Le site parisien du musée national de la Marine accueillera à nouveau le public à partir du 17 novembre 2023, avec de nombreux événements, au terme de 6 années de rénovation totale. Un musée installé dans l’aile droite du Palais de Chaillot (Paris 16e), dont la muséographie est complètement revue. « Le parcours de visite est conçu en termes de contenus, avec les mêmes collections, présente Mathilde Teissier, chargée de médiation et référente accessibilité. Deux types d’espaces s’enchaînent : 4 escales avec des focus sur des chefs d’oeuvre, sur la construction, l’instruction avec maquettes et documents d’archives, se repérer en mer pour évoquer la navigation et ses ustensiles, et les phares, représenter le pouvoir par la sculpture et les tableaux. Et des traversées thématiques : en passant par Le Havre sur le commerce et ses conteneurs, la pêche, la plaisance, la course au large, les croisières. Mais aussi tempête et naufrage avec tout ce qu’il y a autour, avant, pendant et après, dont l’archéologie, les secours. Et l’évolution de la marine en bois vers l’actuelle marine. » L’ensemble évoquant l’histoire, les arts, les techniques, les sciences, avec une accessibilité pour tous.
« Il y avait pas mal d’escaliers, poursuit Mathilde Teissier, et des petites marches non compensées nécessitant un important travail pour rendre le bâtiment 100% accessible. On a inclus l’accessibilité universelle dans le cahier des charges de la rénovation, avec la Langue des Signes Française et des sous-titres autant que possible. Pour le handicap mental, on proposera une scénographie immersive assez grandiose ; on a conduit une réflexion pour être plus accessible pour les personnes handicapées intellectuelles ou psychiques. La muséographie sera adoucie une fois par semaine pour les groupes et une fois par mois pour le public individuel, avec interruption des dispositifs immersifs et harmonisation des sons et et de la musique. » Ce musée sera d’ailleurs le premier en France à disposer d’une salle de repos et relaxation de type Snoezelen, installée en milieu de parcours.
Un chantier d’accessibilité culturelle confié à des professionnels travaillant en étroite collaboration avec les muséographes. Le parcours tous publics sera 100% accessible, avec des écrans tactiles pourvus d’encoches braille, des dispositifs tactiles, des contenus audiodécrits et en LSF, et en facile à lire et comprendre (FALC) ; ces dispositifs ont été validés par des usagers réunis dans un comité ad hoc. « On a fait des tests usagers pour valider les dimensions et l’approche tactile, reprend Mathilde Teissier. Nos testeurs déficients visuels vont dans des musées ou n’ont pas de pratique muséale. Pour le FALC, on est passé par un Esat, et pour la LSF on avait deux testeurs visiteurs habituels de musée et deux autres non. » Elle s’est également appuyée sur les retours d’expérience d’homologues travaillant dans d’autres musées.
L’ensemble étant coordonné par l’agence d’architectes spécialisés Handigo. « L’Opérateur du patrimoine et des projets immobiliers de la Culture (OPPIC), qui gère cette opération de rénovation assez extraordinaire, nous a confié cette mission, justifie Xavier Berthet. Il a très tôt cherché à s’attacher une Assistance à Maîtrise d’Ouvrage en accessibilité pour le bâtiment, l’agencement, la scénographie et la signalétique, à toutes les phases du chantier depuis la conception et jusqu’à la livraison. » Le bâtiment se compose de vastes espaces tout en longueur, deux étages l’un sur l’autre, finalement plus simples à traiter pour la partie publique que pour les locaux des personnels. « Cette aile du Palais de Chaillot contient deux musées, Homme et Marine, complète Xavier Berthet. Son accès est confidentiel, il fallait lui redonner de la visibilité en réglant deux problèmes : on pouvait accéder depuis le niveau rue par une rampe correctement faite, mais on accédait au niveau jardin par l’extérieur. Maintenant, il y a des ascenseurs à plusieurs endroits. Pour les personnels, le pavillon d’About a été renivelé et rendu accessible, sauf son dernier étage qui comporte des salles de travail. » Handigo a également travaillé sur le Centre de conférence du musée, la boutique, le restaurant, affirmant une haute exigence dans une démarche de dialogue avec les différents intervenants.
Spécialisée dans l’accessibilité culturelle, Maud Dupuis, fondatrice de Polymorphe Design, a travaillé l’équipe scénographique Casson Mann : « Le musée est ancré dans le présent et le futur, explique-t-elle, dans tous les aspects de la marine, pour alterner des moments de découvertes pédagogiques avec des expériences sensorielles. J’interviens sur la scénographie, au côté de plusieurs spécialistes en interne, cela donne un triple regard qui va jusque dans le détail. Là, le scénographe s’est approprié la démarche en tant qu’expérience de visite, il intègre tous les visiteurs dans son travail, jusqu’au graphisme. » Maud Dupuis cite le traitement d’éléments en saillie, la hauteur de caractères des cartels et leurs tailles, et des solutions qui fonctionnent pour ne pas faire un musée médical : « Tout est réfléchi et invisible. »
Et elle relève deux éléments très particuliers pour créer des espaces calmes : « C’est assez rare pour le souligner, le musée disposera d’un mode « scénographie adoucie » à certains moments : on pourra réduire l’intensité sonore et lumineuse, c’est un dispositif extrêmement complexe parce qu’on est sur de l’immersif. Cela concerne tout l’audiovisuel et la scénographie du musée, avec de réelles innovations qui sont très fortes en termes d’exploitation, et la prise en compte des visiteurs handicapés psychiques. Pour l’accessibilité, tout est testé, les textures, tailles des caractères, matières. Tous les dispositifs sonorisés seront équipés de boucles à induction magnétique (BIM), ce qui est complexe à régler. Le parcours est conçu de A à Z pour une compréhension optimale du musée, jalonné de dispositifs sensoriels, de supports en FALC in situ dans la scénographie. » Une accessibilité universelle à découvrir très bientôt !