« L’obsession de l’inclusion [scolaire] est une mauvaise manière faite aux autres enfants et à ces enfants-là qui sont, les pauvres, complètement dépassés par les autres enfants ». Ces pauvres, ce sont les enfants handicapés vus par Eric Zemmour, candidat à l’élection présidentielle des 10 et 24 avril prochains. Pour ce chantre de l’extrême-droite, l’Éducation nationale doit redevenir l’Instruction publique du XIXe siècle, avec élèves en blouse et surveillant général ; il manque à ce programme les coups de règle sur les doigts et autres punitions pour les pas fortiches en calcul mental, mais on sait déjà que les enfants handicapés n’y ont pas davantage leur place qu’au XIXe siècle. Rien de surprenant dans la bouche d’un admirateur de Philippe Pétain dont il affirme qu’il a sauvé les Juifs français en livrant aux nazis les Juifs étrangers ! Un propos totalement aberrant émanant d’un homme dont les ancêtres (juifs !) d’Algérie ont subi en 1940 la suppression de leur nationalité française et les lois pétainistes de ségrégation. Le pseudo historien Eric Zemmour devrait revoir ses leçons sous peine de finir au piquet coiffé d’un bonnet d’âne.
Effet collatéral de la volonté de ce candidat de rétablir la ségrégation des enfants handicapés, les politiciens de la droite et de la gauche de « Gouvernement » ont ouvert le bal des hypocrites. Parce qu’Eric Zemmour est loin d’être le seul à faire des déclarations à l’emporte-pièce, clivantes, mensongères, brutales, ségrégationnistes. Par exemple, parmi les défenseurs de l’inclusion scolaire, Valérie Pécresse assenait en avril dernier : « Il faut cesser de nier le lien entre terrorisme et immigration, il y a un lien, notamment avec l’immigration la plus récente », pour amalgamer étrangers et danger ; elle est candidate à la présidentielle pour Les Républicains. Plus récemment, l’actuel Président de la République et candidat à sa succession, Emmanuel Macron, clamait dans Le Parisien : « les non-vaccinés, j’ai très envie de les emmerder », manière élégante de monter les gens les uns contre les autres comme si un conflit réglerait le problème de la vaccination contre le Covid-19. Ou encore le socialiste Manuel Valls sur le jihadisme qu’il faut combattre sans en expliquer les ressorts ; après ses échecs en France puis en Catalogne espagnole, l’apôtre de la politique du coup de menton tente de retrouver une place dans la politique française, lui qui voulait en 2016 créer des apatrides comme jadis Philippe Pétain, un point commun avec Eric Zemmour.
Ce polémiste n’est pas seulement réactionnaire, il manipule la haine. Polémiste, il l’est par vocation, réactionnaire par ses propositions, et haineux patenté par décisions de justice ; il a été sanctionné trois fois définitivement (provocation à la haine raciale en 2011 pour deux déclarations et provocation à la haine religieuse en 2019) et vient à nouveau d’être condamné par le Tribunal Correctionnel de Paris à payer 10.000€ d’amende pour incitation à la haine raciale. Paradoxalement, on trouve parmi ses partisans des personnes appartenant à la population française qu’il stigmatise à longueur de temps : il a ses femmes, son Maghrébin, son Noir… et ses handicapés (avec l’aveugle et le paralytique à leur tête, ça ne s’invente pas !). Ces derniers oublient cette réalité rappelée par la secrétaire d’État aux personnes handicapées, Sophie Cluzel : « Consternée par la vision misérabiliste et excluante qu’Eric Zemmour porte. Ça commence par les étrangers puis les personnes handicapées, il va aller jusqu’où ? » De quoi paraphraser la célèbre formule de Jean-Luc Romero : « Un handi qui votera pour Zemmour c’est comme une dinde qui vote pour Noël ! »
Laurent Lejard, janvier 2022.