À tout seigneur tout honneur : Valençay est l’un des rares lieux en France qui puisse se glorifier à la fois d’un château célèbre, d’un vin renommé et d’un fromage identifiable entre tous ! Le château, maintes fois remanié depuis le Moyen-Âge, appartint longtemps à la vénérable famille d’Estampes dont la mémoire n’a guère résisté à la personnalité du plus célèbre occupant des lieux : Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord (1754-1838), pied-bot, évêque défroqué et ministre inoxydable de l’Ancien Régime à la Restauration en passant par le Premier Empire dont il fut l’un des principaux artisans puis fossoyeur. Ce personnage controversé acquit le domaine sur le conseil du futur Napoléon 1er afin d’y recevoir les diplomates étrangers et traiter avec eux en toute discrétion. Embelli, enrichi, le château servit un temps de prison dorée pour la famille royale espagnole (1808-1813), Talleyrand finissant par passer lui-même davantage de temps à Valençay qu’à Paris. Mort dans la capitale, il est inhumé au coeur du village où son action « sociale » a laissé de bons souvenirs : on peut voir son tombeau, étonnamment dépouillé, dans la chapelle Notre-Dame, accessible par rampe. Côté château, l’accessibilité se cantonne au rez-de-chaussée mais l’ampleur et la majesté des lieux suffisent largement à satisfaire la curiosité d’un visiteur en fauteuil roulant (celui qu’utilisait Talleyrand est d’ailleurs exposé). Décors fastueux, meubles rares, immenses jardins (voiturettes de golf disponibles en location), restauration possible sur place, on peut y passer la journée, voire la soirée dans le précieux théâtre de cour, aisément accessible, où des spectacles sont donnés pour la petite centaine de chanceux qui peuvent assister aux représentations, et même la nuit lors de magiques soirées aux chandelles !
La déambulation dans le village, outre quelques jolies façades et la dégustation des emblématiques produits du terroir (vin blanc et fromage de « chieuve » se marient fort bien !), permet par ailleurs de découvrir un étonnant Musée Automobile, accessible de plain-pied, où les plus beaux modèles de la première moitié du XXe siècle, la plupart en état de marche, offrent au regard leurs carrosseries rutilantes, leurs chromes et leur histoire. Des événements et expositions temporaires sont régulièrement organisés autour d’une marque ou d’une thématique. Prenez le temps, en marge de la collection permanente, d’assister à la vidéo-projection du film consacré à la « Croisière Rouge », odyssée des fondateurs du musée dans l’Europe des années soixante à bord de tacots brinquebalants au milieu de paysages sublimes ! Possibilité de billet groupé avec le château, toilettes adaptées, parking au plus près de l’entrée. Autre possibilité : garer sur l’emplacement réservé à gauche de l’Office de Tourisme (toilettes adaptées), ce qui permet de « rayonner » ensuite dans le bourg sans avoir à changer de place de stationnement.
À une dizaine de kilomètres de Valençay, Veuil est un hameau paisible où viticulteurs et éleveurs de chèvres font vivre l’heureux mariage des saveurs évoqué ci-avant. La bien nommée ferme La Fringale, ouverte au public, produit notamment un fromage de Valençay AOP fermier (étiquette rouge) à damner les anges, fruit pyramidal et cendré du talent de son exploitante et du lait de sa centaine de chèvres, dont des fameuses cou-clair du Berry dont on peut caresser le museau dans la chèvrerie (accessible de plain-pied) quand elles ne paissent pas dans les prés alentour. La minuscule boutique n’est pas accessible en fauteuil roulant mais la jeune éleveuse organise volontiers des dégustations dans la cour de sa ferme, où stationnement et déambulation sont plus faciles. Passionnée par son activité, elle répondra à toutes vos questions et vous offrira même son coeur… de Veuil, spécialité fromagère de sa création !
Plus à l’est, sur l’emblématique autoroute A20, à mi-chemin entre Châteauroux, la préfecture, et Vierzon (sous-préfecture du Cher), en pleine champagne berrichonne, le village de Vatan semble endormi mais les apparences sont trompeuses : il suffit de franchir les portes du Musée du Cirque pour s’en convaincre. Accessible de plain-pied (entrée spécifique), la richissime collection d’un médecin azuréen fou de cirque et cofondateur du célèbre festival de Monaco, explose littéralement aux yeux et aux oreilles dans les salles de l’ancien collège ! Affiches, objets, maquettes, costumes, extraits vidéos et même bande son saturée, rien ne manque pour évoquer cet art du spectacle à nul autre pareil : un vrai bonbon (très sucré) pour les enfants, petits ou grands, à savourer sans modération ! Toilettes adaptées, stationnement réservé dans la cour.
Encore plus à l’est s’étend le très ancien vignoble de Reuilly, plus petit que celui de Valençay mais qui fait le bonheur secret des amateurs de vin blanc (même si les trois « couleurs » sont produites ici), à telle enseigne que la production se vend très bien… et très vite. Comme ailleurs en France, les viticulteurs ouvrent volontiers leurs chais à la visite, transformant les dégustations en échanges particulièrement enrichissants sur le terroir et la culture de la vigne. Citons notamment le domaine Lafond (qui produit également du vin de Valençay) dont le caveau de dégustation ultramoderne est accessible de plain-pied et où un pavage transparent permet d’apercevoir la cave (inaccessible) et ses tonneaux. Toilettes adaptées, parking réservé au plus près de l’entrée. Signalons également, toujours à Reuilly, une chambre d’hôtes accessible, labellisée Tourisme et Handicap, très confortable : la Fontaine du Tonneau, où il est possible de dîner.
