La prise en charge des personnes handicapées est généralement réduite au service de prestations financières, d’aide à domicile ou d’un placement en établissement. Le reste, la participation à la vie sociale, à des activités culturelles, de loisirs ou sportives, est laissé à l’initiative des familles et des associations spécialisées. C’est pour couvrir ce besoin d’activités en tous genres qui donnent du sens à la vie humaine que des personnes concernées ont créé il y a 20 ans Entraide Naissance Handicap, d’abord dans le Loir-et-Cher, puis en Indre-et-Loire depuis 2008. Cette association apporte également du conseil en matière de formalités, telle la bonne rédaction d’un dossier à la Maison Départementale des Personnes Handicapées et du projet de vie; elle organise des journées d’échanges « enfance et partage » lors desquelles les familles confrontent leurs difficultés et les solutions qu’elles ont mises en place.
« Nous intervenons autour de l’intégration de la personne en situation de handicap, pour la concrétisation de son projet de vie, explique Annabelle Fontaine, présidente d’ENH 37. Avec l’objectif d’éviter, de limiter le sur-handicap, en agissant le plus en amont possible lors de l’annonce du handicap. » L’association assure un accompagnement des familles pour réduire la période « blanche » de déni du handicap, identifier l’enfant à un groupe de handicaps. « On fait comprendre que peu importe le handicap, les difficultés sont les mêmes, et qu’il faut passer le cap. » Annabelle Fontaine relève que la notion d’intégration est généralement limitée à l’école et à l’emploi, comme si les jeunes handicapés n’avaient de valeur qu’utilitaire, alors que les loisirs, les sports, la culture font partie de l’intégration rappelle-t-elle, en expliquant une mise en relation récente : « Une maman cherchait un maitre-nageur pour que son fils autiste apprenne à nager. Il y en a un à dix kilomètres de chez elle, mais qui n’a reçu que des adultes autistes, au comportement assez stabilisé. ENH en a formé un autre pour s’occuper d’enfants, mais il travaille dans une piscine éloignée de trente kilomètres. La maman profitera de l’été prochain pour s’installer à proximité, et je suis sure qu’en septembre son fils saura nager ! » Cet exemple met en évidence la finesse et l’expertise nécessaires pour apporter la meilleure orientation aux parents : « Ça a l’air simple comme ça, poursuit Annabelle Fontaine, mais il y a de la technique derrière, de la formation, un réseau, pour trouver des personnes qui sont ouvertes aux publics concernés. »
Informer pour accepter.
Un autre domaine d’action important pour ENH est l’acceptation du handicap d’un enfant par les parents et la famille : « Récemment, reprend Annabelle Fontaine, on a reçu une maman dont la fillette de 11 ans était en classe d’intégration scolaire, mais sans que le diagnostic du handicap soit clairement posé. Il n’y avait pas de deuil possible, et un refus de la maman d’une orientation en établissement spécialisé. Nous avons dialogué, expliqué ce qu’était un établissement, en montrant les différentes possibilités pour leur enfant et l’impact qu’elles auraient sur la vie de la famille. On informe, c’est aux parents de décider. » Un dialogue important pour que les parents s’approprient une décision d’orientation, et ne ressentent ni déni de la réalité, ni contrainte : « Quand l’éventail des possibilités n’est pas exposé, il peut y avoir rupture ou rejet, alors que lorsque l’on propose l’ensemble des solutions, 80% des parents font le même choix qu’un professionnel. » ENH agit très en amont, avant même l’étiquette « handicap ». « On aide 400 familles d’Indre-et-Loire, conclut Annabelle Fontaine, avec 24.000 visites en 2011 sur notre site Internet. Et de grandes difficultés de financement, du fait du côté innovant de notre action qui déconcerte, mais le soutien de 90 bénévoles et d’une quarantaine de partenaires. »
Mère d’une jeune trisomique maintenant âgée de 26 ans, Claire Creskens connaissait ENH quand elle habitait le Loir-et-Cher, et tout naturellement elle s’est adressée à ENH 37 quand elle s’est installée en Indre-et-Loire : « L’intérêt d’ENH est qu’elle s’intéresse à tous les handicaps. Elle apporte une aide à la scolarisation, à l’intégration à tous les niveaux de vie sociale. Pour ma part, je participe aux journées enfance et partage, et Handi-Art, cela m’a permis de rencontrer et de mettre en liens des intervenants dans différentes activités artistiques. C’est un travail collectif intéressant, il est important que l’on puisse se rencontrer. »
Maman de trois enfants déficients visuels, Aurélie Métais apprécie également la mutualisation des compétences : « Je suis entrée à ENH pour éviter que d’autres parents rencontrent les mêmes problèmes et carences d’informations. J’ai eu mon premier enfant à 21 ans, l’annonce de son handicap a été difficile à accepter, on a été très peu aidés, un test génétique n’a été fait qu’après la naissance de mon deuxième enfant, on est peu informés par les professionnels. Alors que dans l’association, on oriente les gens en liaison avec des professionnels, on organise des forums. Il faut savoir prendre du recul avant d’orienter notre enfant, avoir un regard autre que celui du parent, travailler sur la psychologie. » Tout cela pour faire jaillir cette idée qu’exprime Annabelle Fontaine : « On peut vivre avec un handicap, il faut le faire entendre ».
Laurent Lejard, février 2013.