Né aveugle il y a 44 ans, Toulousain de longue date, Christian Call a effectué en milieu spécialisé une partie de sa scolarité jusqu’en classe de quatrième, ce qui lui a permis d’apprendre le braille. Il a poursuivi ses études au collège, au lycée puis dans un Institut Universitaire de Technologie, obtenant un DUT techniques de commercialisation. Il s’est orienté ensuite vers des études supérieures sans trouver toutefois de débouchés professionnels : « Après l’IUT, je ne me sentais pas travailler, mais sans avoir d’idée sur ce que je pourrais faire. Alors je me suis orienté vers l’Institut d’Etudes Politiques de Toulouse option fonction publique. À la fin, en 1998, j’ai souhaité souffler, je suis parti deux ans au centre de Marly-le-Roi [Centre de Rééducation Fonctionnelle pour Aveugles et Malvoyants, fermé en 2010 NDLR] pour acquérir davantage d’autonomie. Je ne suis pas le ‘super aveugle’, mais cela m’a permis de m’installer en sortant du giron familial, de vivre en pleine indépendance. » Actuellement, il vit en couple, en périphérie de Toulouse dans un quartier plus calme qu’à ses débuts en ville : « presque trop calme » sourit-il. Il se déplace avec une canne blanche, par les transports publics ou le service spécialisé Mobibus, ou accompagné lorsqu’il ne connaît pas le quartier de destination.
Christian Call a débuté dans l’animation radiophonique il y a une quinzaine d’années : « Faire de la radio, c’était un vieux rêve d’enfance. À la trentaine, j’étais fatigué de recherches d’emploi infructueuses. Des cousines m’ont conseillé de contacter des radios associatives, j’ai rencontré Radio Mon Pais, proche de la CGT, qui employait une animatrice et technicienne malvoyante. Ce qui m’a donné envie, c’était la création à Paris d’Eurofm avec des animateurs déficients visuels qui réalisaient des émissions et animaient l’antenne. C’était moins professionnel que Julien Prunet [journaliste aveugle décédé à l’âge de 29 ans NDLR] mais montrait que c’était possible. J’ai fait de l’agenda culturel, repris ensuite l’émission Aspects sociaux, sur le handicap. Je l’ai fait évoluer pour parler de tous les handicaps dans des émissions thématiques, évoquer le sport, les médias, la sexualité par exemple. Je n’ai pas retiré grand-chose en technique, et fait peu de chroniques enregistrées. Mais ça m’a appris à avoir une démarche journalistique, avec une veille locale sur le handicap, prendre des contacts. Ce qui m’a le plus marqué, c’est une émission avec des artistes sourds du festival Sign’O, une rencontre remarquable, et aussi celle avec Bernadette Soulié, médecin sexologue paraplégique. » Il a également animé une émission handicap en français sur Radio Occitania mais ne se sent guère intégré sur une antenne qui diffuse à 80% en occitan…
Ces expérience ne lui ont toutefois pas ouvert la voie vers un travail rémunéré : « Côté boulot, est-ce que c’est moi qui ne sais pas me débrouiller ? La recherche d’emploi n’a jamais été facile. La seule expérience constructive et intéressante que j’ai acquise, c’était chez Enedis. Je n’étais pas tenté de passer des concours administratifs, vu les difficultés d’autonomie et l’obligation de quitter Toulouse. J’ai suivi des recrutements contractuels de la fonction publique territoriale, des stages, Cap Emploi, je suis passé au Centre de Rééducation Professionnelle de l’Institut des Jeunes Aveugles de Toulouse pour une remise à niveau en bureautique, ça m’a conduit vers des stages mais pas d’embauche. J’espère toujours trouver du travail. » Actuellement, il est épaulé par le Club Emploi du Groupement des Intellectuels Aveugles ou Amblyopes (GIAA). Sa situation personnelle est devenue plus délicate encore après son mariage : « Du fait qu’avec ma compagne on a décidé de se marier, j’ai perdu mon Allocation Adulte Handicapé. Je me sens dépendant financièrement. » Une situation qu’avec lui on espère transitoire…
Laurent Lejard, mai 2018.