Pour devenir conseiller municipal de Loudéac (Côtes-d’Armor), Jacques Glory n’a pas fait comme la plupart des citoyens handicapés : il n’est pas issu d’une association, et s’il a eu des responsabilités syndicales, c’était bien longtemps avant son engagement dans la vie publique locale. Parce qu’il a mené une vie de labeur, ayant commencé à travailler dès ses 14 ans, ce qui lui a permis de prendre sa retraite dès 55 ans parce que son premier patron l’avait correctement déclaré. Cela malgré une paraplégie due à un accident pendant son service militaire en 1971, suivi d’une rééducation à Kerpape. En 1973, il est entré chez le charcutier industriel Olida : « J’ai été embauché comme employé administratif, puis j’ai évolué à équivalent cadre à la fin, bien qu’ayant des fonctions syndicales à la CFDT et au Comité d’Établissement pendant toute cette période. Ça n’a pas été un frein du tout, ni le handicap, ni ma fonction de responsable syndical. » Son activité l’a conduit à travailler dans les différents sites de Nantes, Lyon, Lille, Bordeaux. Il s’est installé en région parisienne au moment de la déconfiture de l’entreprise en 1992, et après un contrat à l’Agence Nationale Pour l’Emploi, il est revenu à Loudéac pour s’occuper de sa mère et travailler jusqu’à sa retraite en 2006 comme acheteur de matériaux dans une société de charpente métallique, à 4 kilomètres de chez lui.
« Je suis rentré en politique à la demande d’un ami qui montait une liste pour les municipales. J’ai dit « pourquoi pas » parce que l’homme qui me l’a proposé me plaisait, les gens qui étaient avec lui également. Les deux premières fois, on n’a pas été élus, mais en 2016 la majorité municipale a démissionné en bloc et on a été élu. » Au terme d’une crise municipale, Loudéac basculait ainsi à gauche par 11 voix d’écart, et cette municipalité a été réélue en 2020. « Loudéac, c’est 10.300 habitants, en plein centre Bretagne, à équidistance de Saint-Brieuc, Vannes, Rennes et Brest. C’est une ville où l’industrie agroalimentaire a une part vraiment importante, avec de nombreux transporteurs dont un détient 1.500 cartes grises actuellement, et le plus important fabricant français de mobil-homes. » Une ville industrieuse qui ne fait plus de vagues depuis la fin des couacs de la précédente équipe municipale, et pourrait occuper davantage de salariés : « On pourrait parler de Loudéac, parce qu’il y a un besoin de main d’oeuvre énorme qui pourrait être pallié par des embauches, mais le problème, c’est le logement ; en tant que représentant de la municipalité dans les différents offices d’HLM, je vois la difficulté pour trouver des appartements alors qu’il n’y a pas de départs, les occupants ne partent pas. »
Dès sa première élection, Jacques Glory a été délégué à l’action sociale, et plus particulièrement à l’accessibilité : « Avec les commerces, je dirais que c’est assez difficile parce que ce sont des propriétaires privés, donc on ne peut pas les forcer à faire des travaux, quand ils peuvent les faire. Mais par contre, pour tout ce qui est public, je mets un point d’honneur à être la personne qui va empêcher de tourner en rond. Par exemple, on a le droit de mettre un petit seuil de 2 cm pour monter sur un trottoir, moi j’ai dit : « si on a le droit de le faire, on a le droit de faire beaucoup moins également ! » J’ai fait refaire des travaux engagés par les services techniques pour supprimer le ressaut sur des abaissés de trottoirs. » Toutefois, l’exercice des responsabilités municipales l’a conduit à une certaine modération : « J’ai réduit le « vouloir » que j’avais avant d’être élu puisqu’il y a des choses qu’on ne peut pas faire, comme obliger les commerçants à installer un plan incliné pour rentrer chez eux. Par contre, j’ai sorti une liste de magasins qui n’étaient pas accessibles en fauteuil roulant, ça a fait réagir. Je ne l’ai pas diffusée, et certains commerçants ont joué le jeu en réalisant des travaux ou en s’engageant à les faire. »
En parallèle de son action municipale, il continue à participer aux Restos du coeur en conseillant des usagers, par exemple à mieux argumenter une demande de logement, ou dans la rédaction de lettres de motivation dans leur recherche d’emploi. S’il déploie cet altruisme, il a renoncé à s’engager au niveau départemental : « Ça ne m’a pas dit grand-chose, j’ai peut-être une réponse un peu bête, mais quand je vois la physionomie du Département, qu’il soit de droite, de gauche, au milieu, ça me ça me plaît pas. Lorsque j’ai siégé dans un conseil de développement, j’ai demandé au président du département à quoi servait réellement cette collectivité puisque ça faisait longtemps qu’il était là et qu’on ne voyait strictement rien bouger. Pour moi, c’est une strate du mille-feuilles qui n’a pas lieu d’être. » Jacques Glory privilégie Loudéac, et espère faire aboutir la création d’une maison des associations : « On pourrait ainsi regrouper tout ce qui est caritatif alors qu’actuellement ces associations sont disséminées, manquent de locaux ou sont dans des lieux pas adaptés. » Il voudrait également améliorer l’activité de la maison des jeunes, les accueils de loisirs, aider davantage les associations sportives et culturelles : « L’argent est le nerf de la guerre, mais comme on ne l’a pas, c’est assez dur. » Loudéac, une ville industrieuse, mais pas fortunée…
Laurent Lejard, juin 2023.