Situé à la confluence de la Somme et de l’Avre, le site d’Amiens est occupé depuis l’aube de l’humanité : en témoignent les fouilles de Saint-Acheul, au sud-est de la ville, qui ont donné leur nom à une période préhistorique, l’Acheuléen, et plus récemment l’extraordinaire découverte de la Dame de Renancourt, dans le quartier éponyme. Celtes puis gallo-romaines, les populations qui se sont succédé ont laissé des traces que l’on peut admirer, à côté d’autres merveilles, au Musée de Picardie fraîchement remanié et mis en complète accessibilité.
L’imposant bâtiment construit en 1854, premier « vrai musée » de l’Histoire de France (rappelons que le Louvre était d’abord une demeure royale), a constitué ses collections grâce à de riches Amiénois rassemblés en société savante, que le Second empire puis les Républiques ont soutenus par des dons ou dépôts de première importance. Cette société, qui a offert le musée à la ville, y dispose toujours de (belles) salles réservées à ses activités. Le reste du bâtiment offre un parcours chronologique dans l’histoire de l’Art où l’on pourrait, à l’instar d’autres institutions nationales, passer plusieurs jours ! Le plus simple, si l’on ne dispose pas de ce temps, sera de « picorer » en fonction de ses goûts : préhistoire, antiquités égyptiennes, grecques ou romaines, art médiéval, peinture, sculpture…
Un parcours audiodécrit sera prochainement proposé aux visiteurs déficients visuels, qui disposent d’ores et déjà sur place d’une maquette tactile des lieux. Des expositions temporaires sont régulièrement proposées : l’actuelle, consacrée aux célèbres Puys (podiums en picard, rien à voir avec la chaîne de montagnes, même si leur contenu peut être volcanique !), s’achève le 10 octobre 2021 mais constitue à elle seule un motif de déplacement. Petite récompense gustative non loin de là, au Petit Poucet, institution locale pleinement accessible où l’on pourra notamment (re)découvrir le merveilleux, pâtisserie nordiste qui porte bien son nom.
L’hyper-centre d’Amiens étant plat, généralement roulant pour les fauteuils et parcouru par une longue rue piétonne, y déambuler est un vrai plaisir qui n’oblige pas à recourir aux transports en commun. Sachez néanmoins que les bus, accessibles par rampe manuelle (dépliée à la bonne volonté des clients ou du conducteur) sont gratuits le samedi. Moins d’un kilomètre séparent le Musée de Picardie de la cathédrale, monument emblématique qui attire visiteurs et pèlerins du monde entier. Chef d’oeuvre absolu du gothique, cet immense vaisseau de pierre miraculeusement préservé des soubresauts de l’Histoire (Amiens a subi tous les conflits européens), a fêté ses 800 ans et accueille les visiteurs handicapés via une rampe longeant le portail sud. On n’aura pas manqué, au préalable, d’admirer les trois portails de la grande façade et leur infinité de sculptures qu’une mise en lumière audacieuse illumine les soirs d’été…
À l’intérieur, l’émerveillement est intact : que l’on soit ou non religieux, comment ne pas admirer le génie des bâtisseurs médiévaux et leur maîtrise de l’espace, de la lumière ? Une sorte d’apaisement s’impose à l’esprit en parcourant la nef qui culmine à plus de 40 mètres, le déambulatoire orné de peintures remarquablement préservées, ou encore le labyrinthe dont la symbolique prête toujours à de nombreuses interprétations, sans même s’étendre sur les stalles sculptées du choeur ou la fameuse relique supposée de saint Jean-Baptiste qui a, durant des siècles, conduit ici les pèlerins. Pour une visite complète et documentée, où l’on vous reparlera des Puys évoqués ci-avant, rendez-vous à l’office de tourisme situé juste à côté, lui aussi parfaitement accessible et doté de toilettes adaptées. Attention, le parvis étant piétonnier et pavé, prévoyez, le cas échéant, de stationner votre véhicule en bordure du centre-ancien. Si vous arrivez en train, vous ne rencontrerez évidemment pas ce problème : une dizaine de minutes de marche (ou de rolling) suffiront depuis la gare.
