En France, en fin de l’année 2011, un jeune homme, au cours d’une bagarre opposant plusieurs personnes, recevait un coup de couteau dans le thorax. Il fut admis en urgence à l’hôpital, où il présentait un choc hémorragique nécessitant une thoracotomie avec drainage, au cours duquel il fit un accident vasculaire. La victime présentait des lésions d’ordre neurocognitif et ophtalmologique. Il séjourna, en centre de rééducation et en centre d’activité pendant plusieurs années, jusqu’en 2015.
Sa famille fit appel à un avocat spécialisé en réparation du dommage corporel, afin d’être défendu, tant devant la juridiction pénale que devant la Commission d’Indemnisation des Victimes d’Infractions (CIVI), pour obtenir l’indemnisation de son entier dommage corporel. Cette agression à l’arme blanche fut, dans un premier temps, l’objet d’une longue procédure pénale. Il était essentiel pour obtenir une complète réparation de son dommage corporel, d’établir qu’il était bien une victime, qu’il n’avait commis aucune faute, qu’il n’avait, notamment pas été l’instigateur de cette bagarre ou qu’il n’y avait pas participé activement.
Faisant suite à une longue instruction, le prévenu fut renvoyé devant la Cour d’Assises de la Vienne, où, suite à deux jours d’audience et par arrêt de septembre 2014, il fut reconnu coupable de violences volontaires avec usage ou menace d’une arme ayant entrainé une infirmité permanente et condamné à six ans d’emprisonnement; la partie civile de la victime fut retenue. Cependant, le prévenu interjeta appel de cette décision qui fit l’objet d’une nouvelle procédure devant la Cour d’Assises de la Gironde qui, après plusieurs audiences, par arrêt de mars 2016, déclarait l’agresseur coupable de tentative de meurtre et le condamnait à treize ans de réclusion criminelle.
Pendant ce temps-là, l’avocat spécialisé assistait également la victime pour obtenir devant la CIVI la mise en place de la procédure d’indemnisation. La CIVI d’Orléans avait été, initialement, saisie par un premier avocat auquel l’avocat spécialisé succédait et avait obtenu, par ordonnance de septembre 2012, une première provision de 10.000€; aucune expertise médicale ne fut alors ordonnée. Pour cette raison, l’avocat spécialisé en charge nouvellement du dossier fit immédiatement assister la victime par un médecin conseil de victimes, spécialisé dans le traumatisme crânien, qui dans un premier temps rendit visite à la victime et après examen de son dossier médical, établit son rapport en juillet 2013.
Puis le nouveau conseil saisissait à deux reprises, en la forme des référés, la CIVI de Pontoise et obtenait par voie d’ordonnance en mars 2014, la désignation d’un expert judiciaire pour évaluer le dommage corporel de la victime et en juin 2014, une provision complémentaire de 40.000€ puis en octobre 2014 une troisième provision de 100.000€, ce qui portait le montant total des provisions à 150.000€. Deux expertises judiciaires ont eu lieu, la première en juin 2014 et la deuxième en juin 2015. Lors de ces deux audits, la victime était assistée de son médecin conseil de victimes et de son avocat, la partie adverse, le Fonds de Garantie (FGTI) était présent et également assisté de son médecin conseil.
L’expert judiciaire, lors du premier audit en juin 2014, décidait de désigner deux sapiteurs [experts NDLR] pour compléter l’évaluation du dommage corporel de la victime, un sapiteur ophtalmologiste et un sapiteur neuropsychologue. Ainsi la victime, toujours assistée, complétait son évaluation et fut examinée et évaluée également par les deux sapiteurs ophtalmologue et neuropsychologue qui déposaient leurs rapports en décembre 2014 et janvier 2015. C’est ainsi qu’une dernière réunion de synthèse fut organisée par l’expert judiciaire en juin 2015 pour discuter de l’évaluation définitive du dommage corporel de la victime. Un dossier médical très complet fut communiqué par l’avocat spécialisé à l’expert judiciaire et aux sapiteurs ainsi qu’à la partie adverse, le FGTI, afin que son client soit bien évalué, que tout son parcours médical et lésions soient exposés et détaillés.
