Dans un premier temps, ce n’était qu’à « l’approche de la compétition » que les amateurs handicapés de rugby devaient connaître les conditions de leur accueil dans les stades des 9 villes qui recevront les 48 matchs de cette compétition, du 8 septembre au 28 octobre prochain. Mais sous la pression, le comité d’organisation France 2023 a finalement lâché les informations à l’avant-veille de la publication de cet article…
Des billets gratuits mais limités
« Afin de rendre le spectacle sportif accessible à tous, France 2023 a fait le choix de réserver 1% de sa billetterie aux PSH/PMR, avec une gratuité pour ces derniers (sic) et une revalorisation au prix le plus bas pour leurs accompagnants », communique le comité d’organisation. 5.000 personnes préalablement inscrites ont été informées directement de la réouverture mi-mars de cette billetterie de 40.000 places, sans publicité ni information sur le site web de la coupe du mondial. A l’exception du match d’ouverture et de la finale, des billets étaient alors proposés en fonction des différents handicaps : fauteuil roulant (PFR), déficience auditive, visuelle, mentale, et personne à mobilité réduite, cette dernière catégorie n’étant pas définie. En l’absence d’informations, on peut voir dans les places « déficience auditive, visuelle, mentale » un simple quota de places gratuites : tous ces billets coûtent 0€ pour les spectateurs handicapés, de 28€ à 45€ pour un accompagnateur. Mais seulement pour trois des 48 matchs de la compétition. Cela veut dire que les amateurs de rugby se déplaçant en fauteuil roulant sont de facto interdits d’accès à plus de matchs puisqu’ils doivent obligatoirement s’installer sur les emplacements qui leur sont réservés, alors qu’ils ne peuvent acheter de places PFR en plus de leur quota de trois billets gratuits. Il est permis d’y voir une discrimination du fait du handicap : les clients valides peuvent acheter six billets, mais pour ceux qui sont handicapés ce plafond est divisé par deux, l’autre moitié étant constitué de trois billets « accompagnateur. »
D’ailleurs, tester cette billetterie s’avère édifiant : lors de la création du compte, il faut obligatoirement envoyer le scan de sa carte d’invalidité ; les étrangers handicapés, qui n’en disposent pas, doivent fournir un certificat médical ou justificatif d’allocations. « Nos équipes vérifierons (sic) vos justificatifs d’invalidité avant de confirmer votre commande », précise la procédure. Sauf que ce n’est pas le cas pour notre test : la carte d’invalidité et la commande de trois billets PFR sans accompagnateur ont été validées comme on le constate sur le compte client, sans la confirmation courriel prévue : « Si votre demande est complète (étape 2 validée par nos équipes), vous recevrez un mail de validation de votre justificatif. Le paiement de votre commande sera alors effectué automatiquement et vous recevrez un mail de confirmation de commande. » Là encore, ce n’est pas le cas, et les billets ne seront téléchargeables qu’« à partir de l’été 2023. » C’est donc sans connaître l’emplacement dans le stade que les spectateurs handicapés commandent leurs places, aucun plan ni information n’étant disponibles.
Accueil et services variables
France 2023 n’a pas (encore) publié d’infos pratiques mais nous les a communiquées. Les spectateurs handicapés auront accès aux parkings des stades qui comportent des places réservées gratuites, limitées à des véhicules ne dépassant 5m de long, qu’ils pourront réserver à partir de fin avril ; ils devraient en être prochainement informés directement. En revanche, les spectateurs sourds ne seront pas reçus en langue des signes, ni les malentendants avec un système de boucle magnétique accommodant les porteurs de prothèses. « France 2023 a l’ambition d’audiodécrire tous les matchs » pour les spectateurs déficients visuels, leurs billets les plaçant dans les zones de diffusion de cette audiodescription gratuite. Toutefois, cette audiodescription ne sera pas reprise par les chaînes télés TF1 et M6 qui vont diffuser ces matchs : « Un sous-titrage est bien prévu pour les personnes sourdes et malentendantes mais il n’y aura pas d’audiodescription », répond TF1. Par quelles portes des stades les spectateurs entreront-ils ? « Les PSH/PMR seront accueillis à l’extérieur du stade par des volontaires devant leurs portes d’entrée, explique France 2023. Une fois la porte passée – en priorité – ils seront accompagnés jusqu’à leur place par une société d’accueil. » L’information sur ces portes d’accès « réservées » devrait être réalisée « avant le tournoi pour aider les PMR/PSH à préparer leur venue. » L’ensemble du programme d’accueil et d’accompagnement devrait être communiqué en juin prochain.
Côté hébergement, les visiteurs sont tributaires de l’offre recensée et des plateformes de location. Par exemple, si à Bordeaux la marque Destination pour Tous a été renouvelée à la ville, elle ne compte aucun hébergement labellisé Tourisme et Handicap moteur comme l’indique le Guide Handicap 2022, et seulement trois qui le soient pour le mental ou auditif (2 et 4 étoiles), et un seul pour le visuel (4 étoiles). 9 hôtels sont cités comme « adaptés » aux clients handicapés moteurs, dont une partie aux autres handicaps. De son côté, la plateforme Booking, qui comporte des critères détaillés d’accessibilité, renvoie pour la nuit du 1er match (le 9 septembre 2023) 8 hébergements accessibles dans Bordeaux (entre 273€ et 1.554€) et une vingtaine dans un rayon de 10 kilomètres. A Lyon, l’Office de Tourisme ne répertorie que 37 hébergements accessibles, dont la moitié en 4 et 3 étoiles, alors que Booking en renvoie 10 dans la même ville (entre 412€ et 629€ hormis les dortoirs), et 24 dans la dizaine de kilomètres, pour la nuit du 24 septembre. On remarquera l’explosion des prix multipliés par trois, les exploitants surfant sur l’affluence…
Une note positive pour conclure : la coupe du monde de rugby fauteuil roulant sera organisée pendant le mondial de rugby à 15, du 16 au 22 octobre 2023 à la Halle Carpentier ( Paris 13e) pour les matchs de poule, puis l’Arena de Bercy pour les finales. Son organisation est confiée à France 2023, ce qui explique probablement l’absence totale de visibilité de cette compétition…
Laurent Lejard, avril 2023.