Tous les Français connaissent le département de l’Ain, numéro 1 des plaques minéralogiques, mais nombre d’entre eux éprouvent des difficultés à le situer sur une carte, même s’ils se délectent de poulets de Bresse, de fromage bleu ou de sauce Nantua ! Pour faire simple, l’Ain commence à Lyon et finit à Genève (ou vice-versa), appuyé sur son flanc ouest à l’autoroute du Soleil, et bordé à l’est et au sud par le Rhône (lire ce reportage Loisirs). Au nord-est, c’est le Jura. Partie des États de Savoie jusqu’au XVIIe siècle, les différentes régions qui composent le département actuel ne le formeront définitivement qu’à la fin du XVIIIe, quelques communes du sud étant « absorbées » par Lyon et le Rhône dans les années 1960.
Bourg-en-Bresse, la préfecture, doit son expansion aux ducs de Savoie, qui en firent une prospère capitale régionale au XVe siècle, statut qu’elle défendît âprement, notamment contre les troupes françaises, jusqu’au traité de Lyon (1601) qui devait la rattacher définitivement au royaume. De cette époque faste subsistent la co-cathédrale Notre-dame de l’Annonciation et le monastère royal de Brou, splendeurs gothique flamboyant, immaculées et parfaitement accessibles qu’il faut absolument visiter. La première abrite notamment une Vierge médiévale miraculeuse, des stalles du XVIe siècle finement sculptées et de splendides grandes orgues que l’on peut entendre résonner, tous les mardis soirs d’été, dans l’immense vaisseau de pierre. Quant au vaste monastère royal, situé en périphérie du centre ancien, il accueille plusieurs espaces muséographiques dont un richissime musée municipal, principalement consacré à la peinture, dont seul le rez-de-chaussée (sculptures) est accessible en fauteuil roulant. Des médiations y sont néanmoins proposées aux visiteurs déficients sensoriels. Outre ses trois cloîtres, l’endroit vaut également pour l’extraordinaire chapelle funéraire Saint-Nicolas-de-Tolentin que Marguerite d’Autriche (1480-1530) fit élever à son époux bien-aimé Philibert II de Savoie mort à vingt-quatre ans. Leurs gisants, chefs-d’oeuvre du gothique tardif, reposent désormais proches l’un de l’autre, dans le choeur, derrière un jubé aussi flamboyant que le reste…
Le centre-ville de Bourg-en-Bresse, globalement plat et roulant (avec de nombreux stationnements réservés), se découvre par ailleurs au fil des vieilles rues et au hasard d’un secteur piétonnier qui offre l’opportunité de lever les yeux sans risque pour admirer les façades anciennes ! Lesquelles couvrent pratiquement toute l’histoire de l’architecture, du Moyen-Âge au XIXe siècle, sans « verrue » ou presque (interrogez les habitants sur la « vizirette » de la place Edgar Quinet !). L’Office de tourisme propose de passionnantes visites guidées tenant compte de l’accessibilité. Au passage, ne manquez pas de faire halte chez l’un des derniers émailleurs de France, Jeanvoine, qui perpétue une tradition vieille de plusieurs siècles : son atelier-boutique est accessible par rampe et l’émerveillement n’est pas hors de prix…
La Bresse agricole, celle notamment des fameuses volailles (le fromage bleu est une création industrielle récente destinée à concurrencer le gorgonzola), on la découvre à une vingtaine de kilomètres à l’ouest de « Bourc » (ainsi que le prononcent les gens d’ici), au musée départemental installé à Saint-Cyr-sur-Menthon, dans un ancien domaine agricole remarquablement préservé. Les différents corps de bâtiments de la vieille ferme bressane du XVe siècle classée monument historique, se visitent au moyen de rampes et au prix d’un sol parfois cahoteux mais leur découverte (qui est également celle d’une vie paysanne plutôt opulente) est complétée par un espace muséographique ultramoderne parfaitement accessible présentant les métiers et traditions locales. On y retrouve notamment les émaux bressans évoqués ci-avant, mais également une émouvante collection de pièces de vêtements et divers témoignages du passé. Un espace est réservé aux expositions temporaires, dont la thématique tourne logiquement autour de la Bresse. Guides de visites disponibles en braille, relief et grands caractères, toilettes adaptées, parking réservé. Des visites en LSF sont régulièrement organisées en partenariat avec le service d’interprétariat en langue des signes de l’Ain.
