La mésaventure que vit Romuald Dehec a été malheureusement subie par de nombreuses personnes devenues lourdement handicapées après un accident : sa compagne l’a quitté. Mais dans son cas, elle était l’unique propriétaire de la maison de Fagnières (Marne) qu’ils avaient fait construire après l’accident, avec l’argent de la rente d’indemnisation trimestrielle touchée par Romuald, dont l’an dernier son ex-compagne a demandé l’expulsion par voie de justice. Un conflit toujours en cours avec une procédure qui risque d’être longue et dont Romuald veut sortir par le haut. Sa solution : acquérir une autre maison, l’adapter et y vivre sereinement.
« Mon accident est arrivé en août 2010, avec des copains, raconte-t-il. J’ai plongé dans une piscine et touché le fond, avec un tassement de la moelle épinière qui a entraîné une paralysie au niveau des cervicales, je suis tétraplégique C5-C7. » Grâce à une rééducation qui a duré deux ans, il a récupéré les mouvements de tête et un peu de mobilité dans le bras gauche, restant toutefois entièrement dépendant. Côté indemnisation, il perçoit peu en rapport avec l’importance des séquelles : une rente trimestrielle de 2.000€ servie depuis 2012 complétée d’une pension d’invalidité, 3.000€ de ressources mensuelles en tout, et de la Prestation de Compensation du Handicap, pas de quoi financer seul son projet de relogement. « L’idée est venue en février 2016 à la réception de l’avis d’expulsion, poursuit-il. J’ai cherché à acquérir une maison, on en a trouvé une à Compertrix, en face de celle de mes parents, mais avec de gros travaux d’adaptation. Aujourd’hui je ne peux même pas y entrer ! Alors sur l’idée d’un parent qui travaille à L’Union, on a décidé de lancer un appel aux dons. » Pour cela, une association vient d’être créée, « Quatre murs pour Romu », ainsi qu’une page Facebook.
L’appel aux dons ou au financement participatif est de plus en plus utilisé par des personnes handicapées pour financer l’adaptation de leur logement, palliant ainsi les carences de l’action publique. Deux exemples récents : en Suisse, 209.000 francs récoltés en deux mois pour l’aménagement de l’appartement des parents d’un jeune devenu tétraplégique, même montant mais en euros en Belgique, là encore pour un jeune tétraplégique. Au Canada, des entrepreneurs offrent leur temps et des matériaux pour construire des maisons adaptées, de même qu’aux Etats-Unis, parfois devant les caméras d’émissions de téléréalité. Mais ce n’est pas cette voie spectaculaire qu’ont choisi Romuald et sa famille, qui comptent organiser des actions de proximité, loto, concert, etc. : « On n’a pas regardé ce qui se faisait à l’étranger. J’en attends d’avoir les moyens financiers pour acquérir ce bien et m’y installer au plus vite. Et il y a la menace d’expulsion, malgré un jugement de contestation qui m’est favorable. Pour moi, c’est une volonté de tourner la page. » Il peut compter sur la solidarité de ses trois soeurs qui l’épaulent beaucoup dans les formalités et démarches, de ses parents, de sa famille au sens le plus large. Le quotidien L’Union a d’ailleurs commencé à informer le public en publiant un premier récit de cette aventure.
Le compromis de vente vient d’être signé, Romuald pourra enfin faire réaliser des devis précis pour la rénovation et les aménagements. Des dossiers de demandes de subvention sont en préparation pour un financement partiel, c’est le début d’une mobilisation qui laisse toutefois les pouvoirs publics et les élus locaux encore indifférents malgré l’article de l’Union. « Il n’y a eu aucune réaction d’élus, de la Maison Départementale des Personnes Handicapées, du Conseil Départemental. Ce n’est pas facile », regrette Romuald. Comme toujours, les simples citoyens de bonne volonté seront plus efficaces…
Laurent Lejard, janvier 2017.