Ministre des Sports et des Jeux olympiques et paralympiques, elle s’exprime sur le sport dans le médico-social, le devenir des fédérations et l’objectif de médailles à Paris 2024.
Du sport dans le médico-social
Question : Des activités physiques et sportives devront prochainement être déployées dans tous les établissements médico-sociaux. Quelle sera l’action de votre ministère pour que cela dépasse la simple agitation de bras ?
Amélie Oudéa-Castéra : Des appels à projets seront lancés dès cette fin 2023 et permettront dès 2024 de soutenir, via les Agences Régionales de Santé, des projets sportifs vers les ESMS accueillant des jeunes. 10 millions d’euros par an jusqu’en 2027 permettront de financer l’intervention d’éducateurs et l’achat de petit matériel pour accompagner le déploiement des 30 minutes d’activités physiques quotidiennes pour les 110.000 jeunes concernés.
L’avenir de l’organisation des parasports
Question : Les parasports sont actuellement répartis entre des fédérations sportives, deux fédérations spécialisées handisport et sport adapté, et des clubs de sportifs Sourds. Quel est l’avenir de cette structuration ?
Amélie Oudéa-Castéra : Ces sports sont gérés par 25 fédérations dites homologues qui ont la délégation pour organiser la discipline en parasport, en loisir comme en compétition. Cela me semble une bonne orientation qui permet de diffuser cette attention portée dans une logique d’universalité et d’inclusion des personnes en situation de handicap à travers toutes les fédérations sportives. Nous devons encourager des fédérations à suivre cet élan afin que d’autres sports puissent être délégués à des fédérations dont la pratique n’est organisée ni par la Fédération Française Handisport (FFH), ni par la Fédération Française de Sport Adapté (FFSA). Ce que je veux que nous fassions, et c’est un engagement que l’on a pris le 23 mai dernier lors de l’atelier spécifique dédié au développement de la pratique sportive pour les personnes en situation de handicap, c’est une évaluation de l’action de ces fédérations pour s’assurer qu’au standard de la FFSA, de la FFH et du Comité Paralympique et Sportif Français (CPSF) le ministère des Sports réalise une analyse précise sur la qualité de ce qui a été fait à la fois sur la pratique pour tous et la préparation de nos sportifs de haut niveau. Nous l’avançons, par rapport à ce que les textes prévoient, avec une méthodologie de travail arrêtée au cours du 3e trimestre 2023.
Question : Mais votre prédécesseure Roxana Marcineanu a évoqué en octobre 2021 le départ des sportifs Sourds de la FFH, en recréant une organisation spécifique…
Amélie Oudéa-Castéra : …A laquelle je ne suis pas favorable. Pour les structures faîtières, je souhaite que les sportifs sourds restent bien sous l’égide du CPSF. Il appartient à toutes les fédérations que j’évoque de prendre en compte le handicap de la surdité dans leur schéma de développement. Les compétitions internationales sont organisées sous l’égide de l’ICSD (International Committee of Sports for the Deaf) qui renvoie aux Deaflympics, compétition sportive que l’État a accompagnée financièrement en 2022 pour la participation des sportifs. Nous travaillons aujourd’hui à l’élaboration d’une instance spécifique au sein du CPSF, pour être le relais de l’ICSD.
La France aux paralympiques de Paris 2024
Question : Quel objectif fixez-vous à l’équipe de France qui participera l’an prochain aux Jeux Paralympiques de Paris ?
Amélie Oudéa-Castéra : Le Top 5 ! On sait qu’on l’a déjà réalisé à deux reprises, à Pékin 2022 et PyeongChang 2018 pour les Jeux d’hiver. Il faut que nous arrivions à transposer aux Jeux d’été cette même dynamique [la France était au 14e rang des nations participantes à Tokyo 2020 et 12e pour Rio 2016 NDLR]. Aujourd’hui, quand je regarde la performance de nos sportifs, la France est dans le top 6 des nations les plus performantes si nous prenons en compte les résultats obtenus sur les différents championnats du Monde. Tous les espoirs sont permis. On fait ce qu’il faut, on a multiplié par plus de 2,5 les crédits alloués au mouvement paralympique depuis 2018 et nous avons renforcé le suivi socioprofessionnel des sportifs pour leur permettre de mieux se concentrer sur leur préparation sportive. La présidente du CPSF, Marie-Amélie Le Fur et son directeur général, Elie Patrigeon, portent bien l’effort de ce point de vue-là, avec une très bonne fluidité de relation avec l’Agence Nationale du Sport. J’ai le sentiment que tout est en place pour qu’on ait une très belle performance collective aux Jeux de Paris.
Question : Le top 5 est accrochable si on n’assiste pas au au retour des Russes évoqué actuellement. Quelle est votre position sur leur retour dans la compétition olympique et paralympique ?
Amélie Oudéa-Castéra : Il faut compter sur l’avantage de jouer à domicile, qui peut mettre du vent favorable dans le dos de nos athlètes. Ce matin [6 juillet NDLR] se tenait le comité de pilotage Gagner en France pour optimiser tous les éléments de préparation de nos athlètes et les aider à maximiser leurs chances d’être au top de leur performance et de la réussite. Concernant le retour des sportifs russes, nous avons posé plusieurs questions au CIO pour que l’examen du régime de neutralité aille au bout. Nous avons soulevé un certain nombre de points qui aujourd’hui nous font souci et le CIO a dit qu’il était au travail, qu’il s’exprimerait sur le sujet dans les mois à venir. De plus, la situation sur le terrain est en ce moment très évolutive, je pense que chacun a à coeur de laisser les choses se décanter. Mais avec 34 autres ministres des Sports, j’ai porté des exigences importantes pour dire qu’au-delà des critères qui ont été posés, on a besoin de plus de visibilité sur le processus de sélection des athlètes russes, sur la sécurisation de la neutralité de ce processus : qu’en est-il en cas de financement par des monopoles proches du pouvoir russe, est-ce que ce n’est pas assimilable à une forme de soutien et de proximité du pouvoir russe ? On demande également toutes les garanties sur la bonne application des programmes antidopage pour s’assurer qu’il n’y ait pas de point de fuite en la matière.
Propos recueillis par Laurent Lejard en juillet 2023.