Ils étaient peu nombreux, les citoyens handicapés candidats le 12 juin dernier au premier tour des élections législatives. On en a repéré huit en comptant les suppléants, dont sept éliminés dès dimanche soir. Un seul est en ballottage favorable et devrait être élu le 19 juin : Damien Abad dans la 5e circonscription de l’Ain. Bien que publiquement accusé par plusieurs femmes d’agressions sexuelles et que des cadres de son précédent parti politique, Les Républicains, aient évoqué auprès de journalistes des comportements déplacés, l’électorat du quadragénaire handicapé moteur ne lui en tiendra pas spécialement rigueur et devrait logiquement le reconduire à l’Assemblée Nationale. Ce ne sera ni le premier ni le dernier, bien d’autres politiciens l’ont vécu ; citons rapidement le couple Balkany maintes fois réélu à Levallois-Perret alors que la population connaissait son honnêteté proverbiale, le député-maire de Béthune Jacques Mellick fournisseur d’un alibi truqué à Bernard Tapie retrouvant rapidement « sa » mairie au premier tour de scrutin, François Bernardini condamné à de la prison avec sursis pour malversations politico-financières et brillamment réélu par les Istréens qui doivent apprécier d’être dirigés par un maire à nouveau inquiété pour délits financiers. La liste est longue…
Mais revenons à Damien Abad. Nommé le 20 mai dernier ministre des Solidarités, de l’Autonomie et des Personnes handicapées, il devrait être maintenu au Gouvernement et donc ne siégera pas à l’Assemblée. C’est son suppléant qui effectuera le mandat tant que le titulaire restera ministre. Et de ce fait, le Parlement ne comptera plus de membre à « handicap visible. » Parce que le handicap reste caché, tabou dans la vie politique, rappelez-vous la surdité de Jacques Chirac alors président de la République ; il portait de très discrets appareils auditifs mais il ne fallait pas évoquer la malentendance présidentielle liée à l’avancée en âge. Le même était censé avoir complètement récupéré d’un accident vasculaire cérébral, ce qui n’était pas le cas. Vivre avec un handicap n’est pas accepté par la caste des politiciens alors que nombre de députés, sénateurs et présidents de conseils territoriaux vivent avec une basse vision, des troubles auditifs, moteurs voire cognitifs. Ce n’est que confrontée à des difficultés insurmontables, sans handi-coming out, que telle ou telle éminence fait son entrée dans le club très fermé des handi-politiciens.
L’invisibilité du handicap dans le monde politique français, et donc dans l’action publique, a encore de longs jours devant elle…
Laurent Lejard, juin 2022.