Rouen, port fluvial et maritime de première importance sur la Seine (leader européen pour les céréales, français pour la farine), est universellement célèbre grâce à sa cathédrale magnifiée par Claude Monet. Sa relative proximité avec Paris (135km) en fait une destination de choix pour des week-ends prolongés ou un préambule à la découverte de la Normandie. On flâne volontiers dans ses vieilles rues, en dépit des pavés, mais on oublie souvent qu’a vu le jour ici une partie de la fine-fleur des arts et des lettres français : Théodore Géricault, Pierre Corneille, Gustave Flaubert et bien d’autres dont Maurice Leblanc, père du cultissime Arsène Lupin.
Des beaux-arts à toucher
Géricault, on le retrouve à côté d’autres peintres éminents au Musée des Beaux-Arts dont l’imposant bâtiment est situé le long de la rue Jeanne d’Arc (brûlée non loin, faut-il le rappeler) qui relie la gare au centre ancien. Le public handicapé moteur y accède par le côté rue Jean Lecanuet, autre célébrité dont le nom évoquera davantage aux anciennes générations ; des fauteuils roulants y sont disponibles en prêt. Le musée, à l’instar de bien d’autres, fait le maximum pour ouvrir gratuitement ses prestigieuses collections au plus grand nombre ; les visiteurs handicapés ne sont pas oubliés. La richesse de ce qui est présenté, et qui couvre tous les arts du XVe siècle à nos jours, est proprement époustouflante : prévoyez une bonne demi-journée pour en découvrir quelques pépites judicieusement signalées et n’hésitez pas, le cas échéant, à suivre une visite commentée.
Mais ce qui rend le musée plus précieux encore, c’est l’espace temporaire (jusqu’en septembre 2022) qu’il offre au public voyant et non-voyant, intitulé « L’art et la matière, prière de toucher. » Au-delà du titre, qui dit bien de quoi il s’agit, l’objet de cette collaboration entre plusieurs institutions muséales est de donner à percevoir l’Art autrement que par la vue. L’expérience se fait en binôme (voyant-aveugle ou voyant aveuglé par un bandeau), à mi-voix, autour du fac-similé d’une sculpture : on touche, on commente, on identifie, préambule sensitif à la découverte des collections.
Et du cirque en tous genres…
Toujours au Musée des Beaux-Arts, une autre exposition temporaire intitulée « Cirque et saltimbanques », déclinée dans divers lieux de la ville, présente l’une des plus importantes collections privées d’oeuvres et objets liés à cet art, des divertissements de cour de la Renaissance à l’âge d’or des grandes compagnies au XXe siècle, avec leurs ménageries, leurs artistes hauts en couleurs et leur communication en avance sur son temps. De nombreuses affiches pieusement restaurées ponctuent la visite, qui peut également se faire avec un guide. Sachez, plus généralement, que des visites en LSF sont programmées pour chaque exposition temporaire.
Le thème du cirque se décline également au Musée des Antiquités, situé non loin de là rue Beauvoisine, avec la très belle présentation « Cirque et Japon. » La rareté et la beauté des estampes présentées ici émerveilleront d’autant plus les amateurs que le sujet des saltimbanques apparaît peu dans l’histoire de l’Art au Japon, où il demeure aussi méconnu qu’en France. Détailler ces délicats supports fourmillants de vie fait voyager très loin ! Un bémol toutefois : si le bâtiment principal, qui comprend également le Muséum d’Histoire Naturelle, est aisément accessible en fauteuil roulant (on en prête également à l’accueil), il n’en va pas de même pour l’espace accueillant les expositions temporaires : il faut en effet se faire ouvrir puis traverser les ateliers de l’institution où une rampe temporaire est mise en place. Conscients du problème, les pouvoirs publics l’ont inscrit dans le vaste chantier de rénovation qui devrait, d’ici 2025, transformer l’endroit en pôle muséal du XXIe siècle.
En attendant, mieux vaut prévenir de votre arrivée. Cela étant précisé, ne manquez pas de compléter votre visite par celle des collections permanentes des deux musées de ladite institution, dont la richesse n’a d’égale que la diversité : c’est juste une question de goût et de temps. Vous pourrez ensuite vous reposer dans le charmant square Maurois qui jouxte le bâtiment avant d’aller, par exemple, déguster quelques spécialités normandes en prélude à une soirée-spectacle au Théâtre des Arts où l’on vous attend…
De Jeanne d’Arc à la Seine
Le coeur de Rouen est assez concentré pour que la déambulation s’y fasse à pied ou en fauteuil roulant : la sublime cathédrale, bien sûr, qu’il est possible de découvrir plus en détail avec un guide de l’Office de Tourisme (dont l’offre est pléthorique). Tout proche, l’Historial Jeanne d’Arc, ouvert en 2015, évoque la vie de la Pucelle guerrière et présente une reconstitution poignante du second procès posthume qui l’a réhabilitée dès 1456.
A découvrir également, l’emblématique Gros horloge et, bien sûr, la place du Vieux-marché où fut exécutée Jeanne d’Arc et où trônent, à côté d’une croix gigantesque, outre des halles à l’esthétique discutable, une église expiatoire de style moderne qui vaut principalement pour la très belle lumière qu’y filtrent ses vitraux anciens récupérés d’un édifice détruit. L’endroit n’en demeure pas moins l’un des coeurs battants de la ville, avec ses nombreuses terrasses. D’autres terrasses et lieux branchés sont à découvrir en bords de Seine, toujours à pied ou en fauteuil roulant, ou en empruntant l’une des nombreuses lignes de transports accessibles.
Achevons ce rapide tour d’horizon dans le centre ancien avec l’Aître Saint-Maclou, aussi spectaculaire que mystérieux. Accessible de plain-pied au détour de vieilles rues, il ouvre son cloître délicat, de style Renaissance, sur une cour paisible où il fait bon s’alanguir, grâce peut-être, ou en dépit de sa vocation première : c’était en effet un cimetière, destination rappelée par les éléments décoratifs figurant sur les poutres : os, crânes, symboles religieux… Ses élégants bâtiments abritent désormais une Galerie des Arts du Feu (métiers d’Art), une galerie d’Art contemporain et un restaurant. Il est également possible, le samedi et le dimanche, de découvrir ce vaste complexe en visite guidée. On vous auras prévenus : un week-end ne suffit pas pour venir à bout de Rouen !
Jacques Vernes, avril 2022.
Sur le web, le site de l’Office de Tourisme de Rouen, outre des informations générales sur la destination et des fiches mentionnant l’accessibilité aux différents types de handicaps, rassemble sur une page dédiée, celles destinées au public handicapé avec, notamment, un « top 10 » qui constitue en soi un excellent guide touristique. Mention spéciale, par ailleurs, au restaurant inclusif Le XXI, dans le centre ancien, qui allie gastronomie et entreprise adaptée : une bonne adresse à tous égards !