La maison de la famille Louis, construite en 2007 à Vieillevigne, bourgade de 4.000 habitants au sud de Nantes (Loire-Atlantique), est de plain-pied et la famille vient récemment d’en rembourser l’emprunt. Mais elle n’a eu pas le temps de souffler et doit à nouveau s’engager dans d’importantes dépenses pour aménager cette maison au handicap moteur du fils, Théo, 10 ans : une myopathie de Duchenne lui a fait perdre la marche l’an dernier et il se déplace désormais en fauteuil roulant électrique. Sauf que ce ne sera pleinement possible qu’après des travaux d’adaptation. « De nombreuses démarches, notamment avec la Maison Départementale des Personnes Handicapées, ont été nécessaires pour l’achat du fauteuil, l’aménagement du véhicule mais le gros dossier, explique la maman, Céline Louis, c’est l’aménagement de la maison : on a créé une pièce supplémentaire, cassé des cloisons pour supprimer un couloir trop étroit, agrandi et aménagé sa chambre avec salle de douche à l’italienne. Il a fallu aussi fixer au plafond des rails de transfert commandables par Théo. Avant, on se cassait le dos pour le porter mais en grandissant il devient trop lourd et cela ne devenait plus possible. Il reste à installer de la domotique avec un boîtier téléthèse [commande à distance] sur son fauteuil roulant, qui lui apportera de l’autonomie pour ouvrir les portes, allumer la lumière, fermer les volets, et améliorer l’accessibilité en gommant le seuil d’entrée et en faisant bitumer la cour extérieure. »
150.000 euros à financer
Heureusement, la famille n’a pas rencontré de difficulté pour obtenir le permis de construire d’agrandissement ; en effet, il est soumis aux règles du plan d’occupation des sols et au seuil de densité, et il est fréquemment nécessaire de demander une dérogation au titre du handicap d’un membre de la famille, dans l’espoir d’obtenir le droit de construire les mètres carrés supplémentaires nécessaires. « Théo pourra circuler dans une grande partie de la maison, sauf dans la mezzanine et les chambres de ses parents et de sa petite soeur en raison de la présence d’une marche, d’un escalier et d’un couloir trop étroit. »
L’ensemble des travaux est d’un coût élevé, les parents ayant décidé de tout faire pour que Théo ait une vie de qualité, en installant un spa de nage pour des séances kiné en balnéothérapie avec de l’eau chaude qui a un effet très relaxant. Au total, ils s’engagent pour 150.000€ : « Heureusement notre crédit maison s’arrêtait, et on est reparti sur un nouveau crédit. On reçoit 10.000€ de la Maison Départementale des Personnes Handicapées mais pas d’autres aides parce qu’on dépasse le plafond de ressources. » Céline travaille à temps partiel comme professeur des écoles, son mari est acheteur dans une importante entreprise, leurs salaires sont suffisants pour les faire sortir des aides publiques et assimilées. Leur reste le recours à l’aide privée : « L’AFM-Téléthon aide beaucoup pour l’acquisition d’un fauteuil mais pas pour l’aménagement de domicile et n’encourage pas la création d’associations à caractère individuel. Nous avons tout de même créé l’association ThéoTOP pour essayer de recueillir des dons et organiser des actions. En sollicitant divers organismes, on a reçu 2.000€ du Lion’s Club, 2.000€ du Crédit Mutuel, 1.400€ par l’association de parents d’élèves de son école qui avait organisé une vente de tartiflettes à emporter, et puis La Fondation Leroy Merlin va nous donner 10.000€. » C’est parce que les deux parents travaillent et ont des revenus décents que la famille s’en sort correctement : « Nous on y arrive, d’autres familles ne peuvent tout simplement pas en faire autant. Et il faut faire l’avance des dépenses, ce qui contraint à recourir à la banque. » Qui ne fait pas cadeau des intérêts, elle.
Mais la situation pèse sur Céline : « J’y mets toute mon énergie, c’est vraiment très lourd, à tel point que j’’envisage d’arrêter mon activité professionnelle. En discutant avec d’autres familles concernées par le handicap, on entend les difficultés de trouver des auxiliaires de vie compétents, volontaires pour l’aide à domicile. Moi, je mets du coeur à préparer mon travail, mais j’ai envie de consacrer mon énergie à accompagner Théo au mieux. » La vie de famille subit également les effets de l’inertie administrative : par exemple, pas encore de réponse sur le transport de Théo au collège de la ville voisine. « J’écoute beaucoup les autres familles, leurs difficultés. La soeur de Théo en pâtit, il nous occupe beaucoup. Je passe du temps, de l’inquiétude, j’entends des discours différents. » Et elle subit les humeurs des fonctionnaires, telle une employée de la Maison Départementale des Personnes Handicapées énervée que cette maman ne comprenne pas une décision après un changement de règlement…
Vivre comme tout le monde
Ou cette aberration qu’elle a pu éviter in extremis, parce qu’on lui avait transmis « par erreur » le plan de réaménagement d’un WC du collège dans lequel est déjà scolarisé un autre élève handicapé moteur dépendant : « Le dossier a été lancé sans tenir compte des préconisations parentales, les premiers plans ont été réalisés de manière complètement inadaptée. J’ai contacté la maman de l’autre élève concerné et c’est nous, les parents, qui avons fait le gros du travail en envoyant un mél pour palier l’incompétence de certains professionnels, qui auraient utilisé le même budget de 80.000€ accordé par le département pour faire construire des WC inutilisables ! Nous avons informé un représentant de l’AFM qui est intervenu et on a finalement obtenu une acceptation en commission pour un plan de toilettes tip top de 15m². » Céline Louis en tire cet enseignement : « Les professionnels veulent se parler entre eux, mais ils ne sont pas assez compétents pour se passer de l’avis des personnes réellement concernées. »
En attendant d’entrer au collège en septembre, Théo poursuit sa scolarité à l’école publique de Viellevigne, où ça se passe bien. « Il bénéficie de 21 heures d’aide individualisée, plus pause méridienne pour déjeuner, ça convient. Il a de la chance. On a fait une demande pour qu’il conserve la même AESH au collège, à 10 kms d’ici, qui reçoit déjà une élève myopathe dans une salle unique. Théo n’a pas de difficulté d’apprentissage et il devrait y retrouver la plupart de ses copains. On a toujours expliqué sa maladie aux autres, il est bien intégré, c’est une chance énorme ». Sa chienne d’assistance qu’il adore, Link, contribue également à cette intégration sociale d’un enfant qui joue aux Lego, à Pokemon, fait des jeux vidéo mais pas trop de sport. Un enfant comme les autres…
Laurent Lejard, mai 2021.