Maltraitance institutionnelle : ces deux mots étaient clairement inscrit dans le rapport d’inspection de l’établissement pour jeunes et adultes polyhandicapés « Les enfants de Moussaron », à Condom dans le Gers. Géré par une société privée, l’un des sept ou huit en France sous ce statut, il avait fait l’objet à plusieurs reprises de signalements ces vingt dernières années par des personnels et des parents, les pensionnaires n’ayant pas la capacité de raconter la manière dont ils étaient traités. C’est l’une des raisons qui a conduit le Procureur de la République, Pierre Aurignanc, a classer sans suite les plaintes pour maltraitance (sauf celle avec constitution de partie civile) : « A aucun moment, on a eu à constater des violences sur les résidents : il n’y a pas de trace de coups ou autres », a-t-il déclaré lors d’un entretien publié dans La Dépêche le 16 avril dernier. Pas davantage de preuves de harcèlement moral à l’encontre de personnels ni de propos diffamatoires de la part de la direction. Le couple de gérants ne s’est donc pas enrichi et ne possède pas la Ferrari que des millions de téléspectateurs ont vue dans le reportage Zone Interdite diffusée par M6 en janvier 2014. La « maltraitance institutionnelle » est écartée puisque l’Agence régionale de santé n’a pas expressément saisi le Procureur, affirme-t-il : « J’ai quand même le sentiment que la justice a été instrumentalisée dans cette affaire. Le couple Doazan [propriétaires et gérants NDLR] a beaucoup souffert de ces accusations et aujourd’hui, toutes les charges sont abandonnées. »
Ce lessivage en règle de faits odieux qui ont scandalisé les familles et les professionnels qui les ont subis et constatés donne le sentiment d’une justice rendue par un notable pour des notables. Les propriétaires et gérants de l’établissement sortent blanchis et pourront, comme ils l’ont fait à chaque dénonciation, poursuivre leurs accusateurs. Pour le Procureur de la République, il ne s’est rien passé de répréhensible à Moussaron, le rapport de l’ARS compte pour du beurre, de même que les images et témoignages. Finalement, les « vraies » victimes sont un couple de médecins qui géraient leur établissement « à l’ancienne’ relève le Procureur, où on mélange la SCI qui est propriétaire des murs à la SAS, la société qui exploite », il ne va pas faire de misères à l’un des principaux employeurs de Condom. Dans le Gers, les établissements médico-sociaux pour personnes handicapées constituent le second bassin d’emploi après l’agriculture, il est prudent de ne pas trop le secouer. Leurs gestionnaires savent désormais pouvoir compter sur la diligence du Procureur de la République pour laver plus blanc…
Laurent Lejard, mai 2015.