D’autant qu’avec le discernement qui les distingue, ces employés ont redressé des usagers handicapés qui sont dans leur bon droit et ont protesté, notamment en alertant la presse, ce qui a le don d’énerver les élus des villes concernées. « Je vous interdit de dire ça ! », clame Guy Cambianica, adjoint au maire de Metz, quand on lui dit que les contrôleurs font un travail de police. Le maire de Perpignan défend le même point de vue : « Ils ne font aucun travail de police, ils dressent une procédure sur la suspicion de fausses cartes. Ils ne peuvent pas vérifier les cartes à partir de leur numéro. Il est scandaleux qu’en tant que maire je n’aie pas la liste des titulaires de cartes ! »
Bien sûr, on pourrait se dire que déranger policiers et gendarmes pour faire ce que des contrôleurs privés peuvent réaliser est une bonne politique, c’est d’ailleurs ce que préconise la « Notice de recommandations à l’usage des collectivités locales » élaborée, entre autres organismes, par l’APF France Handicap. Pourtant, toutes proportions gardées, cela ressemble à autoriser un contrôle au facies : « Votre carte ne me revient pas, verbalisation ! » Notre société ne l’accepte plus pour les simples citoyens, des élus le réclament pour les cartes de stationnement des véhicules de personnes handicapées ! Or nous savons tous que de nombreuses cartes européennes comportent des mentions manuscrites et du tampon encré qui s’effacent au soleil, la faute en revient à l’Etat qui l’avait déployé à l’économie, en 2000. Pourtant, cela n’arrête pas des élus locaux qui veulent que l’argent rentre dans leurs caisses : ce sont les communes qui conservent les recettes déduction faites des (gros) frais des sociétés privées chargées de la besogne.
Parce qu’il y a un autre point commun à Perpignan et Metz : la société concessionnaire du contrôle du stationnement est la même, Indigo, filiale du trust du bâtiment et travaux publics Vinci. Trust parce que Vinci ne se contente plus de construire immeubles publics, parkings, autoroutes et aéroports, cette multinationale française les exploite pour multiplier les recettes et les profits. Sa filiale Indigo, gestionnaire de parkings et concessionnaire du contrôle de stationnement dans nombre de villes, refuse obstinément de répondre aux questions, à la différence d’autres opérateurs qui ne pratiquent pas cette opacité. Il est donc impossible d’apprécier le niveau de rapacité de cette société et les consignes qu’elle donne à ses employés. Restent les conséquences : « Je ne peux pas protéger les véritables handicapés (sic) », déplore le maire de Perpignan. Parce qu’encore et toujours, ce sont les personnes handicapées qui trinquent.
Laurent Lejard, avril 2019.