Sur le principe de la prise en charge :
L’article L344-5 du code de l’action sociale et des familles prévoit que « Les frais d’hébergement et d’entretien des personnes handicapées accueillies, quel que soit leur âge, dans les établissements mentionnés au b du 5° et au 7° du I de l’article L. 312-1, à l’exception de celles accueillies dans les établissements relevant de l’article L. 344-1, sont à la charge :
1° A titre principal, de l’intéressé lui-même sans toutefois que la contribution qui lui est réclamée puisse faire descendre ses ressources au-dessous d’un minimum fixé par décret et par référence à l’allocation aux handicapés adultes, différent selon qu’il travaille ou non. Ce minimum ne tient pas compte des primes liées aux performances versées par l’État aux sportifs de l’équipe de France médaillés aux jeux paralympiques. Ce minimum est majoré, le cas échéant, du montant des rentes viagères mentionnées à l’article 199 septies du code général des impôts ainsi que des intérêts capitalisés produits par les fonds placés sur les contrats visés au 2° du I de l’article 199 septies du même code ainsi que du montant de la prime mentionnée à l’article L. 841-1 du code de la sécurité sociale ;
2° Et, pour le surplus éventuel, de l’aide sociale sans qu’il soit tenu compte de la participation pouvant être demandée aux personnes tenues à l’obligation alimentaire à l’égard de l’intéressé, et sans qu’il y ait lieu à l’application des dispositions relatives au recours en récupération des prestations d’aide sociale lorsque les héritiers du bénéficiaire décédé sont son conjoint, ses enfants, ses parents ou la personne qui a assumé, de façon effective et constante, la charge du handicapé ni sur le légataire, ni sur le donataire ou le bénéficiaire d’un contrat d’assurance-vie.
Les sommes versées, au titre de l’aide sociale dans ce cadre, ne font pas l’objet d’un recouvrement à l’encontre du bénéficiaire lorsque celui-ci est revenu à meilleure fortune. »
- C’est donc dire que l’aide sociale pallie la carence financière de la personne handicapée qui doit assumer à titre principal les frais d’hébergement.
- Aucun recours en remboursement n’est envisageable au décès de l’hébergé sur des personnes appelées par exemple à sa succession, ou bénéficiaires d’un contrat d’assurance-vie, qui sont respectivement son conjoint, ses enfants ou ses parents ou encore une personne qui a assumé, de façon effective et constante, la charge de la personne handicapée.
Sur les faits :
Des suites d’un accident de la circulation, Madame X a acquis le statut de personne handicapée. C’est dans ces circonstances qu’elle a été placée en foyer d’accueil médicalisé à compter du 1er juillet 2009 au 22 septembre 2014, date de son décès. La soeur de Madame X a participé à hauteur de 90.000 € aux frais de l’hébergement spécialisé de 2009 à 2014. Elle a également veillé à la maintenance d’un bien immobilier en indivision avec sa soeur.
Toujours est-il qu’à la suite du décès de Madame X, sa soeur, unique héritière, bénéficiait de sommes suffisantes pour régler l’ensemble des frais liés à l’hébergement spécialisé. C’est ainsi que le Conseil départemental du Nord a exercé un recours en recouvrement sur l’actif de la succession de Madame X se fondant sur l’article L.344-5 du code de l’action sociale et des familles.
Sur la procédure :
La commission de recours amiable a considéré que la prise en charge et l’accompagnement se justifiaient à la somme de 90.000€ à déduire des sommes à récupérer par le département sur l’actif successoral, tout en reconnaissant que la soeur de Madame X avait assumé de façon effective et constante la charge de la personne handicapée. Pour autant, la commission l’a condamnée à régler la somme de180.654,77€, étant précisé que l’ensemble des frais d’hébergement s’élevait à270.654,47€.
Dans son arrêt 16 février 2021, la Cour d’Appel d’Amiens n’a pas retenu la prise en charge effective et constante par la soeur de Madame X et a confirmé la décision de la commission de recours amiable. La Cour avait en effet considéré cette prise en charge comme relevant de son attachement familial et de sa loyauté entre membres d’une même famille. Or, il était constant que la soeur de Madame X avait été présente auprès d’elle de façon régulière et au plan pratique. Qui plus est, elle avait entretenu un bien immeuble en indivision avec sa soeur.
La soeur de Mme X a alors saisi la Cour de Cassation qui pour mémoire apprécie l’application du droit strictement par opposition aux juges de première instance (Tribunaux judiciaires et Cours d’Appel) qui apprécient également les faits. C’est ainsi que la Cour de Cassation a cassé le 26 janvier 2023 l’arrêt de la Cour d’Appel d’Amiens et renvoyé l’affaire devant une autre cour. Elle a en effet pris en considération son accompagnement constant et effectif, outre sa participation financière à hauteur de 90.000,00€ aux frais d’hébergement mais également celle de la maintenance du bien en indivision.
Sur la portée de l’arrêt de la Cour de Cassation :
La Cour d’Appel d’Amiens a ainsi dénaturé le texte même de l’article L344-5 du code de l’action sociale et des familles. La dénaturation consiste pour un juge à donner une interprétation à un texte, ce qu’il ne peut faire encourant ainsi une cassation.
Mais il convient aussi de bien veiller à ses proches…
Laurence Martinet-Longeanie, avocat au barreau de Paris et juge médiateur auprès de la Cour Internationale de Médiation et d’Arbitrage (Cimeda), avril 2023.