La marche de quatre jours de Nimègue, réputée la plus dure au monde avec 167 kilomètres, c’est ce que veut accomplir le sergent Vincent Dorival. Pour cet événement qui se déroulera du 21 au 24 juillet prochains, il se prépare depuis des mois, en parcourant sur son fauteuil roulant une trentaine de kilomètres lors de plusieurs séances hebdomadaires d’entrainement dans le bois de Vincennes, à Paris. Il effectuera le parcours militaire, en tenue mais sans le paquetage de dix kilos imposé à ses camarades debout : ils seront cinq de la brigade avec lui, plus deux camarades de l’armée de l’air et deux gendarmes, encadrés par un kiné. « Au début, raconte Vincent Dorival, c’était un objectif personnel. Mais je me suis dit qu’il faudrait lui donner un sens, parce que je serai le premier blessé militaire à participer. Je suis quelqu’un qui aime la cohésion, je ne me serais pas vu la faire seul. » Ce sera également l’occasion pour lui de rendre plus visible les institutions qui oeuvrent pour les blessés militaire tels le Centre de Transfusion Sanguine des armées, l’Institution National des Invalides et son Cercle Sportif et la Cellule d’Aide aux Blessés de l’Armée de terre (CABAT). Des civils ont déjà participé en fauteuil roulant à la marche de Nimégue, mais en tenue sportive. « La dureté vient de la tenue militaire qui entraîne l’usure de la peau des pieds, des cuisses et des aisselles » précise le sergent.
Le parcours, qui doit être effectué avec un fauteuil roulant de vie quotidienne, ne présente pas de difficulté majeure sauf un faux-plat de 14 kilomètres le dernier jour, un véritable « casse-bras » pour Vincent Dorival qui doit ménager ses membres supérieurs à cause d’un plexus brachial qui handicape l’un d’eux.
Bien qu’il soit devenu handicapé moteur, Vincent Dorival n’a pas quitté la très renommée brigade des Sapeurs-Pompiers de Paris (BSPP) après l’accident de moto qui a failli lui coûter la vie en 2001, à Villeneuve-Saint-Georges en région parisienne. Pompier depuis trois ans, il allait prendre son service et ne se trouvait qu’à 500 mètres de la caserne quand sa voiture a dérapé sur une flaque de gasoil. Très vite, l’un de ses camarades lui a porté secours, son massage cardiaque a sauvé la vie de Vincent dont la moelle épinière avait été compressée, entre autres conséquences vitales. Deux ans d’hôpital et huit de rééducation ont été nécessaires pour qu’il retrouve la meilleure autonomie possible, après de multiples opérations. Aujourd’hui, le Sergent Dorival a repris du service en tant que réserviste citoyen, il participe à titre bénévole au rayonnement du BSPP dont il porte la tenue. Chargé de mission auprès du Bureau Opération Préparation Opérationnelle, il travaille sur l’amélioration de l’accès aux soins d’urgence pour les personnes handicapées. « Le secours à victimes n’est pas adapté aux handicaps, constate-t-il. En France, on n’a pas la culture du risque et peu de personnes handicapées se signalent en cas d’urgence. » Alors il forme des pompiers aux besoins et soins spécifiques des personnes handicapées, notamment celles qui sont paralysées. Par exemple, comment sortir une personne en fauteuil roulant d’une plaque de verglas ou d’un ascenseur en panne, intervenir sur une panne de fauteuil motorisé. Théoriquement, les pompiers n’ont pas à intervenir dans ces situations, sauf qu’une panne de fauteuil peut mettre la personne en danger.
Pour cette action au long cours comme pour son défi sportif, le sergent Vincent Dorival est soutenu par les pompiers de la brigade. Ils l’aident à réunir les 14.000€ de budget nécessaire pour la préparation sportive et le séjour à Nimègue, et vont participer pendant le week-end des 21 et 22 mars prochains à une marche d’entrainement. Vincent Dorival doit gérer des capacités physiques et d’endurance réduites afin d’en exploiter la totalité des potentialités sans s’épuiser ni se blesser. Alors, toutes les six semaines, il effectue un test d’évaluation à l’Ecole Interarmées des Sports pour apprendre à gérer l’effort. Son frère jumeau, lui-même pompier, le fait travailler en postural sur des situations de déséquilibre à compenser avec ses moyens physiques et mentaux, pour aller chercher les muscles profonds, ceux qui prendront le relais lorsque l’effort deviendra insoutenable. C’est cela, le défi à Nimègue lancé par le sergent Vincent Dorival : triompher avec ses camarades, dans la solidarité de l’effort, de la marche la plus dure au monde : « Sauver ou périr », toujours.
Laurent Lejard, février 2015.