Juste un concours de beauté de plus cette Beauty Touch 2013 ? Peut-être pas, grâce au caractère inclusif de ce trophée qui mêle les physiques, les genres et les capacités. L’objectif de l’organisateur, les Ateliers Ruty (Paris), est de « récompenser les personnes qui font de la séduction et de la réussite leur quotidien » Un travail sur le glamour pour faire ressortir la beauté physique spécifique à chacun des candidats par une préparation confiée à des coachs professionnels, et également sur les qualités humaines, ce savoir-être trop souvent éclipsé par l’apparence.
Mathieu Mienné, 32 ans, est modèle et comédien. Avec son épouse, il vit dans une maison de campagne près d’Angers (Maine-et-Loire), sans rencontrer de réelles difficultés hormis quelques boutiques inaccessibles. Enfant, il a suivi une scolarité ordinaire, ses parents ont voulu qu’il soit comme tout le monde. Engagé, il préside l’association Handicherche.fr qui veut cofinancer des associations au moyen d’un simili-moteur de recherche Internet. Mathieu Mienné veut combattre les idées fausses des gens qui regardent le fauteuil roulant avant la personne, et les obstacles d’accessibilité qui l’empêchent de vivre pleinement.
Pourquoi participe-t-il à la Beauty Touch 2013 ? « J’y vais surtout sur mon état d’esprit. C’est une marche que je monte, une porte que je veux ouvrir pour tout le monde. Clairement, c’est la première fois qu’on me donne l’occasion de participer à un concours inclusif. Je veux faire bouger les lignes, changer les regards et les idées reçues. Encore ce matin, je lisais un article sur les personnes handicapées au travail, avec en photographie des valides jouant aux travailleurs handicapés. »
Mathieu Mienné a tourné dans des courts-métrages et le film réalisé par Sarah Lévy en 1999, Du bleu jusqu’en Amérique, mais il déplore qu’il soit assez difficile de travailler dans ce secteur : « Il y a surtout un réel problème, on ne vous appelle que quand il faut un fauteuil roulant à l’image ! » Il apparaîtra comme figurant dans le film réalisé l’an dernier par Josiane Balasko, Demi-soeur, annoncé sur les écrans le 5 juin prochain.
Mathieu Mienné a travaillé comme modèle avec des photographes, une image de « beauté farouche » : « C’est mon style, mon image de tous les jours. Attention à l’animal, je peux mordre, par révolte des a priori, des mises en accessibilité renvoyées à plus tard, ou contre les lieux inaccessibles ! » Mannequin, il a défilé pour le créateur Chris Ambraisse et d’autres stylistes proposant des vêtements adaptés aux personnes en fauteuil roulant, une activité non rémunérée, tout juste défrayée. « J’adorerais défiler pour une grande marque ! » s’exclame Mathieu Mienné. et de déplorer que l’introduction de mannequins handicapés par John Galliano dans ses défilés n’ait pas eu de suite en France. « On peut faire des choses sympas, conclut Mathieu Mienné, pourquoi pas prouver que c’est possible? »
Un peu plus au sud, Maël Letrouvé, 20 ans, habite à La Baule, dans un appartement indépendant tout en restant proche de ses parents. Une maladie neurodégénérative l’oblige à se déplacer en fauteuil roulant. Bien que très jeune, il estime que son parcours a été un peu compliqué : « Je me sens bien dans ma peau et mes vêtements. J’ai fait un stage dans un magasin vendant des fauteuils roulants, rencontrant ainsi des personnes handicapées qui avaient honte d’elles-mêmes. J’ai voulu les représenter, casser cette image zéro défaut. » Malgré cette volonté affirmée de briser les schémas publicitaires de la représentation du corps, Maël Letrouvé a été plusieurs fois refusé par des agences de casting à cause du fauteuil roulant. Mais cela évolue : « Une agence de communication m’a repéré lors d’un défilé de Chris Ambraisse. Et j’ai déjà trois ans de mannequinat professionnel, payé parfois, ou au moins défrayé. J’ai eu pas mal de demandes pour des photographies, notamment lors de la Fashion Week de Paris. »
Il se positionne comme une personne bien différente de celles qui défilent habituellement sur les podiums : « On n’y voit pas de physiques ingrats, atypiques, hors normes. Ce qui gêne chez les recruteurs, ce sont les mots ‘handicapé’ et ‘fauteuil roulant’ : ils cassent le schéma parfait. Il y a un an, j’ai contacté une agence qui assurait la promotion de fauteuils roulants de luxe… en utilisant des modèles valides ! Il y a six mois, elle recherchait via sa page Facebook un enfant valide pour poser en fauteuil roulant ! Je l’ai contactée, et mise en relation avec un jeune handicapé qui a fait la publicité. »
Le projet de Maël Letrouvé : faire carrière dans le mannequinat, pour que le public voie des personnes handicapées dans des publicités. Il espère être repéré par un recruteur qui lui proposerait un contrat. Son aspiration, comme celle de Mathieu Mienné, sera peut-être récompensée le 8 juin prochain, jour des trophées Beauty Touch : Messieurs, à vos (ch)armes!
Laurent Lejard, avril 2013.
PS : le concours Beauty Touch a finalement sombré, victime de malversations et de promesses non tenues. Et Maël Letrouvé est décédé en septembre 2013.