À une quinzaine de kilomètres plein sud, Issoudun, sous-préfecture de l’Indre, est une petite ville élégante sagement contenue dans ses murailles médiévales où il est agréable de déambuler. De son riche et tumultueux passé subsistent quelques vestiges dont le plus emblématique, transformé en musée, est l’hospice Saint-Roch qu’il faut absolument visiter. Augmentés d’espaces ultra-contemporains (mais sans altération des bâtiments d’origine) les lieux, parfaitement accessibles, offrent un tour d’horizon archéologique, historique, ethnographique et artistique époustouflant des origines à nos jours. Stars incontestables du musée, les arbres de Jessé de la chapelle impressionnent par leur taille et la finesse de leurs sculptures miraculeusement préservées. Étonnants aussi, l’apothicairerie et ses pots à pharmacie aux noms mystérieux, ou le salon parisien de l’artiste surréaliste Leonor Fini (1908-1996), Berrichonne d’adoption. Plus étonnante encore, la collection ethnographique océanienne rapportée entre la fin du XIXe siècle et 1939 par une congrégation de missionnaires. Il faudrait également citer le plus ancien clavecin répertorié en France, les collections touchant aux Beaux-Arts, les expositions temporaires d’art contemporain… Le Musée Saint-Roch est tout simplement une pépite !
Autre pépite issoldunoise, gastronomique celle-là mais tout aussi accessible : le restaurant La Cognette où les produits du terroir sont amoureusement mis en valeur par un chef passionné par sa région et féru de littérature. Il est à bonne école puisque le grand Balzac (1799-1850) en personne est passé par là quand il écrivait La Rabouilleuse…
Toujours plus au sud, en direction du département de la Creuse, La Châtre est l’une de ces bourgades discrètes que la présence d’une forte personnalité a profondément marquée : ici il s’agit de George Sand (1804-1876) dont la célèbre villégiature berrichonne de Nohant, malheureusement inaccessible en fauteuil roulant, ne se trouve qu’à quelques encablures. On pourra, non loin de là, utilement visiter le château d’Ars, récemment rendu accessible en fauteuil roulant (avec toilettes adaptées et stationnement au plus près de l’entrée), où George Sand rendait souvent visite à un ami médecin et qui, totalement remanié, accueille désormais des expositions temporaires autour de thèmes liés au romantisme. Celle actuellement consacrée à Maurice Sand (1823-1889), fils bien-aimé de George, est réellement passionnante : à découvrir jusqu’au 1er octobre 2017. Un festival, Le Son Continu, héritier des défuntes Rencontres internationales des luthiers et maîtres sonneurs de Saint-Chartier, est par ailleurs organisé au château d’Ars, où se retrouvent, quelques jours en juillet, vielleux et cornemuseux du monde entier ainsi qu’un nombreux public : ambiance festive où chacun, handicapé ou pas, est le bienvenu !
Autres souvenirs bien vivants du côté de Chassignolles, à une dizaine de kilomètres au sud-ouest de La Châtre, où une émouvante Maison des traditions, initiée par un exploitant agricole soucieux de préserver l’humble patrimoine local, rassemble et met en valeur le quotidien parfois rude des paysans berrichons de la première moitié du XXe siècle. Certaines machines exposées ici ont fonctionné jusque dans les années 1970 et servent toujours pour des démonstrations. L’endroit attire des visiteurs de toute la région, voire bien au-delà, et organise tout au long de l’année des manifestations en rapport avec la vie rurale : une autre manière de découvrir le Berry, surtout quand vos guides appartiennent à la génération d’avant-guerre qui connaît encore la parlure locale ! Des visites nocturnes sont d’ailleurs organisées « en patois », ainsi que de nombreux ateliers reconstituant les métiers d’autrefois et de grandes fêtes rassemblant jeunes et anciens, ruraux et citadins.
De ces jours de fête en Berry, l’un est définitivement entré dans l’Histoire : c’est celui que mit en scène le cinéaste Jacques Tati en 1947 à Sainte-Sévère, aux confins de l’Indre et de la Creuse. Un pur chef d’oeuvre qu’il vaut évidemment mieux avoir (re)vu avant de se rendre sur les lieux, ne serait-ce que pour s’émerveiller de ce que la place du village n’ait pratiquement pas changé depuis ! C’est justement sur cette place que se trouve, inaugurée en 2009 à l’occasion du cinquantième anniversaire de la première diffusion du film, une scénovision® dédiée : la Maison de jour de fête. Parfaitement accessible, cette mise en scène et en espace mêlant décors, audiovisuel et effets spéciaux, est une belle évocation du « making of » de ce joyau plein de tendresse pour un petit coin de France qui gagne décidément à être (re)connu !
Deux coups de coeur pour finir. Le premier, à quatre pattes, se situe au sud de Châteauroux, non loin du parc naturel régional de la Brenne : Laleuf Loisirs est une structure privée animée par des passionnés de chevaux qui ont tout fait pour rendre cette activité accessible aux personnes handicapées, groupes ou individuels, quels que soient la nature et le degré de handicap : de quoi organiser en toute confiance de belles vacances actives ! Le second coup de coeur, à quatre joueurs celui-là, est le premier jeu de société consacré au Berry (partiellement inspiré de Trivial Pursuit) : Berry en Jeux teste en 400 questions vos connaissances sur la région. Futé et pour le moins original !
Jacques Vernes, juin 2017.
Sur le web, le site officiel Berry Province regroupe utilement les deux départements de l’Indre et du Cher, composantes de la province historique. On y trouve largement de quoi préparer un séjour en toute accessibilité, notamment grâce à ce mini-site dédié.