En l’état actuel de nos informations, les quelques médias professionnels français consacrés à l’actualité du handicap et des personnes handicapées ont été écartés du suivi des Jeux Olympiques de Paris, qui se dérouleront du 26 juillet au 11 août prochains. Leurs journalistes spécialisés ne pourront pas rendre compte des conditions d’accueil des publics handicapés dans les sites des compétitions, de leur joie d’en être et des éventuelles difficultés rencontrées pour y parvenir, du fonctionnement des services et transports dédiés, bref de tout ce qui fera que la fête promise depuis sept ans le sera également pour ces spectateurs… et qu’on ne leur fera pas leur fête.
Des procédures discrétionnaires
La faute repose essentiellement sur la procédure suivie par le Comité National Olympique et Sportif Français (CNOSF). C’est en effet cet organisme qui est chargé de délivrer aux médias et à leurs journalistes l’accréditation indispensable au moyen d’une procédure engagée deux ans tout juste avant la compétition : les représentants de la presse avaient jusqu’à fin octobre 2022 pour contacter leur Comité National Olympique. Si en France le CNOSF a informé les médias sportifs et la plupart des publications, il a omis d’informer les magazines et médias handicap. « Nous avons informé de l’ouverture de la procédure d’accréditation presse pour les Jeux Olympiques via nos listings presse, le listing de l’Union des journalistes de sport en France, un article sur notre site internet et des publications sur les réseaux sociaux », justifie le CNOSF. De ce fait, seuls les journalistes s’intéressant à l’actualité du CNOSF pouvaient agir dans les temps, avant février 2023. C’est cette carence qui a fait chuter les responsables des médias handicap qui ne pouvaient deviner que tout serait bouclé près de deux ans avant la compétition. Par comparaison, la procédure d’accréditation pour la coupe du monde de rugby qui s’est déroulée en France en 2023 a été bouclée six mois avant le premier match. Et le Comité d’Organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques (COJOP) s’est bien gardé d’informer les journalistes suivant son actualité…
Malgré cette lacune, trois médias handicap auraient pu suivre les Jeux Olympiques. « Le CNOSF nous a proposé l’accréditation il y a un an et demi, mais ça ne m’intéressait pas », justifie Jean-Marc Maillet-Contoz, fondateur du mensuel Handirect qu’il a vendu fin 2023 ; il n’a pas davantage demandé d’accréditation pour les Paralympiques, laissant son successeur gérer le problème. Le média web Handicap.fr n’a également pas demandé d’accréditation pour les JO, mais pour une autre raison : « On nous a dit que ce serait très compliqué », explique Emmanuelle Dal’Secco, sa rédactrice en chef. « Le CNOSF a rejeté la demande de Vivre FM pour suivre les Jeux Olympiques », déplore le directeur de cette radio parisienne, Frédéric Cloteaux. Cet organisme ne voulait donc pas de journalistes spécialisés en capacité d’évoquer l’accueil des publics handicapés et les services adaptés ? Le spectre de la discrimination flotte au-dessus de cette affaire. Par ailleurs, Vivre FM a obtenu six accréditations pour les Paralympiques… à la condition de louer un studio au sein du Club France. « On voulait de toutes façons en prendre un », ajoute Frédéric Cloteaux. Toutefois, il ne fera pas accréditer les animateurs et journalistes handicapés de son équipe afin de leur épargner le stress des déplacements et la foule, précise-t-il.
Accrédités pour les Paralympiques
Pour les Jeux Paralympiques, la procédure est semblable à celle des JO mais confiée au Comité Paralympique et Sportif Français (CPSF), avec un calendrier identique et une clôture du dépôt des demandes en avril 2023. Là encore, les médias handicap n’ont pas été informés bien que le CPSF les connaisse. Et c’est par le hasard des rencontres que Valérie Di Chiappari, rédactrice en chef du bimestriel Faire Face – Mieux vivre le handicap édité par l’APF France handicap, a appris, très tardivement, que la procédure d’accréditation pour ces Jeux était lancée. Quant au trimestriel Être emploi, handicap et prévention, son rédacteur en chef Michaël Couybes, précise que si sa publication a été retoquée par le CNOSF, pour une question de timing pense-t-il, elle sera accréditée aux Paralympiques. Sauf coup de théâtre, l’information sur l’accueil des publics handicapés lors des Jeux Olympiques de Paris reposera donc sur les épaules d’éventuels journalistes handicapés de la presse étrangère…
Laurent Lejard, mars 2024.