Question : Votre engagement politique date de 2020 ou vous aviez un précédent mandat ?
Didier Cadro : Je suis maire de la commune de La Turballe depuis juin 2020, et élu conseiller départemental un an plus tard sur le canton de Guérande. Quand j’étais jeune, j’ai fait une formation de menuisier avec un brevet de maîtrise en menuiserie. Je me suis installé à mon compte; j’avais 20 ans, et donc pendant plus de 30 ans avec mon entreprise j’avais 19 salariés. Et puis j’ai fait un accident vasculaire cérébral, qui m’a laissé un problème à la jambe gauche. J’ai réfléchi et je me suis dit « j’arrête l’entreprise et je vends à mon commercial. » Des personnes sont venues chez moi, je n’avais jamais été élu avant, elles m’ont dit : « Est-ce que tu d’accord pour qu’on se présente dans un premier temps aux élections municipales ? » Donc on a fait un coup, on s’est présentés et on a tous été élus pour la première fois ! Tous peut-être pas : on a avec nous une ancienne élue qui a fait plusieurs mandats.
Question : Quel était alors votre programme pour La Turballe, cité d’environ 4.500 habitants ?
Didier Cadro : On a 4.732 habitants. Dans l’équipe municipale, on vient de tous horizons politiques mais chacun a ses valeurs politiquement. On est une petite commune, donc nos valeurs essentielles et notre équipe de la majorité, c’est tout ce qui est social, et que nos citoyens se sentent bien sur notre commune.
Question : Vous êtes de sensibilité de gauche, plutôt proche des socialistes, des communistes ou des insoumis ?
Didier Cadro : Plutôt socialiste.
Question : Et dans votre équipe, vous avez des citoyens de toutes sensibilités y compris de droite ?
Didier Cadro : Non, on est portés quand même sur la gauche… De tout horizon on va dire, sur la gauche.
Question : La Turballe a été connue comme un pôle d’attraction pour des personnes handicapées avec un centre de rééducation fonctionnelle, le centre héliomarin, mais aussi un hôtel qui était le seul en France à compter uniquement des chambres adaptées. Tout cela a disparu il y a quelques années…
Didier Cadro : Vous avez raison. Le centre hélio marin de Pen-Bron a été créé il y a près de 130 ans par des religieuses, puis repris par l’association des Oeuvres de Pen-Bron. En 2017, l’Agence Régionale de Santé leur a dit qu’elle ne pourrait plus accueillir des personnes à mobilité réduite pour faire de la rééducation dans ce centre, où je suis allé pendant un an et je peux vous assurer que c’était fabuleux. Le paysage, mais aussi le personnel médical, c’était très bien. Le centre s’est installé près de l’hôpital de Saint-Nazaire. Les oeuvres de Pen-Bron ont mis le site en vente et ils vont choisir des aménageurs pour faire revivre les bâtiments. Pour moi, c’est l’un des plus beaux centres à vendre en France actuellement. L’association organise aussi la croisière adaptée Pen-Bron Arzal qui va l’année prochaine fêter ses 40 ans.
Question : Il y avait également, depuis mai 2003, l’hôtel Aptitudes qui devait être le premier d’une chaîne dont toutes les chambres seraient adaptées. Il a fermé [et accueille actuellement des Ukrainiens réfugiés du fait de l’invasion russe NDLR.]
Didier Cadro : Je crois comprendre pourquoi cet hôtel a été fermé en 2020 : en 2017, il n’y avait plus d’activité à part l’hôtel, et effectivement les gens n’allaient plus dans le centre de rééducation, donc au niveau de la clientèle ça a été compliqué. Je recevrai bientôt les Oeuvres de Pen-Bron et trois aménageurs, ils vont nous présenter leur projet, j’attends ça avec impatience, j’espère des projets sur le handicap.
Question : Vous êtes handicapé moteur, cela se voit, vous vous déplacez avec une canne et pourtant vous avez été agressé physiquement pendant et après la campagne électorale. Comment cela est-il possible ?
Didier Cadro : Il faudrait poser la question aux personnes qui agressent les gens… J’ai moi-même du mal à comprendre. Le premier agresseur est interné en psychiatrie, les autres sont des mineurs de 12-13 ans.
Question : Et ces ouvriers qui vous ont insulté parce que vous leur demandiez de porter un masque ?