Et justement, si vous passez par là, vous ne pourrez guère manquer l’autre monument emblématique de la ville : la tour Perret, du nom de l’architecte qui l’a conçue, domine en effet tout le quartier du haut de sa centaine de mètres. Structure de poutrelles et béton bouchardé travaillé comme la pierre de taille, sa construction était planifiée dans les années 1940 mais inaugurée en 1952; elle fut longtemps le plus haut gratte-ciel de France et abrite toujours des logements, désormais très prisés. Elle ne se visite donc pas, s’offrant toutefois à l’admiration des passants, surtout la nuit quand les illuminations dont on l’a pourvue dans les années 2000 font « vibrer » entre couleurs chaudes et froides ce campanile des temps modernes.
Une architecture qui aurait sûrement fait rêver un autre « monument » amiénois : Jules Verne (1828-1905) qui, bien que né à Nantes, à passé ici la majeure partie de sa vie et écrit ses plus célèbres romans. Il jouissait à Amiens d’un appartement privé dont ne subsiste qu’une plaque sur le bâtiment, et d’une maison de réception aujourd’hui devenue musée. La sphère armillaire dont est couronnée sa tour rend l’endroit identifiable immédiatement, comme une invitation aux voyages extraordinaires… Labellisé Tourisme et Handicap, ce manoir de briques rouges jadis entouré de verdure permet de s’immerger en toute accessibilité dans l’univers familier et imaginaire d’un auteur prolifique parmi les plus lus au monde. Sont également reconstitués son bureau et celui de son fameux éditeur Hetzel, ainsi que la cabine d’un navire prêt à partir à l’aventure autour du globe, l’ensemble desservi par élévateurs pour les visiteurs à mobilité réduite. Les Sourds disposent d’une appli en Langue des Signes Française, les visiteurs aveugles d’un livret braille (l’actuel parcours audiodécrit, trop long, est en cours de révision). Non loin de là, ne manquez pas le cirque municipal, le plus grand du pays, inauguré par le grand écrivain en 1889 et aujourd’hui devenu pôle national du cirque et des arts de la rue, dont les spectacles sont ouverts à tous les publics.
Tous publics également, dans un genre différent depuis que les animaux ont été bannis du cirque : le Zoo d’Amiens métropole, situé à l’ouest de la ville. Aisément accessible en voiture ou en bus, il fera bientôt l’objet d’une réorganisation de ses espaces d’accueil, l’entrée actuelle, côté parc de la Hotoie, devant être déplacée rue de Hem, ce qui la rendra plus commode à tous égards. Fondé en 1952, il est évidemment devenu un zoo du XXIe siècle conscient des enjeux liés à la fois à l’institution elle-même et à son rôle dans la préservation des espèces animales menacées. On peut y voir des loutres cendrées, tigres, alligators de Chine, phasmes, capucins, mainates, makis, tamarins lion dont un bébé, flamants roses plutôt blancs, tapir, etc., quelques-uns présentés sur des tables tactiles. Les enclos, observables de plain-pied, abritent des animaux de tous les continents et l’on s’y presse en famille le week-end : quand une espèce en croise des multitudes d’autres…
Et les fameux hortillonnages, alors ? Aménagé dès le Moyen-Âge pour la culture maraîchère, ce dédale de parcelles gagnées sur les marais alimentés par la Somme et l’Avre est toujours en activité, même si les loisirs ont pris le pas sur l’agriculture. Un festival international des jardins y est même organisé chaque année. L’accessibilité fauteuil roulant et mobilité réduite n’est hélas pas au rendez-vous mais on peut se risquer à descendre (avec aide) parcourir quelques sentiers en attendant que les poétiques installations d’art contemporain, ainsi que les non moins poétiques promenades en barque se rendent aussi handi-accueillantes que le reste de la ville…
Jacques Vernes, septembre 2021.
Sur le web, le site de l’Office de tourisme et des congrès d’Amiens métropole propose une vaste section Destination pour Tous (marque attribuée le 2 mars 2017 pour les offres touristiques et de services accessibles aux personnes en situation de handicap moteur et visuel, puis le 10 juillet 2019 au niveau Or tous handicaps), qui recense les activités touristiques et de loisirs accessibles (avec vidéos LSF sous-titrées), ainsi que les transports et les hébergements : une mine d’informations téléchargeables ! Pour une découverte plus générale du département de la Somme, suivez ce lien.