Habituellement, la presse bruisse de rumeurs et les chroniqueurs font assaut d’opinions tranchées pendant la période de composition du gouvernement suivant l’élection présidentielle. Sauf en 2022. Là, le résultat était acquis d’avance sur un scénario écrit par Emmanuel Macron dès les élections européennes de 2019 : l’opposition de son parti La République En Marche avec le Rassemblement National est devenu un combat entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen remporté par le premier. Une véritable victoire à la Pyrrhus qui a démotivé les électeurs, démobilisé les médias, et augure mal du dernier mandat d’un président élu par crainte de l’extrême-droite.

Dans ce contexte, le temps pris par le président réélu pour nommer son nouveau gouvernement accentue la déliquescence : la nouvelle Première ministre, Élisabeth Borne, a été nommée 22 jours après le deuxième tour de la présidentielle, les ministres en place voyant leur fonction prolongée. Elle devait composer son gouvernement dans la foulée pour le traditionnel Conseil des ministres du mercredi. Mais l’entourage présidentiel fait savoir que ce Conseil n’aura pas lieu avant le jeudi suivant. Ce jour-là, Emmanuel Macron déclare sans rire « Cela requiert du temps car il s’agit du gouvernement de la France. » Rien d’étonnant : c’est lui qui décide qui sera ministre et Madame Borne n’est là que pour enregistrer. Nous voilà tout de même rassurés : on se voyait déjà en Belgique (jusqu’à 541 jours en 2010-2011) ou en Allemagne (72 jours pour former un gouvernement pendant l’automne 2021)…

Ce président choisi par un électeur sur cinq (20,07% des inscrits) au premier tour a également lui-même décidé quels membres de son parti (rebaptisé Renaissance pour tenter de faire oublier LREM) seront candidats aux élections législatives des 12 et 19 juin. Ces futurs députés le seront donc par la grâce d’un monarque républicain marquant ainsi son emprise sur l’Assemblée Nationale et le pouvoir législatif.

Ayant mis la main sur l’exécutif et le législatif, il lui reste à régenter le pouvoir judiciaire en contrôlant le Conseil Supérieur de la Magistrature pour avoir la main sur la nomination des juges, comme cela se pratique en Pologne avec les conséquences que l’on sait. Gageons que le très libéral Emmanuel Macron ne rechignerait pas à le faire, s’il le pouvait.

Laurent Lejard, mai 2022.

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