Un peu plus au nord, la Maison du tourisme de Pont-de-Vaux, bâtiment très contemporain situé en bordure de rivière (avec une charmante halte nautique) propose un espace de découverte plutôt ludique des milieux humides de la région, avec notamment une « mare virtuelle » particulièrement réaliste qui enchantera les plus petits… et aussi leurs parents! En sortant, vous serez incollable sur la faune locale et les caprices d’un fleuve, la Saône, dont les crues peuvent être très étendues et qui gèle parfois en hiver. Le personnel d’accueil s’avère par ailleurs d’excellent conseil pour découvrir la région en toute accessibilité. Rampe d’accès, parking réservé, toilettes adaptées.
À une quarantaine de kilomètres à l’est de Bourg-en-Bresse, Nantua offre un autre « paysage humide », lacustre celui-là. C’est de son beau lac d’origine glaciaire que proviennent les écrevisses à l’origine de la fameuse sauce Nantua, idéale pour napper les quenelles… Écrevisses qui se nourrissaient opportunément des lambeaux de viande accrochés aux peaux que les tanneurs, jadis nombreux, faisaient tremper. Des mégisseries ne subsiste plus guère que le surnom de « catholards » donné aux habitants, du nom d’une aiguille utilisée pour le travail du cuir. Nantua, par ailleurs débarrassée d’un tristement célèbre bouchon routier sur la route de Mâcon à Genève, s’est paisiblement tournée vers le tourisme. Son austère abbatiale Saint-Michel, romane clunisienne, est accessible par rampe (côté droit de l’édifice) et abrite un inattendu Martyre de Saint-Sébastien par Delacroix. Plus poétique, sur les hauteurs, la source du Nant (rivière qui a donné son nom à la ville) offre une belle cascade et les restes d’un lavoir où oeuvraient les tanneurs. Autre jolie promenade en bord de lac, où le soleil couchant donne tous les soirs un spectacle des plus romantiques… Difficile de croire que le chanteur Jean-Louis Aubert, du groupe Téléphone (que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître) soit né ici !
À égale distance de Nantua et de Bourg-en-Bresse, Jujurieux a connu son heure de gloire entre le XIXe siècle et le début du XXIe avec les prestigieuses soieries Bonnet: une industrie venue de Lyon, qui a profondément marqué ce terroir et dont on peut visiter les glorieux vestiges, passés pratiquement du jour au lendemain du statut industriel à celui de musée-conservatoire. Plus de 1.000 ouvriers travaillaient ici, principalement des femmes dont la moitié pensionnaires. Une organisation hiérarchisée, très empreinte de paternalisme mais qui offrait alors un toit, un métier et un avenir aux jeunes filles pauvres. Et une implantation à la mesure de l’importance de cette industrie à laquelle faisaient appel les plus fameuses maisons de haute-couture: bâtiments de manufacture, logements, école, gare et même église! Une véritable ville dans la ville. Figée en 2001, à la cessation d’activité. Les métiers sont toujours là, silencieux, et certains employés se sont reconvertis dans l’accueil du public. La visite, parfaitement accessible, vaut évidemment pour la muséographie, qui présente cette épopée un peu triste et son âge d’or, mais surtout pour ces anciens employés, qui peuvent témoigner de leur vécu et partager leur expérience: un moment réellement privilégié. Parking aisé, toilettes adaptées.
Pour finir sur une note positive, mais toujours dans l’exceptionnel, petit détour par Cerdon, à quelques encablures de Jujurieux. Cerdon et son vignoble (dans l’appellation vin du Bugey), qui donne naissance à un rosé pétillant léger, peu alcoolisé et très fruité, dont on peut se délecter avec juste ce qu’il faut de modération pour apprécier le voyage ! De nombreux viticulteurs ouvrent leurs chais à la visite mais le plus accessible, bien que d’apparence industrielle, est la maison Lingot-Martin : stationnement aisé, accès de plain-pied et accueil chaleureux. Tout ce qu’on aime dans l’Ain !
Jacques Vernes, septembre 2013.
Sur le web, le site officiel Ain Tourisme est un véritable portail d’informations sur la destination : hébergements, activités culturelles ou de loisirs, rien n’y manque pour organiser son séjour, y compris quand on est handicapé.