Nous déplorons le fait que le législateur ait mis en place envers les entreprises une politique répressive plutôt qu’une politique encourageante pour l’emploi des personnes en situation de handicap. Si le fait de réprimer les grandes entreprises de plus de 20 salariés peut effectivement être nécessaire pour les obliger à adopter une démarche sociale et engagée, nous trouvons dommage qu’il n’y ait pas une véritable attention et action posées pour les Très Petites Entreprises ou Moyennes Entreprises qui sont volontairement dans cette dynamique d’inclusion. Les TPME sont les premiers employeurs de France et représentent le plus gros tissu économique du pays. Nous pensons que bien d’autres entreprises ont aussi cette volonté d’emploi, mais le parcours pour l’emploi de personnes en situation de handicap est laborieux, long et complexe. Je pense par exemple au dossier pour bénéficier d’une reconnaissance de la lourdeur du handicap (RLH) ; celui-ci est complexe, et demande un temps d’investissement pour le monter, loin d’être anodin. Contrairement aux grandes entreprises, les TPME ont des ressources limitées pour répondre aux besoins spécifiques des travailleurs handicapés, telles que l’adaptation du poste de travail ou la formation spécialisée. Sans un soutien financier adéquat de la part des autorités, ces entreprises peuvent hésiter à prendre le risque financier associé à l’embauche. Cela crée un cercle vicieux où les opportunités d’emploi pour les personnes handicapées dans les TPME sont restreintes, contribuant ainsi à leur exclusion du marché du travail.
Nous avons pu bénéficier d’aides financières ponctuelles de la part de l’Agefiph (aide au tutorat lors de l’embauche de notre salarié autiste, Envel) et d’un accompagnement de Cap Emploi ; nous remercions vivement nos interlocuteurs dans ces organismes pour le travail en partenariat que nous avons mis en place. Cependant, ces aides sont malgré tout très limitées, au regard de l’investissement que l’accompagnement d’une personne en situation de handicap demande pour une entreprise ordinaire. Nous avons des obligations de rentabilité et de productivité en tant qu’entreprise, ce sont des exigences qui laissent peu de place à l’accueil de la différence. Car en effet, l’inclusion demande un investissement en temps et en personne: Une dynamique finalement à contre-sens de notre société actuelle : toujours plus vite, plus rapide, et faire du chiffre.
Les aides gouvernementales destinées à soutenir l’embauche des personnes en situation de handicap dans les TPME sont donc souvent limitées. Les subventions disponibles peuvent ne pas couvrir l’ensemble des coûts liés à l’adaptation au poste de travail ou à la formation nécessaire pour intégrer efficacement un travailleur handicapé. De plus, les démarches administratives pour bénéficier de ces aides sont complexes et chronophages pour les petites entreprises qui manquent souvent de personnel dédié aux ressources humaines. Par conséquent, le niveau d’incitation à embaucher des personnes en situation de handicap peut être insuffisant pour de nombreuses TPME, même si elles reconnaissent la valeur de la diversité et de l’inclusion au sein de leur effectif.
Nous attendons des pouvoirs publics un soutien financier et logistique adéquat aux TPME qui emploient des personnes en situation de handicap. Cela comprend les subventions suffisantes pour couvrir les coûts d’adaptation du poste de travail, de formation spécialisée et d’accompagnement nécessaire. De plus, des mesures simplifiées et accessibles administrativement doivent être mises en place pour permettre aux TPME de bénéficier de ces aides sans rencontrer des obstacles bureaucratiques.
Il pourrait être envisagé d’introduire des incitations fiscales supplémentaires telles que des réductions d’impôts ou des crédits d’impôt spécifiques. Des partenariats public-privé sont développés pour offrir des services d’accompagnement et de conseil aux entreprises pour les aider à surmonter les défis liés à l’intégration (comme nous en bénéficions auprès de l’Agefiph et de Cap Emploi), mais le parcours pour y accéder est, encore une fois, trop complexe. Il est nécessaire de simplifier et rendre encore plus visible de manière systématique (lors de la création d’entreprise) ces partenaires.
Un suivi régulier et une évaluation des politiques publiques en matière d’emploi des personnes en situation de handicap directement sur le terrain sont essentiels pour garantir l’efficacité des mesures prises et pour ajuster les politiques en fonction des besoins réels des entreprises et de leurs employés. Aussi, des campagnes de sensibilisation et de promotion de l’inclusion des personnes handicapées sur le marché du travail sont également nécessaires pour encourager les employeurs à prendre des mesures concrètes en faveur de la diversité et de l’égalité des chances. Il en existe déjà mais elles doivent être encore plus développées.
Enfin, il est rentable pour les pouvoirs publics d’apporter un soutien financier aux entreprises inclusives pour plusieurs raisons :
- Impact économique positif : En facilitant l’accès à l’emploi des personnes en situation de handicap, les pouvoirs publics contribuent à augmenter le nombre de travailleurs actifs, ce qui peut stimuler la croissance économique globale. Ces personnes deviennent ainsi des consommateurs actifs, ce qui peut dynamiser les marchés locaux et nationaux.
- Réduction des coûts sociaux : Cette insertion professionnelle réduit leur dépendance aux prestations sociales et aides gouvernementales, ce qui allège le fardeau financier sur les systèmes de protection sociale. En outre, une participation active au marché du travail favorise l’autonomie et la dignité des personnes handicapées, réduisant ainsi les coûts associés à leur prise en charge.
- Diversification des compétences : Les travailleurs handicapés apportent une diversité de compétences, de perspectives et d’expériences au sein de l’entreprise. Cela favorise la création d’équipes plus inclusives et innovantes, ce qui peut renforcer la compétitivité des entreprises sur le marché.
- Image positive pour le Gouvernement : En mettant en place des politiques de soutien à l’emploi des personnes en situation de handicap, les pouvoirs publics renforcent leur image en tant que défenseurs de l’inclusion sociale et de l’égalité des chances. Cela peut conduire à une meilleure perception de leur action par les citoyens et renforcer la confiance dans ces institutions.
Mélanie Aumon, fondatrice MapoHème, mai 2024.