Le premier de ces candidats, c’est Paul Henri Massoh, né en 1977 à Douala, un paraplégique allant sur deux béquilles et parfois sur tricycle. Marié et père de trois enfants, il est titulaire d’un Baccalauréat philosophie et fonctionnaire de catégorie B. Paul Henri n’a pas débuté directement dans les partis politiques : « J’ai commencé au Conseil National de la Jeunesse où je suis Président de l’Arrondissement de Douala 4e. C’est lorsque j’y ai atteint la maturité et une certaine popularité que j’ai décidé d’entrer dans la politique politicienne. »

Paul Henri Massoh s’est intéressé à la politique pour montrer les valeurs de la personne en situation de handicap : « Je voulais démontrer que même en étant une personne handicapée, j’ai des idées à faire valoir. Aussi, il faut amener les gens à intégrer l’approche handicap dans tous les projets et programmes de développement, y compris dans les Collectivités Territoriales Décentralisées. » Malgré son engagement, Paul Henri Massoh laisse transparaître des signes de doute : « Mais seulement, je ne sais pas si je vais y parvenir, car ce n’est pas facile de changer la pensée collective sur la personne handicapée. Il faut quand même garder espoir. »

Il n’oublie pas la jeunesse, sur laquelle il compte pour être élu le 30 septembre 2013 : « Si jamais ma liste sort vainqueur, je souhaiterais matérialiser le concept de ‘Jeunesse, fer de lance de la Nation’ en faisant en sorte qu’elle soit au centre de tous les projets de la Commune de Douala 4e. Puisque mon grand soutien se trouve dans cette frange de la population. » Il se présente comme l’un des « heureux élus », en tant que personne handicapée, à avoir été accepté dans la liste du Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais (RDPC), parti au pouvoir. Mais ce n’est pas gratuit : « C’est grâce à sa capacité de mobilisation des électeurs que nous l’avons pris dans notre liste, au détriment des valides », confie sous couvert d’anonymat un membre de son parti…

Paul Henri Massoh fait parfois face à certaines difficultés, notamment de mobilité pendant la campagne électorale, comme dans la vie quotidienne : « Je me déplace habituellement avec des béquilles, mais parfois, je suis obligé de faire recours à mon vieux tricycle, avec lequel je reçois souvent l’aide de mes camarades. »

Ce qui n’est pas le cas de Chamberlain Essome, candidat âgé de 27 ans, atteint de nanisme et d’une paraplégie légère. Après des études secondaires où il obtint le Probatoire G2, il a suivi une formation audio-visuelle et obtenu une attestation de cameraman. Aujourd’hui, il est encore sans emploi. Il a même pensé créer sa propre entreprise mais s’est heurté au manque de moyens financiers lui permettant d’acquérir des matériels essentiellement coûteux (camera, ordinateur, etc.). Mais ce n’est pas pour cette raison que ce jeune homme encore célibataire va se lancer en politique : « Je pensais que la voix des personnes handicapées pouvait être entendue dans la société à travers leurs associations. J’ai été membre de plusieurs, mais en vain. Je crois que c’est en militant dans les partis politiques et en devenant partie prenante des instances de décision que l’on pourrait y parvenir. » Chamberlain Essome est militant du Cameroon People’s Party (CPP), il y occupe le poste de numéro 2 national, chargé de la mobilisation. Il est candidat de la liste du CPP au Conseil Municipal de la Commune de Douala 1er.

Chamberlain Essome apparaît comme l’un des moteurs de la campagne électorale du CPP dans la ville : « Je participe à l’organisation et l’élaboration des stratégies de campagne, et j’y prends personnellement part. » Il contribue souvent à des actions « débridées », en sillonnant la commune en moto par exemple. Son dynamisme lui a parfois valu des réactions de ses adversaires : « J’ai plusieurs fois reçu des invitations de nos adversaires à rejoindre leurs rangs, même le parti au pouvoir, et mon refus a souvent occasionné des menaces. Mais je reste ferme et fidèle à mon organisation politique, car j’y suis allé par conviction et non pour un intérêt personnel. » Selon lui, le programme de sa liste s’articule autour de la formation et de l’appui à l’installation socio-économique des jeunes et surtout des personnes vulnérables, en vue de leur autonomisation.

Autre candidat handicapé moteur, Pierre Mballa Atangana est âgé de 40 ans et vit avec les séquelles d’une monoplégie inférieure droite. Marié et père de trois enfants, il est lui aussi titulaire d’un Probatoire G2. Actuellement, il travaille comme agent communal à la mairie de Douala 5e. « Je me suis intéressé à la politique en 1992, après l’avènement de la démocratie. J’ai évolué dans l’Organisation des Jeunes du Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais (OJRDPC) : dès 1994, je suis devenu d’abord Président de Cellule de l’OJRDPC de Wouri 3 à Douala, ensuite Président du Comité de base en 1997, Président de la Sous-section en 2002 et enfin Secrétaire Général Adjoint de la Section en 2007. La même année, j’ai brigué mon premier mandat de conseiller municipal dans la commune de Douala 3e. »

Pierre Mballa Atangana se présente ainsi pour la deuxième fois pour confirmer le dynamisme politique que peuvent avoir les personnes en situation de handicap. « Mon objectif est de montrer les capacités de la personne handicapée en politique, puisque, pour faire partie de la liste RDPC, il faut être solide en matière de militantisme dans le parti. » Il ne veut pas seulement se valoriser par rapport aux personnes dites valides, il voudrait être un miroir dans lequel se regarderaient les autres personnes déficientes : « A travers mon activisme, je souhaiterais que les autres confrères handicapés prennent l’exemple afin que nous devenions plus nombreux en politique, et booster les choses par la suite. » Pierre reste confiant pour les résultats qui, conformément à la loi électorale, ne pourront pas être disponibles avant le 15 octobre 2013.

En réalité, il y a quelque temps au Cameroun il était difficile d’imaginer une personne handicapée dans une liste électorale, prétendant à un quelconque poste électif. Car, dans l’opinion publique, les personnes handicapées sont considérées comme des mendiants ou des éternels assistés. Cette pensée a été intériorisée par les personnes handicapées elles-mêmes au point qu’elles ont souhaité l’introduction dans le Code Electoral d’une disposition instituant une discrimination positive pour que toute liste électorale contienne automatiquement une personne handicapée. Mais cette proposition n’a pas été retenue, et les choses commencent à changer d’elles-mêmes.

Cette évolution peut aussi s’illustrer par la nomination par le Président de la République d’un Sénateur en situation de handicap, quoique suppléant, en la personne de Robert Oyono Zambo, un paraplégique sur fauteuil roulant, par ailleurs Secrétaire Exécutif de la Plateforme des associations des personnes handicapées du Cameroun. En tout état de cause, et pour rejoindre le point de vue d’un des candidats, ce n’est que par l’implication des personnes handicapées, notamment en politique que leur condition de vie connaîtra une amélioration significative au Cameroun.


Etienne Mbogo, APHMC, octobre 2013.

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