Didier Cadro : Oui… Après, je rebondis assez vite, peut-être aussi parce que j’ai eu un handicap, et puis je suis allé pendant un peu plus d’un an au centre héliomarin de Pen-Bron. J’ai vu des gens qui avaient beaucoup plus de problèmes moteurs, physiques, que moi. Je suis quelqu’un de positif qui va passer à autre chose assez facilement, j’oublie assez vite. Et puis ces deux affaires n’étaient pas très graves.
Question : La Turballe est sur un territoire de bord de mer très touristique, voisine de Guérande, cela fait qu’une bonne partie de l’immobilier est consacrée aux vacances, aux résidences secondaires. Comment conduire une politique sociale dans une ville comme celle-là alors que les propriétaires vont vouloir surtout valoriser leur foncier ?
Didier Cadro : Effectivement, vous avez raison. On a quand même la chance d’avoir dans la commune depuis 70 ans un village de vacances du VVF. C’est un centre pour 200 personnes qui est orienté vers le social au niveau des prix. Le foncier et le bâti appartiennent à la commune et on va leur vendre le foncier. Je veux qu’il poursuivre son activité parce que c’est vraiment du social. On a aussi une colonie de vacances des Pep44 pour des enfants défavorisés, ouverte toute l’année, on travaille avec eux eux parce que c’est important. C’est vrai qu’à La Turballe on voit de plus en plus de résidences secondaires, c’est comme ça, ça fait de la mixité. Mais nous, les élus de la majorité, on veut que La Turballe reste une station familiale.
Question : Vous disiez que vous avez été sollicité pour l’élection municipale, mais qu’est-ce qui vous a motivé à vous engager ?
Didier Cadro : J’aime les gens ! Les échanges avec la population, c’est très important pour moi et c’est vrai que c’est quelque chose que j’ai en moi. C’est inné, c’est comme ça, je ne l’explique pas. Quand j’avais l’entreprise, j’ai pris des apprentis qui étaient à l’aide sociale à l’enfance et avaient du mal à trouver des maîtres d’apprentissage.
Question : Et vous avez été élu en juin 2021 au Conseil Départemental avec quelle motivation ?
Didier Cadro : Sur la demande de Philippe Grosvalet, à l’époque président du département. Il m’a dit « Didier il faut que tu te présentes. » Donc, avec Christelle Chassé, la maire d’Herbignac, on s’est présentés et c’est très intéressant. Au département je m’occupe de la mobilité douce, tout ce qui est vélo alors que moi je ne peux pas en faire, mais c’est pas grave ! J’utilise une trottinette électrique.
Question : Quelle différence avez-vous constaté dans l’approche politique entre commune et département ?
Didier Cadro : C’est complètement différent. La commune, on est proches de nos habitants, c’est vraiment du terrain. Le département, c’est beaucoup plus grand donc on est moins proches des habitants mais on peut aller sur notre canton rencontrer les associations, les habitants, les maires des autres communes; ça on le fait avec Madame Chassé. Mais ce n’est pas du tout la même approche, et puis le département c’est un peu plus politique. Dans une petite commune comme La Turballe, la politique on en fait un petit peu mais c’est pas une priorité, ce n’est pas la demande des habitants.
Question : Même si le département de Loire-Atlantique est plutôt bienveillant vis-à-vis des personnes handicapées, qu’est-ce qu’il y manque encore ?
Didier Cadro : On peut toujours faire mieux. Le département de Loire-Atlantique fait déjà pas mal de choses mais je pense qu’il peut aller plus loin; il faut aussi que l’État donne un coup de pouce. Dernièrement, il s’est désengagé de la prise en charge financière des personnels qui viennent à l’école le midi pour donner à manger et s’occuper des élèves handicapés. Maintenant, c’est le département qui les prend en charge.
Question : Qu’avez-vous à dire aux citoyens handicapés dans un contexte où il semble que rien ne favorise l’engagement citoyen ?
Didier Cadro : Si vous voulez vous engager en politique ou dans une association, allez-y ! Foncez, vous allez rencontrer des gens, vous n’allez pas rester isolés chez vous, je vous encourage à vous engager politiquement. C’est très intéressant, on apprend plein de choses, tous les jours j’apprends. Et puis échanger avec les gens, ça fait du bien. Et cet engagement permettrait que nos concitoyens qui sont en bonne santé portent un autre regard sur les handicaps.
Propos recueillis par Laurent Lejard, décembre 2022.