Le débat a été agité au Sénat, le 7 octobre dernier, lorsque l’ancien ministre Philippe Bas a soutenu un amendement d’exonération totale de la redevance de stationnement automobile pour les véhicules transportant un titulaire de la carte européenne de stationnement. La ministre de la Réforme de l’État, de la Décentralisation et de la Fonction publique, Maryslise Lebranchu, s’est fermement opposée à cette proposition, préférant laisser le soin à chaque collectivité territoriale d’adopter cette exonération. Cela sur fond de transfert à ces collectivités du contrôle du stationnement payant, dont le montant de la redevance et l’amende de « post-stationnement » en cas de non-paiement ira dans les caisses des collectivités territoriales. Voudront-elles abandonner quelques euros aux personnes handicapées alors que l’État (qui encaisse la TVA sur le stationnement) a décidé de baisser leur dotation globale de 1,5 milliards chaque année ? Rien n’est moins sûr.
Alors, la proposition de Philippe Bas, sénateur UMP de la Manche et ancien ministre des personnes handicapées (2005-2007), également président du fort peu utile Observatoire interministériel de l’accessibilité et de la conception universelle (OBIACU), répondait à une nécessité : saisir l’opportunité de la « dépénalisation » du stationnement payant pour établir une règle simple applicable sur tout le territoire national. Parce qu’actuellement, il est impossible de savoir si un titulaire de carte européenne de stationnement doit se rendre à un horodateur pour payer son écot. A Paris, ce stationnement est gratuit depuis 1986 pour tous les emplacements de voirie; à Lyon, seulement sur les emplacements réservés; à Marseille nulle part (sauf quand la signalisation est déficiente sur un emplacement réservé). Dans certaines communes, la mention « payant » est peinte au sol et signalée par panneau; ailleurs, soit on paie par prudence, sans savoir si l’on est exonéré ou pas, soit on prend le risque d’une amende, en espérant que la carte européenne de stationnement entraînera la mansuétude de l’agent verbalisateur…
Mansuétude, ou plutôt réponse à la fréquente inaccessibilité des appareils de paiement, à la distance à parcourir pour atteindre l’automate (puis revenir à la voiture placer le ticket), sans compter le besoin de trouver de la monnaie quand on n’en a pas suffisamment : tous les automobilistes connaissent ces contraintes. Il est tout à fait étonnant qu’en 2013 cela n’ait pas encore été réglé une fois pour toutes en faveur des personnes dites à « mobilité réduite » : si leur mobilité est réduite, pourquoi leur imposer du chemin supplémentaire, générateur de fatigue et d’obstacles ? Cette logique simple n’est visiblement pas celle de la ministre de la Réforme de l’État, qui estime inimaginable « que les élus ne prennent pas la délibération nécessaire ni que la police municipale ou les personnels assermentés du gestionnaire de parking verbalisent quelqu’un qui possède une carte européenne de stationnement. » La réalité de terrain est pourtant celle-là : les collectivités qui ont délibéré sur cette gratuité ne sont qu’une poignée; pour les connaître, il est nécessaire de s’informer auprès de la police ou de la gendarmerie de la commune dans laquelle on se trouve : peu commode quand on est en voyage ou en déplacement professionnel…
Mais ce rejet gouvernemental est probablement préalable à son approbation. En effet, une proposition de loi a été déposée au Sénat par le groupe socialiste six jours avant que l’amendement de Philippe Bas ne vienne en débat. Si ce texte est adopté, la carte européenne de stationnement permettrait « d’exonérer ses détenteurs tant d’une limitation de la durée du stationnement que d’une éventuelle redevance sur les emplacements de stationnement aménagés aux véhicules utilisés par les personnes titulaires de la carte de stationnement. » Une ministre socialiste aurait-elle sciemment censuré un amendement d’un sénateur de l’opposition de droite pour laisser la voie libre à une proposition similaire (bien que réduite aux seuls emplacements réservés) qui a l’avantage d’être formulée par des parlementaires de son parti ?
Quoi qu’il en soit, il reste un point absent du débat initial : le transfert du contrôle du paiement du stationnement à des agents municipaux non assermentés, voire à des sociétés privées comme cela se pratique au Royaume-Uni, va-t-il entrainer la fin de la sanction des infractions au stationnement réservé ? Actuellement, le contrôle du stationnement payant, interdit ou dangereux est assuré par les agents de police nationale ou municipale, les Agents de Sécurité de la Voie Publique (ASVP) et les gendarmes, tous assermentés pour sanctionner l’ensemble des infractions. Qu’en sera-t-il demain ? On attend impatiemment la réponse de la ministre.
Laurent Lejard, octobre 2013.