Né à Lyon il y a 25 ans avec une infirmité motrice cérébrale de type diplégie spastique, Tom Rousset s’est installé à Paris pour faire des études de journalisme après avoir vécu aux États-Unis, à Austin (Texas) ou il étudiait l’anglais à l’université en 3e année de licence. Jusque-là, il avait fait toute sa scolarité à Lyon, en classe pour l’inclusion scolaire (CLIS) pour le primaire puis dans un collège spécialisé. L’enseignement ordinaire, il l’a découvert en entrant au lycée : « Il y avait 1.300 élèves. Ça m’a demandé pas mal d’adaptations, de changements, et m’a permis finalement d’intégrer l’université Lyon III pour des études d’anglais. » Une intégration finalement bénéfique qui lui a permis de réaliser son rêve : « Le journalisme m’anime depuis mes 5-6 ans, j’ai toujours voulu le faire. Un jour, j’ai voulu me lancer dans les concours pour intégrer une école reconnue. » C’est depuis Austin qu’il a préparé le concours d’entrée à l’École Supérieure de Journalisme de Paris (ESJ) qu’il a passé à distance, et réussi. Mais quand il s’est inquiété de la réponse, quelques jours plus tard, l’ESJ l’a refusé : « Votre candidature a retenu notre attention. Néanmoins, les locaux de l’école comportent de nombreux escaliers, y compris l’accès de la rue, cela risque d’être compliqué et difficile pour vous ». En fait, cette école privée inaccessible n’était pas en conformité avec la loi, n’ayant pas déposé d’Agenda d’Accessibilité Programmée alors que sa responsable des admissions ajoutait « les aménagements d’accessibilité n’en sont qu’au stade de l’étude technique ». Tom Rousset n’avait plus qu’à candidater ailleurs ou renoncer mais son père a diffusé la mésaventure dans un tweet en mars 2018 et la presse s’en est emparée, publiant de multiples articles.
Une mobilisation efficace
Cette médiatisation a conduit Yanis Bacha, conseiller communication-presse de Sophie Cluzel, la secrétaire d’État aux Personnes handicapées, a intervenir et aider Tom Rousset à trouver une école accessible, l’Institut Européen de Journalisme de Paris. « J’ai terminé ma formation en janvier 2020, suivie d’un stage à Canal Plus interrompu par le confinement. » Stage dans la société où Yanis Bacha était journaliste jusqu’à son entrée au cabinet de Sophie Cluzel, obtenu à la faveur du Duoday 2019 auquel Tom Rousset avait participé, et c’est l’édition 2020 qui lui a permis de décrocher un véritable emploi. « J’ai pu intégrer la rédaction de France 3 à la suite du Duoday que j’ai effectué à France 2 le 19 novembre, pour un contrat à durée indéterminée à la rédaction Île-de-France. » Il écrit pour la rédaction web, avec une appétence particulière pour le sport : « J’ai toujours été fan de basket. Étant petit, j’ai très vite compris que faire du basket en compétition serait compliqué. J’ai tenté le basket fauteuil, mais il ne m’attirait pas parce qu’il m’apparaissait trop différent de ce que je voyais à la télévision au niveau des valides. J’avais ces repères-là, pour moi c’était compliqué de me projeter en basket fauteuil. J’ai voulu devenir journaliste sportif en me disant que c’est un bon moyen de transmettre la passion que j’ai pour le basket et les sports en général. »
A France 3 IDF, il rédige des articles destinés au site Internet, sans faire de reportage : « Je me sens bien intégré dans l’équipe rédactionnelle, mais je trouve qu’il y a un gap [écart] entre ce que j’ai pu faire à l’école et ce que l’on me demande dans la rédaction ; on fait essentiellement de l’actualité régionale, et même si j’ai suivi une bonne formation pendant 18 mois, il y a des sujets que je n’avais jamais vus ni traités. » Son projet à long terme est d’évoluer dans une rédaction où il se sent bien, et il pourrait ultérieurement apparaître à l’antenne, ce qui a d’ailleurs été évoqué lors de son embauche : « Je devrais être amené à faire des reportages sur le terrain. Quand on est journaliste chez France 3, on est censé être multi-tâches, polyvalent. Je suis prêt à prendre le temps, j’ai 25 ans et j’ai conscience que cela demande de l’expérience. Et j’ai conscience de la portée que ça aurait. » S’il ne le précise pas, on doit ici comprendre qu’il fait allusion au handicap moteur qui le contraint à se déplacer en fauteuil roulant ou, au mieux, avec des béquilles, ce qui n’est pas vraiment habituel dans sa profession.
Embauché grâce au Duoday
Tom Rousset figure parmi la centaine de participants (sur 10.000) à la journée du Duoday à avoir obtenu un emploi pérenne au terme de cette action de sensibilisation à l’emploi de travailleurs handicapées récupérée depuis deux ans, en terme d’organisation mais également politiquement, par la secrétaire d’État aux Personnes handicapées, Sophie Cluzel. « J’ai pu y participer parce que j’avais déjà été contacté par France 2 il y a deux ans et je n’avais pas pu parce que j’étais à l’étranger. En novembre 2020 j’ai sauté sur l’occasion. Je n’ai pas trop les chiffres en tête, mais je trouve que c’est une belle initiative qui permet d’avoir une certaine exposition. Maintenant, il faut garder en tête que ce n’est certainement pas la seule chose qui fera que les personnes handicapées seront mieux exposés dans les médias. C’est juste une pierre sur un chemin. »
Avec un poste de journaliste permanent, opportunité qui devient rare de nos jours, quelles pourraient être les envies de Tom Rousset ? « Je suis déjà très heureux d’être journaliste au vu de la situation sanitaire. Quand j’ai eu cette proposition, j’étais d’abord incrédule parce que tu ne t’y attends pas alors que, excusez mon langage, c’est la merde pour tout le monde ! Au départ, il y a ce sentiment de se dire que j’ai beaucoup de chance. Maintenant, je vais m’installer dans ce métier, avec des projets qui me plaisent beaucoup. Les Jeux Olympiques sont des événements que je rêvais de couvrir quand j’étais gamin : me dire que dans quelques mois je vais pouvoir en parler et partager ma passion avec les gens, ça me rend fier ! »
Laurent Lejard, avril 2021.