L’époque est à l’assainissement de l’air ambiant par l’emploi de véhicules sans combustible fossile, et les professionnels sont censés s’y mettre comme les particuliers. Sauf qu’actuellement l’offre en véhicules utilitaires à motorisation électrique est très faible, voire inexistante pour le transport particulier de personnes : aucun ne peut assurer à un taxi une journée de travail sans recharger les batteries. Pas même le Citroën e-Jumpy que la compagnie Hype, société de taxis 100% électriques à carburant hydrogène, a fait équiper pour le transport d’un client en fauteuil roulant et cinq autres passagers plus le chauffeur. Avec une entorse à sa politique puisque ce véhicule fonctionne sur batteries rechargeables, non pas sur pile à combustible.
Le e-Jumpy Hype est probablement le seul taxi électrique en exploitation qui soit adapté au transport d’une personne sur fauteuil roulant. Il offre une autonomie de 150 à 200 kilomètres selon les conditions de circulation ou climatiques. La transformation Transport de Personne à Mobilité Réduite (TPMR) a été effectuée par le carrossier aménageur Gruau : décaissement avec pente continue rampe dépliée de 21% ; celle-ci est manuelle, pliée contre le hayon arrière. La hauteur d’entrée est de 1,44m, et de 1,39m à l’intérieur : insuffisante pour les passagers mesurant plus de 1,75m, la tête pouvant alors toucher le plafond du véhicule. De plus, ce voyageur est installé en pente, ce qui peut s’avérer inconfortable lorsque le dossier du fauteuil roulant n’est pas réglable. Deux sangles de fixation à enrouleur encastrées dans le plancher avec cliquet anti-retour aident à l’entrée du fauteuil et simplifient sa fixation ; à l’arrière, deux attaches Q’straint l’immobilisent, une ceinture de sécurité protège le passager qui dispose d’une bonne visibilité latérale pour profiter du parcours. Les deux strapontins arrière repliés sur les côtés ne gênent pas. Enfin, un marchepied escamotable améliore l’accès à la banquette centrale pour les personnes à mobilité réduite. En circulation, le e-Jumpy, bien amorti, s’avère agréable. L’ensemble pour un coût approchant 80.000€.
Une solution peu satisfaisante
Outre les réserves évoquées ci-avant, l’avenir de ce premier taxi électrique TPMR semble incertain. « Le e-Jumpy ne répond pas complètement aux besoins de tous les artisans, constate le président et fondateur de Hype, Mathieu Gardies. Et le coût du véhicule est encore trop élevé. » L’autonomie est en effet insuffisante pour une journée ordinaire de travail : il sera difficile pour un artisan de rentabiliser l’achat. L’expérimentation du e-Jumpy, confiée à un conducteur salarié, n’est pas totalement concluante même si, en tant que société, Hype « pourra supporter ce coût et louer un package aux artisans incluant le véhicule pour les aider à passer au zéro-émission, y compris avec aménagement TPMR », ajoute Mathieu Gardies, qui veut néanmoins s’en tenir aux véhicules à hydrogène : « On travaille en amont avec les constructeurs pour accélérer, en remontant la chaîne de production, l’industrialisation de véhicules TPMR hydrogène neufs. On mise également sur le rétrofit de véhicules d’occasion à moteur thermique adaptés ou adaptables. »
Ce procédé de remplacement par un moteur électrique n’est autorisé que depuis avril 2020, et son coût élevé subventionnable pour l’usage professionnel mais seulement pour les personnes physiques. Hype voudrait que ce subventionnement soit étendu aux professionnels exploitant un taxi TPMR rétrofité alimenté par hydrogène, et affiche une volonté forte : « Il faut qu’il y ait de l’ordre de 1.000 taxis TPMR pour la région parisienne, on va faire notre possible pour y contribuer dans la perspective des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024 [lire cette enquête]. L’enjeu, ce sont des volumes de production rapide de véhicules adaptés. On attend les premiers dans le courant de l’année, on se sert de l’échéance des Jeux pour faire bouger les choses auprès des constructeurs et des politiques. » Le taxi adapté sera-t-il soluble dans l’hydrogène ?
Laurent Lejard, février 2023.