Sur les avantages des employeurs d’opter pour des salaries handicapés
L’emploi de travailleurs handicapés est une obligation légale depuis la loi du 10 juillet 1987. Ce texte a fixé un taux d’emploi de 6% de salariés en situation de handicap pour les entreprises qui ont un effectif supérieur à 20 salariés. L’objectif est évidemment de favoriser l’emploi des travailleurs handicapés. Cependant, concrètement, de quoi l’entreprise bénéficie-t-elle exactement ?
La loi a créé différentes solutions pour que chaque structure puisse y trouver une valeur ajoutée, dont l’emploi direct de bénéficiaires de l’obligation d’emploi : les travailleurs reconnus handicapés. Pour y contribuer, des aides sont financées pour les entreprises par un organisme, l’Agefiph. De même, le fait d’embaucher une personne handicapée permet à l’employeur de diminuer sa contribution auprès de l’URSSAF (Union de Recouvrement pour la Sécurité Sociale et les Allocations Familiales) pour le secteur privé ou du FIPHFP (Fond pour l’Insertion des Personnes Handicapées dans la Fonction Publique) pour le secteur public. C’est donc dire que nombre d’employeurs sont tentés d’embaucher des employés présentant un handicap.
Sur la détermination du statut de personne handicapée
Constitue un handicap, toute limitation d’activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d’une altération substantielle, durable ou définitive d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales ou cognitives.
Vous l’aurez compris, avoir une vulnérabilité physique ou mentale ne garantit pas toujours une reconnaissance de handicap. Pour obtenir cette reconnaissance, il faut correspondre à une liste de critères spécifiques établis par la Commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH) de la Maison Départementale des Personnes Handicapées (MDPH) de votre secteur de résidence.
Une reconnaissance de handicap permet bien sûr d’améliorer les conditions de vie d’une personne. En effet, vous pouvez l’obtenir en faisant une demande d’Allocation aux Adultes Handicapés par exemple. Si elle est acceptée, la MDPH témoigne du fait que votre handicap est reconnu et vous avez le droit de percevoir une ressource financière comme compensation.
Vous pouvez également l’obtenir en faisant une demande de Reconnaissance de la Qualité de Travailleur Handicapé (RQTH). Ce statut permet, entre autres, d’avoir un espace de travail adapté mais également d’obtenir une aide à la formation et/ou un allègement du temps de travail dans certains cas.
La MDPH reconnaît le handicap sur la base d’un barème spécifique aux capacités de la personne :
- Un taux de 50 % signifie par exemple que la personne a des troubles entraînant une gêne notable dans la vie sociale de la personne. Cependant l’autonomie n’est pas impactée pour les actes élémentaires de la vie quotidienne ;
- Un taux de plus de 80 % signifie que la personne a des troubles graves impactant la vie quotidienne avec une atteinte de son autonomie individuelle.
D’autre part, il faut pouvoir répondre de l’une de ces situations : être invalide, avoir un problème de santé ou une déficience, avoir une maladie professionnelle ou souffrir d’un problème de santé ou une déficience, avoir une maladie professionnelle ou être victime d’un accident du travail.
L’apport de l’arrêt de la cour d’appel de Marseille du 5 avril 2022
A quel moment, le handicap du salarié doit-il être apprécié par l’employeur ?
Sur les faits :
- Par contrat à durée déterminée du 16 juillet 2018, Mme C.A. a été recrutée pour assurer le poste d’adjoint d’animation dans un centre de loisirs municipal d’une commune des Bouches-du-Rhône du 27 août 2018 au 25 août 2019. Mme A avait indiqué assez rapidement à son employeur qu’elle souffrait d’un double problème cognitif : elle était en effet dyslexique et souffrait aussi de dyscalculie (difficultés à lire l’heure ou des grands chiffres) ;
- Madame A avait d’ailleurs déjà, par le passé, exercé les mêmes fonctions dans d’autres centres d’animation. Jamais la sécurité des enfants n’en avait pourtant été remise en cause et ce, dans le cadre de son licenciement par le maire de la commune bucco-rhodanienne comme de son départ de son précédent poste.
Sur la procédure :
- Un arrêté du maire du 22 janvier 2019 allait pourtant ordonner son licenciement « pour faute professionnelle », se fondant sur son manque de rigueur dans l’exercice de ses fonctions mais aussi compte-tenu des erreurs commises lors du comptage des enfants et d’autre part sur son manque de sincérité quant à ses aptitudes et compétences professionnelles.
C’est dans ces conditions qu’elle a saisi le tribunal administratif de Marseille pour solliciter l’annulation de l’arrêté 22 janvier 2019 par lequel le maire l’avait licenciée pour insuffisance professionnelle et débouté de sa demande d’indemnisation préalable. Il se trouve en effet que, pour elle, son licenciement ne constituait pas un cas d’insuffisance professionnelle, notamment par un manque de rigueur, mais procédait d’une discrimination à son égard en raison de son état de santé et de son handicap, prohibée par l’article 6 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires. Par jugement du 1er mars 2021, le tribunal administratif de Marseille allait pourtant rejeter l’intégralité de ses demandes.
Telle n’allait pas être la décision rendue par la Cour Administrative d’Appel de Marseille. Elle va en effet déclarer que si, contrairement à ce qu’affirme Mme A, aucune pièce de son dossier ne permet de montrer que la commune aurait été informée de son handicap dès le début de son engagement, il résulte néanmoins d’un courriel daté du 13 décembre 2018, adressé par la directrice du service jeunesse, que la requérante a été amenée à faire part de ses troubles au cours de la réunion des animateurs de fin de premier trimestre. C’est donc au plus tôt le 13 décembre 2018 que l’employeur de Mme A a eu connaissance de ses troubles et de leurs conséquences sur l’exercice de ses missions.
Qui plus est, la Cour précise que doit être regardé comme empreint de discrimination, et ce à titre illégal, le licenciement d’un agent public prononcé en raison de faits directement en rapport avec son état de santé, son handicap, sans qu’aient été prises les mesures de nature à permettre l’adaptation du poste de cet agent à son état de santé ou à son handicap, compatible avec les nécessités du fonctionnement du service.
Dans l’hypothèse où de telles mesures ne peuvent être mises en oeuvre, il revient alors à l’administration d’engager la procédure de licenciement de l’agent pour « inaptitude physique. » Mme A. s’est vue reconnaître le statut de travailleuse handicapée par décision de la MDPH des Bouches-du-Rhône du 4 juillet 2019, comme le relève la Cour d’appel qui a condamné le 5 avril 2022 la commune employeuse à indemniser Mme A à hauteur de 5.974€. Cette décision n’a pas été frappée d’un pourvoi en Conseil d’État, elle est donc définitive.
Laurence Martinet-Longeanie, avocate au barreau de Paris et juge médiateur auprès de la Cour Internationale de Médiation et d’Arbitrage (Cimeda), janvier 2023.