L’aviron est l’un des quelques sports qui accueillent tout le monde. Sans clubs handisports puisque c’est la Fédération Française d’Aviron qui l’organise pour l’ensemble du public valide et handicapé, en para aviron, aviron adapté aux personnes handicapées mentales et même sport partagé. A bord des bateaux, hommes et femmes sont à parité. « Le para aviron s’est structuré en 2003-2004, explique Charles Delval, responsable du programme Ambitions 2024, avec une première équipe à haut-niveau. Il est organisé dans les clubs valides, ce qui permet d’utiliser des installations assez lourdes : base nautique, pontons, bateaux et autres équipements. » Pour pratiquer à tout âge, il suffit de savoir nager, et d’avoir envie… de ramer !
Un sport mixte (presque) pour tous
Le para aviron est pratiqué en loisir comme en compétition, communes valides-handis à tous les niveaux nationaux et internationaux ; seules les compétitions olympiques échappent encore à cette intégration totale. Totale, elle l’est par l’utilisation des mêmes embarcations, installations, et les mêmes « bras » pour transporter les bateaux et matériels. En fonction du handicap, notamment pour les pratiquants paraplégiques et assimilés, les bateaux sont plus larges et plats, avec siège adapté comportant au besoin un maintien dorsal par sanglage. L’aviron sera toutefois difficile à pratiquer en cas de handicap moteur important, telle une tétraplégie, mais est praticable avec une hémiplégie ou une déficience visuelle. Dans les bateaux deux ou quatre avirons, la parité hommes femmes est la règle en compétition. Et un(e) malvoyant(e) est embarqué dans le 4 barré.
« Le para aviron compte près de 600 licenciés, poursuit Charles Delval, dont 200 en handisport, avec 30 à 40 français dans les compétitions. L’aviron est Paralympique depuis 2008, dans trois catégories pour être plus lisible. Le double et le 4 sont mixtes, le 4 avec barreur peut compter jusqu’à deux malvoyants. Les britanniques sont devant nous en termes de compétition, mais avec moins de licenciés. Nous, on a une structuration plus forte. On retrouve des para aviron dans toutes les compétitions nationales, en extérieur et en indoor. » Là, c’est sur des machines que les sportifs s’expriment. On pourrait penser que l’aviron est un sport élitaire, c’est plutôt le contraire : « Il est peu coûteux pour le pratiquant, conclut Charles Delval. Il faut compter de 150 à 500€ pour la licence en club, alors qu’un bateau coûte de 6.000 à 12.000€. On n’a pas besoin d’équipements personnalisés, tout le monde utilise les mêmes. » Pour les pratiquants qui ont besoin d’adaptations, un système d’aide aux clubs met des matériels à disposition.
Qu’en pensent des pratiquants ?
Ce sport a séduit l’handibasketeuse Perle Bouge, âgée de 44 ans : « En handi, on a la chance de pouvoir pratiquer longtemps. J’étais en équipe de France féminine de basket fauteuil. Un entraîneur m’a donné envie de venir à l’aviron, il faisait de la détection. Avant mon accident, je faisais surtout des sports individuels. L’aviron est un sport d’endurance, c’est un bon complément du sport fauteuil. J’ai fait les deux au début, et j’ai été convaincue parce que le club et l’entraîneur ont tout mis en place. » Elle pratique en individuel (skif) et collectif, sur la Nive avec l’Aviron bayonnais, club célèbre pour son équipe professionnelle de… rugby. « Les conditions d’entraînement sont changeantes, avec les marées, le courant, c’est très bien parce que ça permet de varier les conditions. » Perle Bouge apprécie particulièrement l’aviron par équipe, la recherche d’entente nécessaire pour se coordonner : « J’ai ramé avec Stéphane Tardieu pendant 10 ans et on a fait des podiums, on ne s’entraîne pas que pour soi. » A leur palmarès, une médaille d’argent aux Paralympiques de Londres 2012 et de bronze à Rio 2016. En dehors de ces jeux encore à part, elle apprécie la mixité des compétitions : « Elles se déroulent en mixte handis valides, du championnat de France à celui du monde. On montre le haut-niveau du handisport, devant tous les publics. Cela montre une autre image du sport. Il faut croire en ses rêves, et se faire plaisir avant tout. »
De son côté, Antoine Jesel est venu « par hasard » à l’aviron, quand il avait 11ans au début des années 90 : « Je faisais de la voile et j’ai vu des avirons, ça m’a donné envie. » Il s’est initié à Beaucaire (Gard), a navigué sur le Rhône, et pratique en PR3 (jambes, tronc et bras) puisque l’accident qui l’a handicapé l’a rendu mal marchant. « J’ai ramé pendant 10 ans avec un malvoyant, au niveau international. Je l’aidais dans ses déplacements, lui propulsait davantage grâce à son physique. J’ai eu mon accident de la route en 2003, qui m’a laissé des difficultés à reprendre les gestes d’avant. Charles Delval m’a invité, on a étudié comment adapter un bateau. » Après une dizaines d’années à ramer sur la Marne, au milieu des péniches et chalands, il s’est récemment installé dans l’Hérault, au bord du lac du Salagou où il prépare l’ouverture d’un club. « On pratique là où on vit, et je préfère les lacs. Mon but était d’arrêter la compétition après les Jeux de Tokyo 2021 pour lancer le club. On dispose d’un petit bâtiment pas encore adapté aux pratiquants handicapés. » Il pourrait toutefois revenir dans le haut-niveau si les Jeux de Paris inscrivent le double dans sa catégorie. « L’aviron est un sport magnifique parce que c’est un sport de glisse qui permet de s’évader, de se dépenser sans traumatisme. La sensation de glisse sur l’eau est très enivrante, et j’arrive à rivaliser avec des valides grâce à la technique pour compenser mon handicap. C’est un sport d’équipe, de synchronisation, pour se connaître, se comprendre pour faire avancer au plus vite son bateau. Un sport où l’on peut s’épanouir. »
Laurent Lejard, janvier 2022.
Les personnes intéressées sont invitées à contacter Charles Delval, responsable du Programme Ambitions 2024 Para-Aviron (handicaps@ffaviron.fr ou 06 47 98 69 32).