Après d’importantes discussions et un dire en octobre 2015 adressé à l’expert judiciaire par l’avocat de la victime, ce dernier déposait son rapport de consolidation fin novembre 2015 et retenait notamment, un taux de Déficit Fonctionnel Permanent (DFP) à 66%, des besoins en aide humaine de type occupationnel de quatre heures par jour et retenait au titre du préjudice professionnel, la possibilité d’une activité exécutive très simple en milieu protégé; la victime exerçait avant l’accident des petits boulots. Il est important de rappeler à ce stade du récit que l’expertise médicale, amiable ou judiciaire, est capitale pour la victime. Si celle-ci n’est pas bien faite, si l’évaluation est faible par rapport à la réalité des lésions, la victime sera lésée indiscutablement, car son avocat ne pourra proposer et soutenir une évaluation qu’au regard des chiffres retenus par l’expert judiciaire. Bien entendu, on peut toujours discuter une expertise médicale, mais les juges ont tendance à suivre l’avis des experts judicaires et les contre-expertises sont rarement obtenues et rarement suivies d’effet.
Alors mieux vaut ne pas se perdre dans des contestations peu productives et faire son travail, en préparant bien son dossier médical et en assistant son client lors de l’expertise médicale par un médecin conseil de victimes compétent et être présent à l’expertise. En effet, la présence de l’avocat lors de l’expertise médicale est essentielle, c’est lui qui connait parfaitement tout le dossier, qui connait la vie de son client, qui rassemble toutes les pièces et en assure leur communication, qui discute du dossier avec le médecin conseil de la victime, qui discute du dossier avec son client avant l’expertise. Il est l’interface entre la victime, le médecin conseil de victime et l’expert judicaire. Durant les opérations d’expertise, l’avocat doit être actif, il doit connaitre parfaitement son dossier pour intervenir immédiatement et pour discuter de son évaluation en fonction de la jurisprudence notamment, et des préjudices de son client. Assister une victime lors d’une expertise médicale ne consiste donc pas à prendre des notes.
L’avocat connait surtout la vie de son client et il doit l’aider à relater celle-ci lors de l’expertise médicale. La préparation de l’expertise est une phase essentielle car il est nécessaire que tout soit dit et révélé en un temps très court. L’expertise médicale dure en moyenne deux heures. L’avocat de la victime, une fois le rapport médical de consolidation déposé, saisissait au plus vite la Commission d’Indemnisation des Victimes d’Infractions de Pontoise d’une requête en ouverture de rapport, sollicitant la liquidation du dommage corporel de son client et ce définitivement. La requête était complète, détaillée et étayée de nombreuses pièces.
Le Fonds de Garantie des victimes présentait en mai 2016 une offre transactionnelle satisfaisante, très proche de la réclamation de la victime qui fut par elle acceptée, aux termes de laquelle le montant total de l’indemnisation fut arrêté à 1.920.000€, comprenant d’une part une somme en capital de 1.460.000€ et d’autre part, une rente viagère de 3.200 € par trimestre, représentant une somme capitalisée de 460.000€ environ. La CIVI de Pontoise homologuait cet accord en octobre 2016 et le FGTI réglait la totalité du dommage en novembre 2016.
Ce dossier est donc définitivement terminé et la victime peut enfin se projeter totalement dans l’avenir et réaliser ses projets plus aisément, puisqu’elle a pu obtenir la reconnaissance de ses droits et une indemnisation très conséquente. L’avocat spécialisé lui souhaite bonne chance dans la réalisation de ses projets et le remercie de la confiance qu’il lui a témoignée tout au long de cette procédure pénale et indemnitaire.
Catherine Meimon Nisenbaum, avocate au Barreau de Paris, décembre 2016.