Chaque année en juin, la Journée Citoyenne est l’occasion de constater l’enracinement de la citoyenneté de personnes handicapées intellectuelles, et un engagement dans la société qui ne demande qu’à être actif. Organisée à la salle des fêtes de Malakoff par Vie Citoyenne, sa 7e édition a vu la présentation publique d’actions organisées au fil des mois par les usagers d’une dizaine d’établissements médico-sociaux des Hauts-de-Seine.
Ceux du Centre d’Initiation au Travail et aux Loisirs (CITL) Madeleine Vinet, de Boulogne-Billancourt, ont collecté auprès de leurs familles des vêtements destinés à des personnes Sans Domicile Fixe, parce qu’ils ont vu dans les rues des personnes démunies, des clochards, un choix clairement revendiqué : « J’estime qu’il n’y a pas que les clochards qui sont mal habillés, a déclaré l’un des participants, mais les vêtements doivent aller aux gens qui n’en ont pas. » Avec ses camarades, il a récolté et trié une quinzaine de sacs de vêtements livrés ensuite au Secours Populaire. Le choix de cette action a été assez rapide, à la rentrée de septembre, et les usagers ont élaboré une affiche diffusée seulement dans les familles, ils ont manqué de temps pour aller vers la population. « On a tout fait dans l’établissement, les locaux du Secours Populaire étant trop petits, a ajouté un encadrant. On envisage de poursuivre cette action. »
La Maison Perce-Neige, de Sèvres, a organisé une conférence sur le civisme réunissant tous les résidents, préparée lors de séances de travail hebdomadaires. Avec l’objectif d’agir sur certains comportements des usagers : « Pousser, c’est pas bien pour les autres, ce qui n’est pas civique, ce sont les bousculades du matin », dit l’une. Une éducatrice a fait remonter la présence de chewing-gum et de mégots dans les plantes alors qu’un groupe de résidents s’occupe du jardin, les comportements inciviques ont été répertoriés pour y réfléchir lors de la conférence, et agir sur le vivre-ensemble « en harmonie avec les autres », conclut Louis-Marie, l’un des participants.
Le CITL de Vanves a élaboré un film intelligent sur la politesse, l’écologie, le respect et la gentillesse, en y travaillant toutes les semaines. Composé de saynètes, il présente des comportements inciviques et leur pendant civique. En le présentant, Anne-Marie évoque les bousculades dans le métro et les bus mais aussi dans le CITL, Alexandre la musique trop forte : le civisme commence dans l’établissement. « On est parti de leurs réflexions, précise David, un éducateur qui a participé à la réalisation, avec un gros travail d’assimilation, d’appropriation de ce qu’est le civisme. » Ce que traduit ainsi l’une de ses collègues : « Le civisme au quotidien, c’est vraiment, au-delà de la loi, un art de vivre. » Comme le fait l’un des usagers, Arthur : bénévole aux Restos du Coeur, il participe à la distribution de produits alimentaires ou d’hygiène, à la rencontre des plus humbles.
A l’Institut Médico-Éducatif Le fil de soi (Clamart), les usagers ont réalisé un petit film sur les incivilités, les saletés et les tags, le respect des places réservées dans les bus. Avec une maturité en décalage avec l’intervention d’éducateurs en formation à Ecole Initiatives : ils nous ont appris que les éducateurs sont inciviques entre eux, et que les personnes handicapées le sont également, donnant finalement une curieuse image d’eux ! Du CITL Égalité, de Châtillon, un usager raconte l’écologie, les écolobalades organisées, « notre devoir de pas détruire la planète, on en a qu’une et il faut y faire attention ». Une participante fait du tri de bouchons avec Handisport 92, une autre du bénévolat et trouve du plaisir à faire plaisir aux autres, deux font du tri de vêtements pour ceux qui n’ont rien à se mettre sur le dos, sans attendre un bonjour : « Être citoyen, c’est être citoyen de soi-même », conclut l’un d’eux.
Trois Esat ont élaboré ensemble (Suzanne Lawson de Meudon, Yvonne Wendling et Georges Dagneaux d’Issy les Moulineaux) un spectacle de danse qui devait être présenté lors de cette journée citoyenne. Les usagers ont travaillé sur une approche artistique de la thématique, dans un atelier danse où chacun doit tenir compte des autres pour ne pas se piétiner, danser avec l’autre, respecter les horaires, la tenue. Le point de départ : des voyageurs bloqués sur un quai de gare, qui doivent éviter des actes dangereux, construire une organisation commune, sur un scenario créé au fur et à mesure de l’atelier. Hélas, le gestionnaire de la salle de Montrouge qui devait l’accueillir a exigé des frais de location prohibitifs qui ont obligé les établissements à filmer le travail pour le projeter en public… « Même si on est handicapés, explique l’un des participants, on aime danser, comme tout le monde. On est comme vous, on n’est pas différent parce qu’il y a des gens qui pensent qu’on est différent ».
Le CITL Paul Vernon, de Meudon, a créé le film Inspecteur Momo. Une activité construite au quotidien, des saynètes en sont sorties, et depuis il y a des « gendarmes du civisme » dans l’établissement, qu’il faut toutefois modérer parce que les usagers ne doivent pas se mettre en danger. Et le CITL Jean-Claude Richard, de Boulogne-Billancourt, a mis l’accent sur l’honnêteté, en mettant en scène et filmant les réactions de passants qui trouvent un portefeuille contenant 5.000€ : cherchent-ils le propriétaire ou gardent-ils l’argent ?
Ce qui ressort de la diversité des actions présentées lors de cette 7e Journée Citoyenne, c’est le besoin des usagers de ces établissements médico-sociaux d’être utiles, acteurs dans la société. Un travail qui se poursuivra à partir de septembre sur un nouveau thème, L’art dans la ville.
Laurent Lejard, août 2016.