Il y avait foule, le 24 septembre dernier, au Centre d’Initiation au Travail et aux Loisirs (CITL) Jean-Claude Richard de Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine) pour l’exposition « Art Ephémère Paix Durable » : parents, amis, voisins, venus apprécier les travaux des usagers de cet accueil de jour pour personnes handicapées mentales qui expriment ce que la Paix signifie pour eux. Un travail de recherche artistique mené en partenariat avec les organisations Adispaz de Saragosse (Espagne) et Abhilasha de Bombay (Inde) sur le thème de la Paix. « Les Espagnols travaillent sur le tableau Guernica, de Pablo Picasso, les visages de la guerre, la souffrance, explique la directrice-adjointe du CITL, Julia Muñoz Rosado. Les échanges se font avec Skype, et avec difficulté, les partenaires indiens n’ayant pas actuellement d’ordinateurs. »
C’est le CITL qui anime le réseau; Sylvain Stum en est l’un des médiateurs : « Avec les usagers, on fait des recherches sur la paix, le droit, la condition humaine dans le monde. On a également travaillé avec la Croix-Rouge sur le droit international humanitaire. L’un de leurs formateurs va intervenir au moyen d’un jeu pour que nos usagers expriment jusqu’à quel niveau les droits humains doivent être respectés. Précédemment, un ancien militaire avait évoqué la guerre et la protection des populations. » Un atelier slam les a fait travailler sur la mémoire, pour écrire des textes dont un, « Vive la Paix », la célèbre. « Non à la guerre, pas de violence, que tout le monde s’entende ! clame Issa, l’un des participants. Un ancien militaire blessé nous a parlé des casques bleus, de la guerre. Il était commando en Côte d’Ivoire, c’était trop violent. Il a reçu une balle, il a vu des copains blessés et mourir. Il s’est reconverti en aide médico-psychologique. » Anne-Marie ajoute : « Interdit de taper, respect envers les autres, pas se moquer ou provoquer les autres, respecter les différences, les handicaps, ne pas être raciste ! » May-Line a également travaillé sur le slam, les poèmes, elle a appris des rimes : « La paix dans le monde, c’est dire pardon à tout le monde de la guerre »…
Plasticien syrien, animateur ici d’un atelier artistique, Walaa Dakak, apprécie particulièrement de travailler sur la paix avec des personnes handicapées mentales, lui dont le pays vit une guerre civile atroce depuis plus de trois ans: « J’ai travaillé avec les usagers sur des créations un peu difficiles. Du dessin d’abord, ils ont choisi la nature, les fleurs, la terre. Puis on a réalisé des mosaïques, en individuel et en collectif, sur le projet de la paix. Le travail est parti de la fleur, de l’amour, puis ce qu’est la paix, pour soi et pour les autres. La croix de la paix a été faite à six, en confrontant les points de vue, en partageant. » De ce travail, il tire cet enseignement : « Il faudrait un cours dans toutes les écoles! A mon avis la paix ne vient pas après la guerre; elle vient quand on comprend les autres. La paix, c’est un acte. »
Cet acte, on le retrouve sur le premier Mur de la paix créé l’année dernière dans le grand salon par l’ancien militaire, et qui avait une portée essentiellement interne. Depuis, le second Mur de la paix créé par les usagers a pris une dimension mondiale. Un « repas de la paix » a également été organisé, avec des gâteaux en forme d’étoile, de coeur. Des réalisations qui touchent Julia Muñoz Rosado: « Je suis hyper contente du travail réalisé. Le fil rouge de la paix s’est exprimé dans les ateliers. Les usagers s’imprègnent, sont plus sensibilisés. Avant, parler de guerre leur faisait peur. » Et elle est heureuse de constater l’évolution de ce que le mot Paix signifie parmi les personnes handicapées que reçoit son établissement, ainsi que l’exprime Gérard: « Pas de guerre, pas de révolution. On en a assez de la guerre, 14-18, on n’en veut plus. De l’amour, l’amour, que tout le monde s’entende! »
Laurent Lejard, octobre 2014.