Le Gouvernement vient d’obtenir du Parlement le droit de réformer directement, par ordonnance à valeur de loi, les dispositions de la loi du 11 février 2005 relative à l’accessibilité du cadre bâti et des transports. Réformer, ou plutôt raser façon Attila, selon le projet de cette ordonnance qui vient d’être transmis aux associations de personnes handicapées membres du Comité d’Entente. Cela au moyen d’Agendas d’Accessibilité Programmée (Ad’Ap) renouvelables à l’infini, selon une procédure d’avis réputé favorable pour la plupart des Etablissements Recevant du Public (ERP), sans sanction automatique en cas d’inexécution, et dont le dépôt ne sera pas obligatoire pour les services de transport. Un gérant adroit pourra ainsi échapper à l’obligation en invoquant la situation financière de son établissement, sans que les aides et la capacité d’investissement soient prises en compte. Les cabinets des professions libérales installés dans des copropriétés sont de facto exonérés de mise en accessibilité. Un ERP existant, inaccessible, pourra être agrandi sans obligation de mise en accessibilité. L’avis conforme de la Commission Consultative Départementale de Sécurité et d’Accessibilité est supprimé pour la plupart des demandes de dérogations. De même, la sanction pénale en cas de non-respect des règles d’accessibilité est supprimée. Dans les transports, la mise en accessibilité des points d’arrêts est réservée à ceux estimés « prioritaires », et pour les autres un éventuel service de substitution est renvoyé à 2018 au moins. La plupart de ces dispositions iniques ne résultent pas des 140 heures de concertation dont le Gouvernement se gausse, elles ont été ajoutées aux propositions qui faisaient consensus.
Le Président de la République, François Hollande, et ses gouvernements successifs avaient fait le choix de ne pas soumettre au Parlement la loi modificative. Ils avaient su convaincre les associations nationales censées défendre les personnes handicapées que le débat parlementaire ouvrirait un vaste champ d’action aux lobbies pour faire passer des restrictions à la liberté de déplacement des personnes handicapées. C’était un mensonge, une forfaiture enracinée dans le refus du débat démocratique et la peur du peuple français : ce pouvoir qui vient d’essuyer deux échecs magistraux lors des récentes élections municipales et européennes, dont le Parti Socialiste majoritaire en 2012 a recueilli moins de 14% des voix lors du dernier scrutin national, a décidé que les dix millions de personnes handicapées dans leur vie quotidienne le resteraient pour des décennies encore. Leur citoyenneté est piétinée, leur droit à vivre au milieu de tous, nié. Alors que lors du débat parlementaire de la loi du 11 février 2005 les députés et sénateurs socialistes et leurs alliés écologistes avaient voté contre parce que le texte n’allait pas assez loin, les mêmes viennent d’autoriser le Gouvernement à créer la loi la plus rétrograde de la législature !
Laurent Lejard, juin 2014.