Âgé de 75 ans, Gérard Clavé est maire de Bartrès, village des Hautes-Pyrénées situé à une poignée de kilomètres de Lourdes, depuis 33 ans. Cela après avoir été élu au conseil municipal en 1983, alors qu’il travaillait dans l’industrie aéronautique tout en étant pompier volontaire à Lourdes. Était-il alors le seul pompier polio de France ? « Ma jambe ne me gênait pas du tout. J’avais 20 ans, je faisais le parcours sportif, passais toutes les difficultés. Les pompiers étaient une grande famille, on était 35. » C’est cet engagement qui l’a conduit à la mairie de Bartrès : « Parce que j’étais pompier, on m’a proposé de me présenter, l’aventure est partie comme ça. J’ai été élu au 1er tour en 1983, avec toute la liste, et nommé 1er adjoint, puis réélu en 1989 et maire. Là, j’ai pris mon bâton de pèlerin et tapé à toutes les portes pour obtenir des subventions pour que notre commune ait une vraie qualité de vie, ce qui est le cas aujourd’hui. On a refait les routes, les bâtiments communaux, on a construit une salle des fêtes, un terrain de loisirs pour les enfants. Les gens viennent se recueillir sur les pas de Bernadette à Bartrès, ce qui nous a fait mettre les équipements publics à niveau. »
Parce qu’avec moins de 600 habitants, une population qui a toutefois doublé en 40 ans, la commune compte 3 restaurants, ce qui est rare pour un village rural mais s’explique par le séjour en 1857 de Bernadette Soubirous : la future sainte y a gardé enfants et agneaux quand elle avait 13 ans. Cela vaut au village la visite de dizaines de milliers de pèlerins entre Pâques et Toussaint : « On a créé un parking pour 40 autocars, je l’ai vu plusieurs fois complet avant le Covid », commente Gérard Clavé. Mais si les visiteurs consomment dans les restaurants, l’entretien de la voirie et le nettoyage de leurs traces sont à la charge de la commune, sans recettes puisque le parking n’est pas payant, ni aide du diocèse et de l’église catholique locale qui fait messe quotidienne tout en tirant de gros bénéfices des innombrables pèlerinages organisés sur le domaine public. A Bartrès, les pèlerins vont se recueillir devant un oratoire proche de l’ancienne bergerie.
La jambe atteinte par la polio n’a commencé à gêner Gérard Clavé qu’à partir de ses 60 ans, entraînant une fatigue à la marche qui lui a fait préférer le fauteuil roulant. Un tableau physique complété par les séquelles d’un kyste commençant à comprimer la moelle épinière, opéré en 1982 avec succès. Avec un CAP d’ajusteur fraiseur, il a travaillé 40 ans dans l’aéronautique, chez Morane-Saulnier devenu depuis Daher Socata, d’abord comme ouvrier qualifié puis technicien au service après-vente quand l’évolution de son état physique l’a nécessité. Et lorsque l’État a demandé aux communes de rendre accessibles leurs bâtiments, Gérard Clavé l’a entrepris : « Il fallait que les bâtiments collectifs, c’est-à-dire l’église, la mairie, la salle des fêtes, le terrain de jeux, soient accessibles. On l’a fait, et finalement je ne pensais pas que ça allait m’aider un jour. Je suis autonome, j’emprunte la rampe de la mairie, les toilettes sont aux normes, la salle des fêtes c’est pareil. On a fait du goudronnage lisse pour qu’on puisse rouler facilement en fauteuil, et on a fait pareil pour le terrain de jeux. »
Président de l’association des maires ruraux des Hautes-Pyrénées, Gérard Clavé a-t-il fait essaimer une culture de l’accessibilité dans ces communes ? « Elle est obligatoire dans toutes les communes de France. Mais comme d’habitude, l’État lance une réglementation mais ne la fait pas appliquer. Il n’y a pas que moi qui rouspète, bien d’autres personnes ne peuvent pas monter en fauteuil roulant sur les trottoirs, les bordures sont trop hautes. Quand je vais voir des collègues maires, je leur dis « Faites l’accessibilité quand même, c’est une obligation », en plus on pourrait aller chercher des subventions. » Mais il ne la privilégie pas dans sa présidence de la commission de la commande publique de la communauté d’agglomération Tarbes-Lourdes-Pyrénées : « J’ai une ligne droite, c’est un critère comme un autre. Il ne faut pas faire de favoritisme. »
Laurent Lejard, avril 2023.