Les propriétaires qui doivent adapter leur logement du fait de leur handicap ou de celui d’un parent hébergé le savent : les aides financières disponibles ne couvrent qu’une partie de la dépense, et sont ardues à obtenir. Une situation d’ailleurs semblable à celle des personnes âgées en perte d’autonomie, sauf que leur ministre de tutelle, Michèle Delaunay, vient de lancer une mission de simplification pour aller vers un guichet unique rassemblant l’ensemble des aides, qu’elles soient nationales ou territoriales. Bien que la problématique soit identique, la ministre déléguée aux personnes handicapées, Marie-Arlette Carlotti, ne s’est pas associée à cette mission, préférant créer dans l’automne un autre groupe de travail au sein du Conseil national de l’habitat.
Face au dénuement des familles confrontées au maquis de ces aides et à leur insuffisance, le député UMP Gérald Darmanin a défendu le 3 octobre à l’Assemblée Nationale une proposition de loi visant à étendre le Prêt à Taux Zéro (PTZ), actuellement destiné à l’achat d’un logement, au financement de travaux d’aménagement de la résidence principale d’une personne handicapée motrice, cela à hauteur de 32.500€. Lors de l’examen du texte en commission le 17 septembre, les députés de la majorité avaient d’ores et déjà rejeté amendements et articles, Christian Paul (PS – Nièvre) déclarant : « Par souci de cohérence, nous n’allons pas entrer dans le détail de l’examen d’un texte que nous ne souhaitons pas adopter. En effet, nous l’avons répété, le Gouvernement travaille sur cette question et nous avons un rendez-vous le 25 septembre prochain. » Ce rendez-vous, c’était le Comité Interministériel du Handicap (CIH, lire ce Focus).
Qu’en est-il réellement ? Le député Gérald Darmanin nous présentait la problématique à la veille du débat parlementaire.
Question : Retrouvez-vous dans le relevé de décisions du Comité Interministériel du Handicap du 25 septembre la validité des arguments des députés de la majorité ?
Gérald Darmanin : Non. D’abord, il est toujours étonnant que des parlementaires disent qu’ils ne peuvent pas faire des choses parce que le Gouvernement en fait. Ensuite, le Comité Interministériel du Handicap a enfin eu lieu, parce qu’il a été plusieurs fois reporté. Dans le relevé de décisions du CIH, qui contient des points intéressants, rien ne transparait sur l’adaptation du logement, pour ce qui concerne ma proposition de loi. La majorité socialiste en demande seulement la suppression, elle ne propose pas d’amendement de modification ou d’amélioration du texte, ça aurait été une discussion intéressante. Alors que je ne fais qu’essayer de concrétiser un engagement fort de François Hollande lors sa campagne présidentielle !
Question : Comment votre texte s’inscrit-il dans la nécessaire remise à plat du financement de l’adaptation du logement qui souffre d’inégalités territoriales, de disparités de traitement et d’une certaine volonté de faire payer aux personnes handicapées l’adaptation de leur logement ?
Gérald Darmanin : Ma proposition de loi repose sur trois principes. Premièrement, la simplicité des aides. Quand le handicap surgit dans une famille, c’est déjà un problème important, et si en plus elle doit entrer dans le maquis des aides, remplir de nombreux dossiers et avoir des relations conflictuelles avec les administrations… Deuxièmement, le montant : les aides sont faibles, alors que le prêt à taux zéro peut atteindre un montant conséquent de 32.500€, il aurait été intéressant d’en débattre à l’Assemblée. Et troisièmement, c’est l’équité de la République qui est en cause. Les prestations des Maisons Départementales des Personnes Handicapées sont très différentes d’un département à l’autre, de même que les délais d’instruction, les aides accordées, la façon dont les gens sont traités y compris administrativement. De même pour l’Agence Nationale de l’Habitat, et le ministère du Logement dans ses relations avec les départements. Ma proposition de loi permettait une remise à plat des aides. Je suis très étonné que le CIH n’ait pas fait ce travail alors que Madame Carlotti avait annoncé il y a six mois, devant la représentation nationale, que des mesures arriveraient très concrètement. Finalement, il ne se passe toujours rien, et pour des raisons partisanes une proposition d’amélioration d’un texte est refusée. Cela pose une vraie question de sérieux de la politique.
Question : Sur le fond, votre proposition pose un problème. L’aménagement du logement d’une personne indemnisée du fait d’un accident ou d’une agression est financé à l’euro près, alors que la solidarité nationale n’offre pas ce même droit et votre proposition de loi s’inscrit dans cette carence. Est-ce bien respectueux de la personne que de lui faire payer son handicap ?
Gérald Darmanin : Ce que vous dites est assez juste, je me suis posé la question lorsque j’ai su que la proposition de loi serait à l’ordre du jour de l’Assemblée Nationale. Vous avez raison, la solidarité nationale doit couvrir les besoins des personnes porteuses de handicap, et il me paraît tout à fait inconcevable de voir dans mon camp politique comme dans d’autres, que l’on souhaite faire des économies sur la solidarité nationale aux personnes handicapées. Je pense à l’Allocation aux Adultes Handicapés par exemple. S’il y a des économies à faire, ce n’est pas sur le dos des personnes handicapées qui parfois vivent dans une grande détresse, comme j’en rencontre dans ma circonscription. Mais là où je peux moduler ma réponse, c’est que je suis un député de l’opposition, et que pour qu’une proposition puisse être à l’ordre du jour et qu’on parle du sujet, il faut que le texte soit raisonnable vis-à-vis des finances publiques et des membres de mon groupe parlementaire, pour qu’ils acceptent la mise à l’ordre du jour. Sur le fondement du texte, je propose le prêt à taux zéro parce qu’il a quand même une dimension intéressante; je ne suis pas dans l’assistanat ni la subvention, mais dans le social. Ma filiation politique veut qu’effectivement on soit plus sur le social que sur l’assistanat. Mais le débat que l’on pourra avoir à l’Assemblée, c’est aussi celui-là, les orateurs pourront effectivement dire s’il y a un problème de solidarité nationale.
Propos recueillis par Laurent Lejard, octobre 2013.
Le résultat est tombé le 3 octobre au soir : l’Assemblée Nationale a adopté les amendements de suppression des trois articles de la proposition de loi et qui avaient été déposés par la majorité socialiste puis soutenus par la ministre déléguée aux personnes handicapées. Et Marie-Arlette Carlotti sort de ce débat avec un palmarès inédit : sans avoir défendu un seul texte de loi, elle a obtenu de sa majorité parlementaire le rejet de deux propositions de loi en faveur des personnes handicapées !