Depuis longtemps, notre association 2-AS mène des actions de sensibilisation des personnels en relation avec le public, tant il est vrai que la surdité est d’abord un handicap de communication et que ces personnels n’imaginent pas comment communiquer avec des sourds ou malentendants. La technique est encore impuissante à traduire les signes ou transcrire la parole, l’aide humaine reste indispensable. Lors de l’étude de la loi du 11 février 2005 puis de ses décrets d’application, toutes les associations ont insisté sur l’importance de la formation initiale et continue. Divers textes ont prescrit la formation aux situations de handicap. Nous pensions en avoir fini et, in fine, que les établissements d’enseignement et organismes de formation prendraient enfin le relais des associations qui ne peuvent former qu’un très petit nombre de personnes par an.
Aussi, nous fûmes surpris lorsqu’une promotion d’élèves-infirmières nous sollicita encore pour une formation à la communication avec les patients sourds. Ne l’avaient-elles pas apprise à l’université qui assure désormais cet enseignement ? Vérification faite dans le programme officiel, il est effectivement dispensé un enseignement théorique, nécessaire mais insuffisant et qui n’aborde nullement les techniques de communication avec les sourds. Les programmes « Unités d’enseignement 2.3.S2 (Santé, maladie, handicap, accidents de la vie) et 4.2.S2 (Soins relationnels) » devraient inclure la communication avec les personnes sourdes ou malentendantes. Les infirmières sont d’excellentes techniciennes mais ne savent toujours pas communiquer avec les patients sourds. Ce qui provoque d’innombrables difficultés, à commencer par l’appel en salle d’attente. Ainsi par exemple, avons-nous vu une aide-soignante hurler, invisible, depuis le couloir : « C’est au tour de la personne qui est sourde ! »
Dans le domaine de la santé, nous avons participé à des formations dans différents instituts de soins infirmiers (Pitié-Salpêtrière, Poissy Saint-Germain, Rambouillet) pour des durées d’une journée pour les futures infirmières, et une demi-journée pour les aides-soignantes. C’est court et pourtant cela suffit. Il se trouve que j’ai été moi-même hospitalisé dans un établissement où j’ai retrouvé des aides-soignantes qui avait suivi notre formation! Elles n’avaient rien oublié et la communication en fut grandement facilitée. Nul besoin d’en faire trop. Sauf exception, le personnel est dévoué et motivé; il a juste besoin de quelques outils pour démarrer la communication et établir le dialogue. Il n’est pas question, en effet, d’apprendre la langue des signes ou la lecture labiale, mais de dépasser le handicap incident (notre surdité rend nos interlocuteurs muets) et de donner des solutions élémentaires de communication qui ensuite peuvent se développer dans le dialogue avec le patient.
Il existe certes des unités de soins en Langue des Signes Française, mais pas plus d’une par région et elles sont souvent trop éloignées du domicile, raréfiant les visites familiales. Elles sont aussi inadaptées aux malentendants (95 % de la population dite sourde) qui ne connaissent rien à la langue des signes. Il est préférable d’être hospitalisé près de son domicile et d’y trouver un personnel formé. Pourquoi ne pas créer des interfaces spécialisées mobiles (régionales ou départementales selon l’importance de la demande) qui assureraient une première communication et aideraient le personnel ? Ces services peuvent se délivrer à distance via les vidéoconférences (Skype et autres).
Il est également important de bien concevoir des formations complètes pour tous les modes de communication. En effet les associations sont clivées par mode (LSF ou lecture labiale) et chacune plaide pour sa chapelle et sa langue. Le personnel doit être bien averti de toutes les possibilités. Quand on pense à la surdité, la langue des signes vient d’abord à l’esprit. Mais en pratique, les personnels rencontreront presque uniquement des patients âgés devenus sourds ou malentendants qui lisent sur les lèvres et, surtout, maîtrisent l’écrit. Nous attendons donc que le ministère de la Santé prenne conscience des difficultés de communication des sourds ou malentendants dans les établissements de santé et ajuste les programmes de formation en conséquence.
Marc Renard, président de l’Association 2AS, juin 2015.